Le musée des Abattoirs, siège du Frac Midi Pyrenées, à Toulouse (via 31360)
Si vous fréquentez un peu les lieux d’art en France, vous êtes sans doûte tombés sur ce sigle.
Qu’est-ce qui se cache derrière? Frac n’est que l’abréviation de “Fond régional Art Contemporain” et il s’agit, la plupart des fois, d’un véritable musée qui a une collection propre et propose des expositions temporaires. La gestion des frac rélève des administrations régionales et les fonds indispensables pour leurs activitées sont donc des financements publiques.
Les frac ont été crées dans les années 1980 dans le but d’ « emmener » l’art contemporain en région et de soutenir la création française.
Quand je suis arrivée en France (à Nice) pour la première fois et que j’ai commencé à fréquenter le milieu de l’art contemporain, je me suis vite aperçue (et étonnée) du sentiment d’éloignement et d’isolation dans lequel les artistes se sentaient par rapport à leur position géographique.
A Nice il y avait (et il y a encore aujourd’hui) plusieurs lieux d’exposition : galeries, lieux associatifs, musées… plus la Villa Arson, une école prestigieuse connue dans tout l’hexagone, qui fabrique tous les ans des nouveaux artistes.
Toutefois, même si le système de l’art pourrait avoir ici tous les outils pour son épanouissement (artistes, centres de formation, lieux d’exposition, public et collectionneurs), les artistes niçois ont toujous préféré partir à Paris pour chercher fortune (pas tous, il y en a qui sont courageusement restés). Et le même discours on pourrait le faire sur d’autres villes et régions de « province ».
Maquette du nouveau Frac Centre (à Orléans) qui ouvrira ses portes au public sur le site réhabilité des Subsistances Militaires en 2012 (projet: Jacob+MacFarlane, Paris)Pourquoi ça ?
A Paris, on est tous d’accord, le système est bien plus développé que dans tout le reste de la France. Les mêmes collectionneurs qu’on peut rencontrer aux vernissages sur la Côte d’Azur ou à Marseille habitent ici. Ils aiment les artistes du Sud, mais ils achètent leurs œuvres dans des galeries parisiennes, comme s’il s’agissait d’une « garantie ». Faire partie de l'écurie d’une galerie à Paris est donc le moyen le plus simple et le plus rapide d’être connu et acheté.
Dans les années 1980 (et avant) c’était inconcevable de rester en région si on voulait embrasser une carrière dans l’art. Très peu de galeristes avaient le courage d’ouvrir une galerie loin de Paris, tout simplement parce que personne prenait le risque d’y acheter des œuvres. Les Fracs ont été crée pour le public et les artistes qui résidaient en région. Pas pour y exposer, bien sûr, mais pour faire connaître l’art contemporain français (et parfois étranger), et y emmener les mêmes artistes qui passaient par Paris et pas forcement en région.
Un autre nouveau bâtiment pour un frac, qui ouvrira ces portes prochainement: ici on est à Rennes, en Bretagne.A présent, la situation de l’art en France a beaucoup changé. Je pourrais vous donner plusieurs exemples d’artistes qui ont connu le succès en région et, ensuite, ont débarqué à Paris ; des lieux d’art en campagne qui ont une programmation pointue en ligne avec les thématiques de l’art contemporain international ; des gens courageux qui, grâce à leur engagement (et parfois, il faut le dire, à leur argent), ouvrent des lieux d’art insolites dans des bleds inconnus au bataillon…
Tout cela n’existe sans doûte pas seulement grâce aux Fracs. Mais leur création a été un signal fort (et même un peu « artificiel ») de la part du gouvernement central qui, ainsi, a essayé de réduire l’éloignement des régions de la scène artistique parisienne.
Et finalement, le Frac Paca, qui emmenagera dans le nouveau bâtiment projeté par Kenzo Kuma en 2012
Certes, il existe encore une forte centralisation dans le système de l’art français. Nous, les italiens, ne le comprenons pas toujours. En Italie il y a bien sûr des centres incontournables pour l’art (Milan, par exemple, mais bon, cela a beaucoup changé ces dernières années), mais à coté de ça, toute une série de villes où la scène de l’art est très vivante. Et on peut être célèbre à Palerme ou à Naples sans forcément avoir exposé à Milan ou à Turin.
Voilà donc une petite chose qui fait envie à nos cousins transalpins !