Les North, descendantsd'Odin, vivent au cœur d'une petite vallée, en Virginie. Danny,treize ans, est l'un d'eux. Plus exactement, il porte leur nom. Carpour le reste, disons qu'il a une certaine tendance à subir lecourroux de ses pairs quand ils ne manifestent pas un profonddésintérêt à son égard. Danny est en effet considéré comme un drekkar,un être dont les pouvoirs ne se sont pas révélés, s'il en possèdeseulement. Ce que les siens n'imaginent pas, c'est qu'en réalité sapuissance est telle qu'elle pourrait remettre en question l'équilibredu monde dans lequel ils se sont fondus : Danny est unportemage, un créateur de portes. Et aux yeux des familles il n'y aqu'un sort possible à l'égard de ceux qui sont doté d'un telpouvoir : la mort...
Voilà le moment le pluspérilleux, parler du dernier livre d'Orson Scott Card paru enFrance. Si je n'ai pas été un lecteur de la première heure de cetauteur, je me suis néanmoins bien rattrapé par la suite en meprocurant chacun de ses livres... jusqu'aux Marionnettes de l'ombre,roman issu du cycle parallèle à la Stratégie Ender. De cettesérie, je le dis avec le recul, j'aurais mieux fait de m'arrêter aupremier tome, les autres n'étant pour ma part qu'une transposition,une restitution de sa documentation sur la géopolitique et de sesincidences sur l'Art de la guerre. Je ne parle même pas du nouveaudeuxième tome d'Ender, L'Exil, qui m'est littéralement tombé desmains tant il me semblait qu'Orson Scott Card retombait dans untravers déjà rencontré dans Les Enfants de l'Esprit, et dansd'autres ouvrages ensuite, à savoir que le propos du livre prenaittoute la place et ce, au détriment de l'histoire elle-même. Je nevoudrais pas avoir l'air de tirer sur l'ambulance. Seulement, aprèsavoir vibré avec Ender dans le premier ouvrage qui lui étaitconsacré, puis dans La Voix des morts, sans parler des Chroniquesd'Alvin le Faiseur, des Maîtres Chanteurs, des nouvelles aussi, je doisdire que c'était un peu navrant de voir les cycles se clore - ouse prolonger a posteriori (vous me suivez là?), voire même seréécrire(1) - de la sorte (l'image du soufflé, voyez...), laissantla place à une réelle déception. Une déception que je redoutaisen entamant La Porte perdue.
Et c'est là qu'il fautsortir trompettes et clairons, lâcher les colombes dans le ciel,libérer les ballons prisonniers des pognes des marmots, laisserenfler la musique en même temps que se hissent les drapeaux !
- Hum... t'en fais pas unpeu trop là ?- Ah ? Tu trouves ?- Ben chais pas, mais c'estjuste un livre, quoi...- C'était pourillustrer, tu vois.- Mouais... chais pas, tudevrais peut-être effacer.
Car La Porte perdue signed'une certaine manière le retour d'un grand Conteur (même si, à encroire la postface, lui-même n'a jamais douté avoir cessé del'être... mais ça c'est une autre histoire...). Et pour ce faire,il revient à nouveau – cela ne surprendra personne – avec unroman initiatique où l'on trouve un jeune garçon devant prendre sonenvol face à des forces qui le dépassent. Forces avec lesquelles ilva devoir se familiariser avant de trouver sa voie. Si la recette estconnue, c'est bien dans l'univers campé par l'auteur que résidetoute l'intensité et toute la portée du livre. Card situe en effetla majorité de son action dans notre monde, à notre époque, maisil intercale dans son récit une trame parallèle se situant surWestil, dans un environnement médiéval vraiment fascinant. Et il lefait d'ailleurs de manière si subtile que le lecteur s'interroge surles relations qui unissent les personnages évoluant dans ces deuxsphères narratives, ainsi que sur la manière dont ils vontindéniablement se télescoper. C'est sans conteste ce questionnementassocié à la découverte des facultés magiques des uns et desautres et, plus globalement, à l'univers suggéré par Orson ScottCard qui donnent sans cesse envie de poursuivre son exploration.
Qui plus est, il y a desairs d'Oliver Twist dans cette histoire de gamin, orphelin dansl'âme, obligé de quitter les siens pour survivre, et dont leparcours est jalonné de rencontres hasardeuses avant qu'il ne trouveenfin refuge auprès de personnes attachantes. Celles-là même quisauront faire en sorte de lui faire prendre la pleine mesure de quiil est et de ce qu'il est réellement, au-delà de la simplemanifestation de son pouvoir.
Il serait je croismalvenu d'en dire plus. Un conseil toutefois : laissez justes'ouvrir à vous les portes de Westil et, surtout, surtout, ne leslaissez pas se refermer...
(1): Orson Scott Card a en effet procédé à une réécriture de La Stratégie Ender afin de coller aux événements qu'il avait intégrés dans L'Exil...
Les Mages de Westil - 1 - La Porte perdue, Orson Scott Card, traduit de l'américain par Jean-Daniel Brèque, L'Atalante (La Dentelle du Cygne), 413 p.