Crédit Photo: Ludovic Etienne pour Now Playing Magazine
2009. Une vidéo Youtube. Un titre. Une polémique. Le nom d’OrelSan est alors exposé au grand public. Trois ans plus tard, le même nom apparaît un peu partout sur internet et dans la presse, cette fois –ci pour d’autres raisons. Après Perdu D’Avance, le rappeur originaire de Caen présente son deuxième album, Le Chant Des Sirènes. Plus sombre, plus assumé, cet opus signe un retour sur le devant de la scène musicale. C’est au Manga Café, dans le 13 ème arrondissement de Paris, autour de boissons chaudes et entourés de mangas que le rappeur nous en parle.
Est-ce qu’on peut parler de métamorphose entre le premier album et le deuxième ?
Non pas de métamorphose plus la suite, une évolution. Je n’ai pas complètement changé. Les bases que j’avais posées dans le premier album, on les retrouve dans le deuxième.
Et comment tu as géré la transition entre les deux ? Tu as eu une crise d’inspiration à ce que tu as dit
Ouais exactement ! C’était un peu dur, parce qu’au début, je me voilais un peu la face. Je me disais « oui le deuxième album, on verra plus tard. Là je suis en tournée. Là, je vais profiter un peu ». Et puis au final, je me suis rendu compte qu’il y’avait déjà 6 mois, un an qui étaient passé. Puis j’ai fait quelques morceaux mais ce n’était pas génial et puis ça ne changeait pas vraiment, ça ne faisait pas avancer le truc. Et il y’a eu une période où j’écoutais moins de rap où je voulais faire des trucs un peu plus chantés. Il y’a eu une petite période où j’ai eu du mal, où j’ai jeté plein de morceaux. J’ai eu du mal à trouver ce que je voulais, j’ai fait des tucs qui auraient fait bien sur le premier album sûrement mais ce n’était pas non plus complétement l’opposé. Je n’avais pas trouvé un truc qui me plaisait . Ce n’est même pas une question de faire un truc nouveau au niveau de la musique, plus un truc qui me corresponde, quelque chose de nouveau par rapport à moi. Par exemple, parfois je suis revenu à des rythmiques plus rap plus old school, à des guitares plus simples. Et au final c’était ça qu’il me fallait à ce moment-là. Pour moi du moins …
Parce que le premier album était plus personnel ?
Très personnel et puis c’est le premier. Le premier, on évacue tout ce qu’on a fait. Ca faisait peut être 10 ans que je rappais quand j’ai fait le premier album. Tu mets un peu tout ce que tu avais à mettre, tu racontes 25 ans de vie et au final tu vas chercher partout. Je pouvais raconter des histoires de lycée, ce genre de trucs, et la musique on l’a vraiment fait dans mon garage de A à Z. Chez moi dans un micro studio. A part le mix où on a utilisé d’autres gens, toutes les prises de voix, on les a faites nous-mêmes, donc forcément c’est brut et c’est cool parce que c’est aussi spontané. Mais je voulais faire autre chose, aller plus loin. J’ai quand même utilisé les bases du premier c’est pour ça que « métamorphose » c’est trop.
Tu t’assumes aussi plus en tant que rappeur …
(Rires) Ouais carrément ! Même moi je le sais. Avant que mon premier album sorte, j’avais un job normal et quand on me demandait ce que je faisais dans la vie je disais « j’ai mon job et à côté je fais des instrus ». Je faisais croire que je faisais des instrus. Je ne disais pas que je rappais parce qu’il y’avait trop de clichés et tout on me disait « ah oui tu rappes mais tu fais quoi comme genre de rap ? ». Je répondais « mais je ne sais pas ». Je n’assumais pas. Pendant le 1 er album aussi, au début, j’essayais de ne pas trop parler. Il y a des sujets que j’évitais d’aborder, genre le rap, et des trucs pour lesquels je me sentais pas trop concerné je n’en parlais pas. Et là avec l’expérience et vu que je suis un peu plus vieux, j’ai plus confiance en moi, donc tu coup j’assume plus. J’ai eu de bon retours aussi sur le premier album donc j’ai pris un peu plus confiance. J’assume mieux.
Au début on te traitait de rappeur de province …
Ah ouais à fond maintenant j’ai rappeur pour bobos un peu.(Rires)
Dans « 2010 » tu parles de ‘rap de geeks’, alors c’est toi le représentant des rappeurs geeks français ?
Je ne sais pas. Déjà dès qu’on me met dans une case je vais tout faire pour en sortir. Dès qu’on me dit que je suis geek, je vais répondre « bah non ». Au début on disait le rap anti bling-bling et moi je n’avais jamais vu ça comme un truc anti bling-bling. Si j’avais de l’argent, je pourrais m’acheter une chaîne aussi. Je trouve ça cool (rires).Ca me dérange pas les belles fringues ou les bijoux, je ne suis pas anti ça. Ce n’est pas spécialement mon truc mais ce n’est pas un truc que je revendiquais. Quand on me dit ‘rap de geek’ c’est vrai que quand je fais un freestyle avec un synthé et que j’ai fait un faux logiciel derrière et je fais genre j’appuie sur les touches c’est clair que c’est un peu geek. Après c’est vrai que je ne suis pas un vrai de vrai. J’’ai trop de vie sociale pour être geek (rires). Et puis on va être en 2012, on est tous geek. Pour moi, ça ne sert plus à rien de dire « sur internet … » .Internet, c’est nos vies. On est tous comme ça. J’ai même des potes de banlieue qui savent se servir de Photoshop (rires). Non mais tout ça pour dire que ça évolue, ce n’est plus du tout la même chose. Tout le monde a des ordinateurs, tout le monde est geek. C’est vrai que je sais réparer un ordi par exemple (rires).
Crédit Photo: Ludovic Etienne pour Now Playing Magazine
Mais si on te dit ça, c’est aussi parce que tu es imprégné de la culture geek.
Oui oui c’est vrai j’ai même la preuve ici (fouille dans sa poche). C’est l’Iphone 4 S qui est sorti ce matin (rires). Je suis trop content. Non non, j’aime bien les jeux vidéo. Pour moi, geek ce que ça veut vraiment dire c’est être passionné et c’est vrai que j’aime bien comprendre comment fonctionnent les choses. Ça ne me suffit pas d’avoir un ordi, il faut à un moment que j’aille dedans, voir ce qui sert vraiment. Et puis la technologie, les produits dérivés, c’est vrai que ça fait partie de ma culture. Les mangas à fond. C’est mon hobby un peu. Quand j’ai des sous, je ne vais pas forcement les claquer dans des fringues en premier. Ça vient aussi mais en général, la première chose que je vais faire c’est acheter des bandes dessinés ou des figurines.
Sinon en parlant de référence, tu en as pris une autre. Qui est Raelsan ?
Déjà c’est une blague. C’est un pote à moi, on regardait un reportage sur Rael et à un moment, il me fait « ah Raelsan » et il se moque de moi. Ça m’a fait rire et vu que souvent pendant la polémique et du fait que je vienne d’internet et qu’il y’a beaucoup de gens qui me suivent, on me disait tout le temps « mais il influence les jeunes et la jeunesse » alors qu’il y’a vraiment des gens qui existent come Rael qui influencent les gens et qui sont vraiment dangereux. Je me suis dit que j’allais ironiser là-dessus, comme si j’étais un gourou mais c’est plutôt pour la blague. C’est le titre de la chanson, avec le clip on en a fait un personnage que je vais utiliser sur scène aussi mais ce n’est pas comme Eminem et ces alter egos. Moi, c’est juste le titre de la chanson et avec le masque c’est vrai que ça fait maintenant Raelsan.
Dans « Le Chant Des Sirènes », tu parles de rester intègre dans le milieu et de ne pas se faire bouffer, tu penses que tu y arriveras ?
Franchement des fois c’est assez bizarre. Je pense que je vais y arriver enfin y arriver… Je me ferais toujours un peu bouffer, je suis déjà en train de me faire bouffer quand je vais faire de la promo. Hier, j’étais chez Ardisson avec Michel Drucker. Michel Drucker, c’est quelqu’un de gentil. Je ne suis pas méchant non plus mais a un moment ce n’est pas pareil. Tu te fais toujours un peu bouffer par le truc. Mais d’un autre côté, je pense que je ne me ferais pas bouffer parce que ce que j’aime vraiment faire, c’est écrire et donc même si ça ne marche plus pour moi demain, je ferais autre chose toujours dans l’écriture. J’essaierais d’écrire des choses, j’aurais toujours envie d’écrire des chansons. Donc au final, contrairement à d’autres gens, comme les gens de Secret Story tu vois, ils sont connus puis tout d’un coup les gens ne les aiment plus. Mais ils ne les aiment plus pour les mêmes raisons pour lesquelles il les aimait bien et c’est chelou (rires). Moi au moins, je sais que si on m’aime bien c’est parce que j’ai fait une bonne chanson ou parce que j’ai fait une connerie sur internet ou parce qu’ils aiment bien le truc et quand on ne m’aime pas c’est parce que ma musique ne leur parle plus. Au moins je sais pourquoi. Après le reste, je suis déjà sorti en boite, j’ai déjà profité des groupies (rires). Non, j’en rajoute. Ce ne sont pas des trucs qui m’intéressent. Ce n’est pas une finalité. Ce sont plus des choses qui me saoulent et ce n’est pas mon truc.
Par Wadji B.
Merci au Manga Café, 9 Rue Primo Levi 75013