Sensing (* Michelin) par Patrick Faus.#
Il se passe quelque chose au Sensing. Un peu de rumba dans l’air ou de cha-cha dans les cuisines. Curieux d’ailleurs comme ces choses-là se sentent. Un je-ne-sais-quoi dans l’ambiance, la manière dont la porte s’ouvre, le sourire et l’accueil de Sophie Jousseaume, élément essentiel de la nouvelle orchestration du restaurant, le décor qui finalement est parfaitement dans son époque (surtout la première salle), ce calme privilégié dans un quartier aux gargottes si bruyantes, le chic épuré du dressage des tables. Puis cette attente, mélange d’impatience et de légère angoisse qui va faire entrer le chef en scène en espérant qu’il soit à l’unisson de ces premiers instants. Fabrizio La Mantia (quel beau nom) peut cuisiner tranquille.. il l’est et au-delà ! Il est la caution du calme et du savoir faire dans une maison qui a connu certains orages et certaines approximations. Démarrage poussif, chef bancal et caractériel, carte approximative entre rien et la modernité du moment. L’étoile Michelin 2011 est venue à la (bonne) surprise générale. Guy Martin a réagi, le chef est parti, et le second est passé premier. Alors, Fabrizio La Mantia a pu s’exprimer et il s’exprime drôlement bien. Ce jeune italien amoureux de la France et de sa cuisine propose une carte vivante et des plats tout simplement délicieux, copieux, équilibrés, aux cuissons parfaites et sur des produits excellents et de saison. Une cuisine lumineuse, subtile, et toute en finesse. Soudain, l’étoile est largement méritée.
On peut (on doit !) démarrer par un choix dans la carte des snackings dont, en ce moment, un croustillant Samoussa de saumon, un Cigare de brocolis et anchois marinés, et un démentiel Foie gras mi-cuit et crème légère de topinambour. Puis, sans sommations, une entrée sublime… un Filet de merlan poché aux épices et salade de radis à la moutarde, magnifique de fraîcheur et de limpidité, superbe jeu de textures avec les radis roses finement tranchés rehaussés par la moutarde ancienne en grains. Chair de tourteau au citron vert, légumes en aigre-doux : d’accord il y en a partout mais ici c’est la meilleure. Une sorte d’entrée de rêve par sa légèreté mais cependant fort goûteuse. Limande Sole, spaetzle au citron mariné, câpres et tomates confites : on est ravi de retrouver le goût et la texture de notre bonne vieille limande qui a bercé notre enfance, parfaitement cuite, nacrée, les petits spaetzle au citron et le coup de biceps des câpres qui nous réveillent car on se repose dans ce plat, pris par la sérénité du moment. Bravo au chef pour mettre à la carte des poissons qui nous sortent de la sainte trilogie : Bar, Turbot, Saint-Pierre. Amen ! Sinon, il y a du veau, du pigeon, du cochon et du pain de chez Saibron. Très belle carte des vins sur des millésimes récents dans toutes les appellations avec les grands et les découvertes comme le Menetou-Salon Domaine de Chatenoy. Un dessert quasiment grandiose pour finir : Crémeux de moka, glace café, mousse de cappuccino, superposée dans l’ordre. Ça s’appelle un point d’orgue.
Restaurant Sensing / Guy Martin
19, rue Bréa
75006 Paris
Tél : 01 43 27 08 80
www.restaurant-sensing.com
M° : Vavin
Fermé dimanche et lundi midi
Menu déjeuner : 55 € (pour l’ensemble de la table seulement)
Carte : 75 € environ