Etat chronique de poésie 1379

Publié le 13 novembre 2011 par Xavierlaine081

 

1379

Mais voilà que quelques détenteurs de vérité frappent à ma porte.

Ils critiquent ici ce qui n’est qu’apparence de poésie.

Savent-ils seulement lire ce à quoi se rattache le flot ?

Si je parle d’états chroniques, c’est que je n’affirme aucune ambition autre que d’en faire état.

Dire ce qui vient, comme une vague indomptable n’est pas obligé d’être de poésie, mais les circonstances font que ce battement surgit des profondeurs insondables.

L’art aurait pu choisir d’autres médias, se faire tableau, ou sculpture, ou photographie, ou musique, danse, que sais-je ?

Non, l’art a décidé de m’envouter de mots, sans la prétention d’être poète.

Juste de vivre en ce lieu, écouter les sons qui viennent, la vie qui s’anime, dès l’aurore apparue, sous mes fenêtres.

Me rendre spectateur de mon théâtre du dedans, observer les scènes qui se déroulent au dehors, et ouvrir portes et fenêtres à l’envol des nuées d’oiseaux qui colonisent mon toit.

Avec le sentiment bien net de faire ici quelque chose d’inclassable, d’impubliable, voué à l’inédit perpétuel.

Et en assumant clairement ce choix délibéré.

*

D’autres, en d’autres lieux écrivent bien mieux que moi poésies savantes.

Ils sont horlogers au pays des mots, ébénistes spécialisés dans cette marqueterie.

Ils s’ouvrent alors des portes car ils sont d’un espace repérable et constant.

Tandis qu’ici ne vient qu’inconstance, éphémères pensées jaillissant en fontaines obscures.

Là où tant savent façonner le verbe avec la précision qui sied aux esthètes, je ne cherche rien d’autre que laisser glisser les mots en un joyeux désordre.

*

Car je n’appartiens ni ne serai jamais du sérail.

Je me satisfais de l’improbable, me demande chaque matin quel bateau à la cargaison bruyante viendra aborder au port de ma page.

Je reste parfois muet devant ce qui vient d’imprévisible, ne me pose même pas la question de savoir si tout cela est poésie, ou rêve, si paroles et musiques seraient vraiment miens ou seulement l’écho lointain de ce que mes yeux ont lu chez les spécialistes patentés.

*

Mais voyez-vous, leur monde ne me plaît guère.

Car il faut s’y montrer, savoir parler et se défendre.

Ce que je ne sais pas faire, et l’âge ne m’a pas entraîné à me bonifier.

Mes pieds, à la seule perspective de parler, auraient tendance à rejoindre ces hautes vallées solitaires où mon âme exulte en silence.

Je ne sais ni ne saurais jamais défendre la moindre idée devant un public averti de toutes choses. Car je ne suis moi dans aucune connaissance, sinon que mes lèvres boivent le nectar de tous ceux qui écrivent bien mieux que je ne saurai jamais le faire. Et cela m’est amplement suffisant.

Manosque, 2 octobre 2011

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