Le Roy - Collectif © La Boîte à Bulles - 2009
«Qu’elle était naïve, décidément, cette idée selon laquelle, avec l’expansion des moyens de communications, il ne serait plus possible de commettre une exaction sans que l’opinion internationale, aussitôt alertée, réagisse par une protestation unanime…» (Gaza, décembre 2008 – janvier 2009).
En décembre 2008, sous l’impulsion de Maximilien Le Roy, un collectif se mobilise. L’auteur nous explique en préface les étapes de cette initiative. Rapidement, Vincent Henry s’engage sur le versant éditorial, assurant ainsi la viabilité du projet…
Pris entre urgence et impuissance, je tournais en rond, me demandant comment contribuer à cet élan contestataire symbolique mais néanmoins crucial – puisque qui ne dit mot… (…) L’idée d’un livre collectif, de dessins, de textes et de photos, rassemblant quantité d’individualités de tous horizons m’apparut alors comme le moyen le plus pertinent. Un livre de témoignages et d’analyses pour pousser les perspectives que le petit écran médiatique réduisait singulièrement.
L’ouvrage se concentre sur une courte période qui correspond à l’opération « Plomb durci » menée par Israël sur la Bande de Gaza (du 27 décembre 2008 au 20 janvier 2009) ; 317 pages en partie rythmées par cette comptabilisation insoutenable :
(page 30) – « Je viens de recevoir un appel général sur mon portable : les Israéliens menacent de bombarder toutes les maisons où se trouvent des armes. 285 martyrs et 1000 blessés en 24 heures ».
…
(page 117) – « Au matin du sixième jour des massacres, on compte 412 martyrs. Il y a plus de 2000 blessés, dont 261 enfants. Étaient-ils eux aussi des terroristes ? ».
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Peut-on mettre en parallèle la construction de cet album avec Passage Afghan de Ted Rall ? En partie puisque l’un et l’autre utilisent deux supports pour faire passer leur message : la bédé et des articles de presse. Mais contrairement au journaliste américain (Ted Rall) – qui avait opté pour un ouvrage à double entrée (d’un côté la BD, de l’autre les articles) – Gaza un pavé dans la mer fait cohabiter les différents médiums. A tous points de vue, l’album fait preuve d’une grande hétérogénéité (diversité des textes, des modes d’expressions narratifs et graphiques) et malgré un parti pris prononcé pour la cause palestinienne, il n’omet pas la vision israélienne (si succincte soit-elle).
Les acteurs de ce recueil sont nombreux. Leurs multiples regards donnent une vision très complète de la situation. Politologue, photographes, grands reporters, journalistes du Monde et du Monde diplomatique, citoyens palestiniens et israéliens, historiens, cinéaste, poète, intervenants issus d’Organisations comme MSF, l’Union juive française pour la Paix ou le Collectif israélien ActiveStills. On remarquera également plusieurs interventions de Michel Warschawski (qui a de nouveau collaboré avec Max Le Roy en 2010 dans Les Chemins de traverse). Leurs regards croisés sont complémentaires, chaque contribution aborde le conflit israélo-palestinien sous un angle spécifique permettant ainsi au lecteur d’accéder à un patchwork de cultures, de références et d’opinions sur la situation de/dans la Bande de Gaza.
Vous l’aurez compris, les supports sont nombreux : articles de presse, interview, témoignages de civils, photos, manifeste, fiches techniques («Hamas», «Sionisme et Antisémitisme» ou encore «L’économie palestinienne»). Ce documentaire est didactique notamment lorsqu’il définit clairement des notions dans lesquelles on a tendance à se noyer (Intifada, Juif/Sioniste/Israélite…). Tabous et non-dits n’ont pas leur place ici. Enfin, si le soutien au peuple palestinien est très marqué, les prises de position le sont également ; ainsi, l’attitude de l’État français et des États-Unis est dénoncée et leur indulgence à l’égard d’Israël – coupable de crimes de guerre (non-respect des accords de Genève, des cessez-le-feu…) – sont passées au crible. Hypocrisie et diplomatie font bon ménage… surtout lorsqu’il s’agit de préserver leurs intérêts financiers.
Disséminés tout au long de l’album, les dessins humoristiques et mordants de Carali, Lacombe, Goubelle, Chimulus… décalent le regard et donnent une portée plus incisive encore aux propos. Quant aux témoignages de civils palestiniens, ils sont soit insérés de manière totalement brute (sous forme de lettre), soit illustrés par des auteurs comme Clément Baloup, Maximilien Le Roy, Renart, Jérôme Presti, JC Pol, Ted Rall, Soulman… clic pour voir l’ensemble des personnes ayant collaboré à cet album. Tantôt minimalistes ou oniriques, tantôt incisives et crues, les réalisations graphiques sont autant d’expressions et de regards sur le conflit que ne le sont les articles.
L’album dérange et révolte. Occupation, blocus, privations de libertés, chômage, misère, malnutrition, accès aux soins impossible, rationnements alimentaires, pas d’eau, pas électricité, peur, violences, tortures, morts… On en prend littéralement plein la tronche… Les Gazaouis baignent dans cette violence depuis plus de 40 ans, ils vivant dans « la plus grande prison à ciel ouvert ».
Il est toujours aussi désagréable de constater à quel point les médias internationaux procèdent à une désinformation de grande ampleur et toujours aussi désagréable d’être confronté, une fois encore, aux dérives que cela génère au quotidien (en France) :
Le résultat, c’est qu’un type qui insulte une femme voilée dans le métro parisien n’a pas l’impression de s’en prendre à plus faible que lui, mais de poser un acte de résistance héroïque !
A voir aussi : http://gaza-sderot.arte.tv/fr/ (ou également en allant sur le site d’Arte et en tapant « Gaza » dans le module de recherche), http://www.othervoice.org/welcome-eng.htm, http://gaza-sderot.blogspot.com/, Anne Paq, Simone Bitton et son film Rachel (il me semble que Joe Sacco avait fait référence à cette jeune américaine, Rachel Corrie, dans Gaza 1956, en marge de l’Histoire).
Les avis en ligne : celui de l’Association France Palestine Solidarité, de la Ligue des Droits de l’Homme, du Monde diplomatique… Blogueurs !! Je n’ai pas trouvé vos avis !!
Extraits :
«Dans une déclaration datée du 6 janvier, le haut-Commissaire des Nations Unies aux réfugiés Antònio Guterres affirmait que Gaza était le seul conflit au monde dans lequel la population n’avait même pas le droit de fuir» (Gaza).
«J’ai 64 ans et je n’ai jamais vu un jour doux de toute ma vie. Depuis ma naissance, mon pays est en guerre» (Gaza).
Gaza – Décembre 2008 – Janvier 2009
Éditeur : La Boîte à Bulles
Collection : Contre-Cœur
Réalisé par un collectif d’auteurs
Coordonné par Maximilien LE ROY
Dépôt légal : février 2009
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