L’autre grande foire off, c’est la nouvelle Nofound (à vrai dire, je n’ai pas pu aller voir Foto Fever ; devrais-je le regretter ?). Dans un espace trop resserré pour qu’on puisse aisément regarder les œuvres, il y a là une quarantaine de galeries, allant de la galerie inconnue ou intermittente à quelques poids lourds qu’on s’étonne un peu de trouver là, comme Haunch of Venison (belles compositions arctiques de Thomas Joshua Cooper), Claudine Papillon ou Frank Elbaz (avec les diptyques warholiens d’Ari Marcopoulos). Les stands des galeries s’articulent plus ou moins bien autour de projets spécifiques, et, dans la lignée de Nofound, un bon nombre de ces projets ont trait au corps : sur le stand de New Documents, Lina Scheynius propose une mosaïque assez convenue de photos de corps de plaisir, mais leur contraste avec le corps triste montré en face par Anna Linderstam est saisissant. La revue Eyemazing expose, entre autres, une grande photographie de la mère de Frank Rodick quelques heures après son décès, où la décomposition des chairs se traduit dans une déliquescence de la matière photographique, alors que la revue Kaiserin, elle, célèbre les ‘boys with problems’…
Les prisonniers sud-africains de Gavin Younge (La Noire Galerie) occupent fièrement l’espace de leur corps sculpté et tatoué, alors que la galerie munichoise Micheko présente les corps flottants de Tomohide Ikeya (ci-contre) et le buste nu émergeant d’une mer de sardines de Muga Miyahara (en haut).
Sortant de cette fascination du corps, la galerie de Sarajevo Duplex 10M2 revisite l’icône de Tito grâce à Milomir Kovacevic, à côté des souvenirs de la fille d’un sniper bosniaque, Adela Jusic, un beau travail de mémoire.
En prenant soin d’éviter les préciosités de Sabine Pigalle et les banalités de Thomas Mailaender (après son ‘succès’ arlésien), on remarque encore un solo show de Robert Gligorov chez Pascal Vanhoecke, bien mieux que ce que j’espérais dans ce contexte, avec en particulier cette Minerve brisée, idole morte dont la vacuité ainsi révélée donne naissance à un œuf qui n’éclora plus : sans doute un des travaux les plus chargés de sens de cette foire.
On peut en dire autant du solo show d’Eleonora Aguiari (chez Alberta Pane), qui questionne et démonte un paysage (toscan peut-être; ci-dessous) en restructurant l’image, en redéfinissant la perspective albertienne, en suspendant la scène, en remettant en cause la représentation (et c’est une des rares à le faire ici).
En résumé, un salon un peu confus et désordonné, mais prometteur.
De retour au Grand Palais juste avant la fermeture, j’y ai revu l’œuvre que j’aurais aimé m’acheter, ce grand portrait de Maïakowski par Rodchenko (chez Camera Work) : assis, le crâne ras, campé droit dans ses gros brodequins, tenant son chapeau négligemment entre ses jambes, la poche de poitrine de sa veste débordant de stylos comme un banal ingénieur, il nous fixe et nous fige sur place.
Photos 2, 3 & 5 de l'auteur. Photo Gligorov courtoisie de la galerie Vanhoecke.