Match du "Portu" devant l'afición local !
J’ai écrit il y a quelques années un article sur le rugby au Venezuela dans la rubrique Carnet de Voyages. Je vous propose trois ans après un autre article sur le rugby en Andalousie. Récit au cœur d’un club du fin fond de l’Espagne.
Du rugby en Andalousie
Derby Andalous entre Helvetia et el Portu
« Andalousie, je me souviens les prairies bordées de cactus… » Ainsi vont les paroles du chanteur Francis Cabrel. Je me souviens également des prairies bordées de cactus, des petites ruelles de Cadix, des aires de flamenco et de sevillanas qui résonnent, de la plage et du doux soleil hivernal. Je me souviens aussi et surtout des après-midis rugby passés avec mes potes, des longs trajets de bus et des troisièmes mi-temps ! Si, il y a du rugby en Espagne ! Et non, il ne se limite aux seules communautés autonomes basques et catalanes. Le Puerto de Santa Maria, ville de 90 000 âmes, sur la Baie de Cadix en Andalousie, l’Espagne profonde avec ces petites maisons aux murs blancs et surtout son célèbre club de rugby, le CR Atlético Portuense arborant les couleurs jaune et verte de la Cité des 100 Palais. Le deuxième club de la ville derrière le club de football en terme d’adhérents et de socios, m’a-t-on fait savoir. Je me souviens avoir laissé un message sur le forum du club, « Joueur de rugby français, cherche club dans la région de Cadix », une réponse du capitaine du club n’a pas tardé « Ce club est désormais le tient ». Un joueur m’a avoué bien après coup qu’il s’attendait à voir arriver un colosse, type joueur du XV de France. Quelle a dû être sa surprise quand ils a vu débarquer un petit troisième-ligne aile de même pas 80 kilos, épais comme une crevette ? Le premier entrainement fut une torture pour moi, j’étais hors de forme, n’avait plus touché un ballon depuis deux ans et la saison avait déjà commencé pour eux. Je pense que si je n’avais pas été le seul joueur français sur le terrain j’aurais probablement abandonné et n’aurait pas osé revenir, mais j’étais conscient de représenter un peu plus que ma petite personne et il était hors de question de lâcher prise.
Les premières semaines, découverte d’un rugby bien vivant
La bodega du CR Atlético Portuense après un match
Les semaines passèrent, et au rythme de trois entrainements hebdomadaires la forme revint. Petit à petit, j’ai découvert un autre rugby. J’ai joué mes premiers matchs dans l’équipe réserve qui jouait le championnat régional d’Andalousie. Le rugby y est bien vivant. Très vite, j’ai été surpris de la grande qualité des infrastructures du club qui feraient pâlir d’envie la plupart des clubs de Fédérale I de l’Hexagone. Vu que l’entrée aux matchs étaient gratuite, je me demandais où le club pouvait trouver tout cet argent. J’ai eu ma réponse un peu plus tard quand j’ai découvert le système de peñas et de socios qui permet aux membres d’un club d’en devenir propriétaires ; et surtout lors de la feria du Puerto de Santa Maria, où le stand du club a dû vendre des tonnes de bières, de vin, de whisky et de plats traditionnels pendant une semaine. Ici, pas de favoritisme, tout le monde paie sa licence et son maillot, y-compris les joueurs de l’équipe fanion. Gare au petit malin qui s’aviserait à se présenter à un match sans son survêt’ aux couleurs du club ! En bon Français, un peu rebelle, je m’étais présenté lors de ma première convocation en équipe première en jean et t-shirt. Le capitaine est venu me voir et m’a dit que désormais je devais me procurer un survêtement ! Lors des matchs, les tribunes sont pleines, ce n’est pas vrai partout, mais c’est vrai au Puerto. De plus, quand une équipe joue, que ce soit les féminines, les juniors, l’équipe B, où l’école de rugby, tout le monde est convié. A la différence de ce qui se passe dans beaucoup de club en France, il n’y en a pas que pour l’équipe première. Finalement, je ne suis pas surpris de voir la réussite espagnole dans les sports collectifs, football, basket ou autres. Ici, le club c’est sacré ! Concernant le jeu, tout le monde reçoit en début de saison un référentiel d’une vingtaine de pages avec les combinaisons à apprendre par cœur et un autre carnet de préparation physique. Il n’y a pas de place pour le n’importe quoi. L’une des choses que j’ai appréciée, c’est que là-bas il n’existe pas de Fédérale B : Les réserves jouent dans les catégories inférieures, ainsi l’équipe première du CR Atlético Portuense affrontait régulièrement les réserves des clubs jouant en División de Honor, la première division espagnole. Cela a pour effet de renforcer le niveau de jeu des divisions inférieures et d’impliquer la quasi-totalité de l’effectif sénior dans le projet de jeu.
Perspectives de développement du rugby espagnol
Manuel, mon ancien entraîneur au micro de la télé locale.
Je suis très fier d’avoir porté un jour les couleurs noire, jaune et verte du « Portu », je garde d’excellents souvenirs de ce club et de ses hommes. C’est avec plaisir donc que j’ai retrouvé deux d’entre eux dans un bar de Barcelone à l’occasion du match USAP-Toulon, on a parlé de nos vieux souvenirs, je me suis fait brancher car la France venait de perdre son match contre l’Italie et nous avons parlé de l’évolution du rugby en Espagne. Les deux ont eu l’opportunité de jouer la Liga Superibérica, cette nouvelle compétition à vocation professionnelle, avec l’équipe d’Andalousie. Ils étaient très fiers de m’annoncer que leurs matchs ont été télévisés sur Canal + Espagne et m’ont fait comprendre que les gros clubs n’ont pas vu d’un très bon œil cette compétition provinciale faisant ainsi capoter le projet. Ils ont pesté contre l’IRB et le club fermé des 6 Nations qui tardent à reconnaître que le rugby n’est plus un sport limité à quelques nations. Je suis obligé de reconnaître que le rugby est bien vivant en Espagne, comme il l’est aussi au Portugal ou dans d’autres pays d’Europe. Il est grand temps de repenser le rugby européen et mondial si on veut donner une nouvelle dimension à notre sport !