Magazine Asie
La nuit s'est invité. Pour atteindre la plage, il fautgrimper la dune sableuse dans la pénombre. L'air d'octobre trop douxpicote quand même. Timidement. Juste pour nous rappellerque c'est l'automne, que ce n'est plus vraiment la saison du cheminde la plage. Surtout quand les nuages grognons masquent les premièresétoiles. Nous marchons. Le bruit des vagues s'amplifie et, bientôtle vent nous assaille. Cette fois, on réalise que novembre guette. La mer est haute.
Si haute qu'elle a avalé la plage.Elle la recrache, mouillé et sombre, dans le crépuscule mourant. Làbas, au dessus de l'horizon, une tache incandescente dans les nuagesindique l'ouest. Je respire profondément. Face au spectacle, lesparoles aussi se meurent. Dans le silence assourdissant de l'océan,nous contemplons. Nous nous abreuvons de ce paysage salé, grandiose.L'eau se retire par vague. Elle dessine des courbes étrange, dessinusoïdes infinies. A l'abri sous ma capuche, je contemple. Je m'aventure. Un peu. Marcher dans lesable mouillé, sentir les baskets s'enfoncer. Et l'envie est tropforte, je sors l'appareil photo de la poche. Difficile de résister àla tentation de se traîner par terre.
A perte de vue, de la nuit, de l'eau.Juste trois âmes qui vivent, venues encurieuses admirer la danse de la nuit et de l'océan. Admirer laligne fine entre les éléments. Elle se dissipe à mesure que letemps coule, à mesure que la mer se carapate, à mesure que la nuits'installe confortablement.
De longues minutes, nous restons là.Noyées de son, d'embruns, du parfum de l'iode. La nuit est partout.Cela s'entend. Si tu fermes les yeux à la plage, même très fort,jamais tu n'auras cette sensation. La nuit change les sons, lesodeurs. La nuit rend à chaque grain de sable, à chaque goutte, àchaque coquillage sa nature sauvage. Indomptée. Elle nous tolère. Et quand lesbourrasques de vent fouettent les joues, nous savons qu'il est tempsde laisser le paysage à ses occupations secrètes.
Les créatures marines pourront alorsaller au bal. Les êtres mystérieux et inquiétants viendronss'agiter et laisser dans le sables des traces bizarres. L'heure estvenue de sonner la retraite des humains. Sur le retour chaotique juste à lavoiture, nos rires s'envolent...
Un moment magique partagé avec Anne et Viny Copyright : Marianne Ciaudo