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La générosité pénalement illicite d'un serveur de bar

Publié le 13 novembre 2011 par Jbcondat
Le salarié d'un bar qui, sans autorisation, omet délibérément de réclamer le prix des boissons servies par lui aux clients, même pour fidéliser ces derniers, commet le délit d'abus de confiance.
L'histoire est banale: lla gérante d'un bar découvre que l'un de ses employés sert des boissons à certains clients sans les facturer. Elle porte plainte, en suite de quoi le salarié est convoqué devant le tribunal correctionnel du chef d'abus de confiance pour avoir détourné une somme indéterminée, qui lui avait été remie à charge de la rendre. Bien que le prévenu ait admis avoir offert, de sa propre initiative, des consommations sans émettre de tickets de caisse correspondants, le tribunal prononce la relaxe, constatant que les pièces du dossier n'établissent pas l'existence de la somme visée à la prévention. Le jugement est c ependant infirmée en appel, aux motifs que, à l'insu de son employeur, le serveur a sciemment affecté à une destination étrangère à celle voulue par celui-ci de nombreuses boissons qu'il étant censé vendre à ses clients, peu important qu'il n'en ait pas tiré un profit pécuniaire direct. Le condamné se pourvoi en cassation, critiquant, d'une part, la violation du principe de saisine in rem des juridictions de jugement (en ce que la déclaration de culpabilité retient le détournement de boissons quand l'acte de poursuite vise celui d'une somme d'argent), et, d'autre part, le défaut de constatation d'une intention frauduleuse de sa part, prétendant avoir agi de la sorte en vue de fidéliser les clients gratifiés. Le pourvoi est rejeté par la chambre criminelle, qui retient que le prévenu s'est abstenu volontairement de remettre à son employeur le prix des boissons qu'il était chargé d'encaisser et que la cour d'appel a ainsi pi statuer dans les limites de sa saisine matérielle.
A la lecture de l'arrêt de la cour de cassation, on peut être intrigué par la décision même: alors que les faits font instinctivement penser que le délit d'abus de confiance est effectivement consommé, il est, à la réflexion, difficile de déterminer l'objet du détournement, comme le montre l'évolution du point de vue des différents juges saisis de la procédure. Il est indubitablement établi que le condamné n'avait pas détourné ce qui aurait été le prix des consommations après leur paiement puisque, précisément, il avait servi les boissons à titre gratuit. Il n'est pas non plus question de deniers remis à l'individu pour, par exemple, qu'il achète les boissons à des fournisseurs et qu'il aurait conservés par-devers lui. Certes, l'on comprend que la gérante a éprouvé, à cause des agissements de son employé, une perte pécuniaire correspondant au manque à gagner (s'élevant à 13 520 euros), mais le détournement n'a pas matériellement pour objet direct la somme d'argent évoquée. Selon la cour d'appel, le serveur a détourné les boissons, puisqu'elle indique qu'il les a sciemment affecté(es) à une destination étrangère à celle qui était convenue. En revanche, pour la Cour de cassation, l'intéressé a détourné une somme d'argent, puisqu'elle relève qu'il s'est abstenu volontairement de remettre à son employeur le prix des boissons qu'il était chargé d'encaisser.
L'abus de confiance n'est pas un simple décalque d'une inexécution contractuelle, d'autant que le contrat n'est plus le titre exclusif de la remise rpéalable: il consiste, au delà, à détourner, l'objet de la remise, en sorte que le dol général doit aussi être vérifié pour cet élément-là. La jurisprudence considère alors que l'infraction est caractérisé lorsque l'individu manifeste l'intention d'agir comme s'il était propriétaire de la chose. Cette exigence est notamment rappelée en cas de défaut de restitution, et conduit les juges tantôt à caractériser un simple retard pénalement licite, tantôt à retenir un refus coupable (s'il n'est pas justifié par la loi civile): l'usage abusif de la chose confiée est exclusif de tout détournement s'il n'implique pas la volonté du possesseur de se comporter, même momentanément, comme le propriétaire de la chose.
Sources: Cass. crim., 5 octobre 2011, pourvoir n° 10-88722: M. Nicolas X c/Ministère Public, F-P+B - rejet pourvoi c/CA Douai, 15 octobre 2010.

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