Depuis l'accident de Fukushima, la question de la sortie du nucléaire est au centre du débat public et rythme la campagne pour l'élection présidentielle de 2012. Paradoxalement, les énergies renouvelables et le sommet mondial du climat de Durban qui s'ouvre le 28 novembre ne retiennent pas (encore) l'attention. Que faire ? (logo : UNFCC)
Depuis l'accident nucléaire de Fukushima, survenu le 11 mars 2011, l'énergie nucléaire est au coeur de la campagne pour l'élection présidentielle qui se tiendra en 2012. Depuis cette date, force est de constater que si le thème de l'écologie avait émergé lors de la campagne de 2007 grâce, principalement, au pacte écologique de Nicolas Hulot, le thème de l'énergie est bien présent dans celle de 2012.
Le thème de l'énergie mais pas de toutes les énergies. En réalité, l'attention est focalisée sur les énergies fissiles mais aussi fossiles comme en a témoigné la controverse sur les gaz de schiste. Comprenons nous bien : je me réjouis de que le débat sur le nucléaire soit nourri même s'il eut été préférable de ne pas attendre un catastrophe pour l'organiser. Toutefois, il est indispensable d'ouvrir ce débat, de l'élargir à un autre enjeu : celui de l'aprés. Pour vraiment sortir du nucléaire, deux impératifs doivent être réunis : 1° que les candidats prennent une décision claire, 2° que le monde de l'aprés nucléaire soit rendu désirable.
Nucléaire : 37% des français hésitants. Une fois n'est pas coutume : je vous recommande la lecture de ce sondage IFOP. Il démontre que malgré l'intense médiatisation du dossier nucléaire, les français n'ont pas encore tout à fait changé d'avis. C'est ainsi que 85% d'entre eux pensent encore que l'atome contribue à notre indépendance énergétique nationale et que la grande majorité est, soit favorable - 32% - soit hésitante - 37%. C'est ce dernier chiffre qui est le plus intéressant. A l'heure actuelle, l'opinion publique peut basculer...ou pas. En clair, la bataille de l'énergie n'est pas gagnée. Le lobby nucléaire l'a bien compris qui vient d'engager une campagne d'opinion dans les médias fondée sur la peur. Rendez vous compte, si la France décide de sortir du nucléaire, 1 millions d'emplois seront menacés. Ce qui est remarquable tient à ce que les partisans du nucléaire utilisent ici des ressorts de communication qu'ils reprochent généralement aux écologistes d'utiliser : la peur, le catastrophisme etc..
Le risque du reflux. Le débat actuel sur le nucléaire comporte un risque majeur : celui de la lassitude. Les français(es) pourraient trés bien se lasser de ce débat comme ils se sont lassés de bien d'autres débats. Comme pour toute controverse, la question du nucléaire pourrait refluer le temps de la campagne pour revenir aprés. Le risque n'est pas mince. D'une part, les médias ont l'habitude de changer de sujet rapidement pour que l'audience ne faiblisse pas. D'autre part, les principaux candidats à l'élection présidentielle ont en commun d'avoir intérêt à ce que la médiatisation de la question nucléaire se réduise. Qu'il s'agisse de François Hollande ou de Nicolas Sarkozy, tous deux partagent l'idée que les énergies fissiles et fossiles sont déterminantes de l'avenir énergétique du pays. Aucun des deux n'est encore prêt à opérer le choix que les Allemands viennent de faire, un choix politique majeur.
Sortons du nucléaire et entrons dans le monde des énergies propres. Pour prévenir ce risque, pour achever de convaincre les français et pour conserver l'énergie au coeur de la campagne de 2012, il faut réorienter le débat, l'élargir à d'autres enjeux, à d'autres énergies et à l'écologie dans son ensemble.
Il faut parler des alternatives. Malheureusement, les énergies renouvelables sont totalement absentes des écrans médiatiques. Or, pour qu'un autre avenir énergétique soit désiré par les électeurs/trices, il faut que nous parlions enfin d'éoliennes, de panneaux solaires, de biogaz, de géothermie et d'économies d'énergie. Le monde de demain est celui de l'énergie verte et il est aujourd'hui préparé par les hommes et les femmes qui travaillent dans les éco entreprises. Ce sont des gisements d'emplois et de richesse fabuleux qui s'offrent à nous..à moins que l'Etat continue d'en réserver le bénéfice à d'autres pays.
Fixons nous un objectifs réaliste : 100% d'énergies renouvelables. C'est alors un autre projet de société qui sera débattu quelle que soit la date à laquelle nous devrons parvenir à cet objectif, si possible avant 2050. Ma conviction profonde tient en effet à ce qu'une éolienne ne représente pas qu'un progrés technique : elle suppose un autre projet de société que celui du monde du 20ème siècle, dont l'économie était fondée sur des énergies polluantes mais abondantes et pas chères.
Il faut reparler du climat. Je suis stupéfait qu'à quelques jours du Sommet mondial du climat, qui se tiendra à Durban du 28 novembre au 9 décembre, presque personne n'en parle. L'enjeu est immense, le Protocole de Kyoto cessera bientôt de produire des effets, les émissions de gaz à effet de serre ne cessent pas d'augmenter mais, tout se passe comme si le Sommet de Copenhague de 2009 avait "démodé" le sujet.
Repositionner la communication de la filière ENR. Il est pourtant urgent de reparler de changement climatique. Sur ce point, les professionnels des énergies renouvelables devraient s'extirper du piège dans lequel on a voulu les placer : une bataille de chiffres sur les tarifs d'achats et le nombre d'emplois créés. La communication des filières des énergies renouvelables devrait être repositionnée sur la lutte contre le changement climatique, la protection de la biodiversité et la santé.
L'énergie, et pas simplement le nucléaire, est bien un enjeu de société.
NB : vous avez été nombreux à réagir à ce billet et je vous en remercie. Il convient de préciser ici trés clairement que je suis tout à fait d'accord avec l'idée que l'urgence est de sortir d'un débat axé sur la seule production d'énergie pour accéder à un débat qui érige en priorité l'économie d'énergie. J'ai eu l'occasion d'écrire à plusieurs reprises ici que les mécanismes d'économies d'énergie, dont les certificats d'économies d'énergie doivent être encouragés et mieux connus de la part des Français. Le mix énergétique de demain ne sera pas constitué que d'installations de production mais également des volumes non produits. Encore une dernière précision : il convient également de ne pas opposer mais d'articuler énergies verte et économies d'énergies. Merci à toutes et tous.
Arnaud Gossement
Avocat associé - Docteur en droit
Administrateur de France Energie Eolienne