C'est la grande espérance française. Elle est "magique" et irrésistible! Une simple étincelle et tout peut repartir. Un coup de génie du cinéma français et des centaines de salles résonnent à travers toute la France des applaudissements sortis tout droit de l'âme du pays.
Mardi à la capitale, vendredi en province, les mêmes rires et les mêmes émotions à la sortie de la salle. Les gens sont touchés par la justesse de l'humour et l'étonnante simplicité des deux protagonistes. Ils vivent, c'est tout. Ils sont eux-mêmes, c'est bien. Ils s'entraident, c'est bon. Ils sont égaux, c'est génial!
Oui, ces deux-là nous jouent pendant deux heures un hymne à l'égalité! La vraie! Pas l'égalité tirée de l'idéologie idiote pudiquement nommée "l'égalitarisme"; mais celle qui permet à chacun de développer ses potentiels en fonction de ce qu'il a reçu. Il s'agit ni plus ni moins de "l'égalité" vantée par Jésus-Christ dans l'évangile de ce dimanche! Philippe a reçu un "talent" pour recevoir l'amour charnel : la zone érogène des oreilles. Les deux hommes s'émerveillent devant cette réalité originale. L'homme au corps immobile fait fructifier son talent en s'y rendant sensible et en le recevant comme une grâce. Driss a reçu un corps actif; il le met pleinement à profit pour déplacer son ami mais aussi pour enflammer la piste de danse et se faire ainsi l'aiguillon d'une joie partagée.
L'intouchable de la banlieue parle "cash". Il ne mâche pas ses mots et montre ainsi une personnalité entière qui touche et parle aux tripes. Quelqu'un m'a dit un jour qu'il "fallait être fêlé pour laisser passer la lumière". C'est exactement ce qu'il se passe chez Driss. Ses blessures et son naturel s'associent pour diffracter des rayons de vérité à travers les failles de l'hum-our (contraction d'humilité et d'amour).
L'inconscient du spectateur peut s'emballer tranquillement : "l'insoutenable" et "l'inéluctable" embrasement de la profonde crise des cités porte peut être en germe les grains de folie qui font défaut à notre civilisation épuisée. La fraîcheur et la spontanéité de ces gars venus d'Afrique sont sûrement précieuses pour le destin de notre nation. En brisant nos codes parfois poussiéreux et en appuyant sur nos zones sensibles sans autre pudeur que celle du pragmatisme (sic), ils montrent une capacité détonante à condenser la chronologie des étapes de la vie! Confer l'épisode de l'appel téléphonique provoqué par Driss.
Cette invitation à plonger dans le moment présent plutôt qu'à planifier les soucis de demain a également été celle d'une "nounou" africaine passée à la semi-célébrité grâce au livre "Deux petits pas sur le sable mouillé". Ce témoignage bouleversant d'une maman mère de deux enfants atteints d'une maladie qui dégrade au fur et à mesure les 5 sens. Anne-Dauphine témoigne avec reconnaissance du rôlé clé joué par Thérèse dans l'épreuve qui a enflammé leur quotidien familial. Ce qui compte c'est le jour d'aujourd'hui : "comment puis-je aimer - maintenant - ceux qui me sont confiés?".
Si les cultures humaines veulent prendre le tournant de la "civilisation de l'amour", il est peut être temps d'ouvrir son coeur et d'écouter ceux que l'Histoire n'a pas encore retenus. C'est peut être aussi cela que le public des intouchables pense effleurer de l'âme en s'enthousiasmant séance après séance.
La France a cherché tout au long de son Histoire à former une communauté nationale fondée non pas sur la reconnaissance des communautés particulières mais sur la fraternité et l'égalité. Je pense qu'elle n'a pas changé d'idéal en ce début de XXIème siècle. L'avancée du communautarisme ne sera jamais une fatalité pour l'âme tricolore. On essaiera constamment de trouver des remèdes. Sa vocation est ainsi faite.
Lorsqu'Anne-Dauphine Julliand clame sur le plateau d'Ardisson que sa petite fille Thaïs décédée à 3 ans 3/4 a eu une "belle vie", elle réconcilie le monde des bien-portants et celui des malades.
Lorsque une association réunit des jeunes de banlieue et des scouts versaillais autour d'un camp dans la nature, elle réconcilie deux univers a priori intouchables.
Lorsque les bénévoles du Puy du Fou jouent la Cinéscénie devant 14 000 spectateurs chaque soir d'été, ils unissent la France du haut et la France du bas autour du Beau et de la culture populaire.
Lorsque l'équipe de France de rugby incarne sur le terrain d'une finale de coupe de monde les valeurs de courage, de persévérance, de solidarité et de fraternité, elle rend tout un peuple fier de son panache gaulois.
Dans tous les cas, on applaudit.