On découvre assez régulièrement que les politiciens qui animent la vie politique française sont généralement incapables de faire une règle de trois, une multiplication ou une division en dehors des tables de base, ce qui excuse alors leurs notions économiques quasiment inexistantes. On peut naïvement croire que le niveau catastrophique de nos dirigeants en économie ne reflète pas celui des Français en général ; après tout, une nation qui a compté dans ses rangs Pascal, Descartes, Fermat, Poincaré, Mandelbrot, pour n’en citer que quelques uns, ne devrait pas être complètement étrangère aux notions mathématiques de base. Mais la réalité laisse pantois.
Et en matière de sciences économiques et de finance, c’est, pour tout dire, la déroute.
Certes, on peut comprendre que la définition d’un Warrant ou celle d’élasticité des prix soient un peu ardues pour l’homme de la rue. On est nettement plus surpris d’apprendre, selon une étude réalisée par le Credoc, que la plupart des Français buttent sur le simple calcul d’un intérêt de base. Seul un Français sur deux donne la bonne réponse à la question suivante sur la rémunération d’un compte : «Si vous placez 100 euros sur un compte rémunéré à 2 % et que vous ne faites aucun versement, ni de retrait, combien aurez-vous une fois les intérêts versés ?»
Bien peu savent ce qu’est, en économie, une obligation, alors que cette notion recouvre assez bien la notion d’obligation courante (devoir, engagement, contrainte), ou ce qu’est un dividende, et beaucoup croient à l’existence de produits magiques à la fois très rentables et très peu risqués. Au pays des Bisounours, peut-on réellement s’en étonner ?
Le constat est finalement assez accablant : les Français ont décidé que la finance, l’économie et les bases simples de mathématiques financières étaient hors de leur portée, ou, plus probablement, trop petit-bourgeois pour s’en inquiéter, et s’en sont donc remis, peu ou prou, à leurs dirigeants, tous aussi nuls les uns que les autres dans ces domaines : on notera que peu de nos politiciens ont une vraie culture scientifique solide, et que l’accession au pouvoir mobilise surtout de solides réseaux de connaissances, d’amitiés et un entregent purement politicien, mais pas du tout une connaissance même basique des mécanismes économiques qui fondent pourtant le soubassement logique des grandes orientations politiques.
On n’est dès lors plus étonné de trouver des pépites comme ce genre d’article qui démontre à l’envi qu’il n’y a aucune espèce de corrélation entre la fonction d’une personne et sa compétence dans celle-ci : un type qui préside à l’Autorité des Marchés Financiers et qui ne comprend pas que le marché n’a fait que pointer du doigt les erreurs catastrophiques, systématiques et répétées de nos dirigeants mérite parfaitement sa place dans un pays où n’importe quel gloubi-boulga éco-philosophique new-âge tient lieu de pensée cartésienne.
Et non seulement, le savoir économique et financier est quasiment absent, mais en plus est-il tenu en faible estime, par ceux-là mêmes qui, finalement, n’en connaissent à peu près rien, et pire encore, il est enseigné avec les biais les plus lamentablement en faveur de bricolages qui ont fait les preuves de leur vacuité.
Au bilan, le pays s’en retrouve géré n’importe comment ; Bastiat, un économiste dont la renommée a pourtant fait le tour du monde, est quasiment inconnu en France, et le bon sens qu’il distillait dans ses écrits est maintenant totalement évaporé tant du corps électoral que du corps législatif ou exécutif avec le résultat qu’on voit (une catastrophe de la dette parfaitement prévisible), et celui qu’on voit moins : une accumulation de dysfonctionnements de plus en plus importants de l’ensemble des pans collectivisés de la société française.
Par exemple, les Français ne s’étonnent guère des queues aux urgences hospitalières, des remboursements de plus en plus médiocres de leur Sécurité Sociale, d’une couverture chômage ou retraite de plus en plus mince, et acceptent presque sans broncher d’avoir à renoncer à des soins chez les médecins spécialistes pour éviter les tarifs et les temps d’attente … qui nous rapprochent tous les jours du système soviétique.
En définitive, en refusant de faire l’effort d’essayer de comprendre quelque chose à l’économie, une bonne partie des Français s’est gentiment laissée manipuler par toute la clique habituelle d’aigrefins qui ont rapidement pris les commandes du navire à leur propre compte.
Quelques générations plus tard, les aigrefins sont toujours là, mais même eux ne captent absolument plus rien de ce qui se passe autour d’eux, répétant mécaniquement les schémas qu’ils ont appris de la génération précédente, sans essayer de comprendre (trop fatiguant, trop compliqué pour leur modestes capacités intellectuelles ?) avec le résultat qu’on sait déjà inéluctable : une catastrophe économique majeure.
L’ignorance, dit-on, est une bénédiction.
Le fait de tenir pour exactes et complètes des choses fausses, lacunaires ou biaisées, en revanche, peut tuer. L’inculture économique des Français, dans les prochains mois, va leur coûter fort cher.