R. Peut-être oui, j'ai fait ça depuis quelques années ! Mais je n'ai pas vraiment de liste, ce n'est pas comme ça qu'on fait. En tout cas, j'ai eu plus de succès que je n’ai jamais pu rêver. Je sais que, dans le tennis, rien n'est impossible, mais je ne considère pas les choses comme une liste à remplir. Je trouve que j'ai très bien joué cette semaine du début jusqu'à la fin et j'ai réussi à aller jusqu'au bout ici. Je ne pourrai pas être plus heureux. J'ai fait de nombreuses tentatives de gagner ce tournoi à Paris Bercy, et pour un certain nombre de raisons, je n'ai pas pu réaliser ce rêve jusqu'à présent. C'est donc fantastique. C'est une victoire qui signifie beaucoup pour moi.
Q. Ces deux dernières semaines, les gens disent que vous jouez peut-être votre meilleur tennis en cette fin d'année. C'est votre meilleur tennis ou, en début d'année, vous avez eu de bons résultats quand même ?
R. En fait, ça fait quelques mois que je joue bien. Je n'ai pas gagné l'US OPEN, il m'a manqué un point pour arriver en finale. Novak a pu revenir dans ce grand match contre moi à l'US OPEN. Je trouve que j'ai eu de bons moments où j’ai très bien joué comme à Wimbledon ou Roland Garros. J'ai eu des défaites très dures et cette année aussi. Mais j'ai continué à penser que l'année n'était pas terminée et que je pourrais terminer cette année au sommet, et c'est le cas. Et je crois que dans une semaine, il y a un moment très important qui arrive.
Q. J'imagine que ce n'est pas la peine de dire que ce public en général n'aime pas trop les joueurs qui ne sont pas français. Comment expliquez-vous que vous ayez une telle relation avec ce public ?
R. Moi aussi, j'ai eu quelques expériences difficiles. On m'a sifflé quand j'ai perdu contre Tim Henman il y a un certain nombre d'années. C'est de votre faute, il est Anglais comme vous... Ils n'ont pas aimé ma performance où j'ai perdu 6/1 au deuxième set. Parfois, il faut traverser des moments difficiles avant de voir la lumière au bout du tunnel. C'est un peu comme traverser la tempête. J'ai dû faire ça aussi dans ma carrière. Même au sommet, il y a des difficultés. Ce n'est pas facile. En fait, je n'ai jamais changé en tant que personne et j'ai toujours montré un certain nombre fair-play. J'ai joué assez bien. C'est comme ça que j'ai peut-être séduit un certain nombre de Français. Je crois que dans le monde, c'est en France qu'il y a le plus de licenciés en tennis. Ils connaissent bien ce sport. Et aussi, ça fait longtemps que je suis sur le circuit, j'ai donc eu la possibilité de me présenter au public français et c'est peut-être pour ça que j'ai des fans ici et j'en suis très reconnaissant.
Q. Cette victoire, c'est le titre plus important depuis un an, depuis ta victoire en Masters. On ne va pas revenir sur la saison où tu redescends n°4 mondial, tu n’as pas de titre du Grand Chelem. Cette victoire, est-ce une réponse à ceux qui avaient un doute sur toi ?
R. Je m'en fous honnêtement. Sérieusement. Je ne joue pas pour prouver aux journalistes, je joue pour moi, pour mes fans, pour l'équipe, pour la Suisse, pour faire plaisir. Après, si cela marche bien, super. Si cela ne marche pas bien, tu passes des phases un peu difficiles. Je ne peux pas avoir 10 ans de compliments. Pour moi, c'est quelque chose de complètement normal ou compréhensible de se faire parfois critiquer. En revanche, je ne comprends pas quand on regarde un truc qui est arrivé en 2 heures, tu oublies ce qu'il s'est passé 10 ans plus tard ou ce qui peut se passer les 5 prochains mois. Pour moi, je vois la grande image, quand je regarde le classement. C'est la difficulté.
Honnêtement, il faut vraiment beaucoup aujourd'hui pour me perturber de mon plan, pour perdre la tête. Je suis toujours resté calme, je ne me suis vraiment jamais senti sous pression cette année parce que je crois que j’ai gagné plus que 60 matches d'affilée contre des joueurs en dehors du top 20. J'ai rarement perdu dans les tournois récemment. Pour moi, c'est une année solide avec des moments très difficiles car j’ai perdu des matches que je n’aurais jamais dû perdre. En perdant ceux-là, j'ai pris quelques occasions immenses pour faire d'autres trucs. C'est une année un peu comme cela. D'autres années, j’avais plus de chance. J'espère que je peux reproduire un beau tennis. Si j'arrive à faire comme cette semaine, tout est possible.
Q. Comme Agassi, tu as pu gagner Roland Garros et Bercy. A propos de record, qu’est-ce qui t’embêterait le plus ? Ne pas parvenir à rejoindre le nombre de semaines en n°1 de SAMPRAS ou que quelqu’un arrive à te battre dans le nombre de Chelem qui vont augmenter d'ici l'année prochaine ?
R. Je n'ai même pas envie de répondre parce que je suis toujours en train de jouer. Tout est encore possible de mon côté. Je peux contrôler cela en ce moment mais tous les records sont aussi là pour être cassés un jour. Je ne joue pas au tennis que pour cela. Je ne crois pas que Sampras ou d'autres légendes pleurent parce que j’y suis arrivé. Au début, les objectifs étaient ailleurs. Aujourd'hui, ils sont différents pour moi. Chacun essaie de faire son maximum et peut être fier de sa carrière. Pour moi, c'est la même chose. Si quelqu'un fait mieux que moi, c'est bien pour lui. Cela ne change rien pour moi. J'étais peut-être le premier à franchir un cap extraordinaire, cela restera toujours.
René Lanouille