Clara Elliott is not dead.
Tout est de nouveau là, les citations, les musiques, les auteurs, les notes en bas de page. Et l’addiction. Je n’aurais pas lu ce livre s’il n’avait été que le récit d’un homme sous nox, « noxé, noxien ». Les autobiographies, les aveux sur papier, les tentatives de sortir par la publication de situations de dépendance médicamenteuse menteuse ou mentale me laissent souvent une impression de malaise, comme si j’étais simple voyeur, impuissant (et content de l’être). Mais Sylvain Courtoux, c’est aussi Clara Elliott, une écriture qui va triturer profondément en lui-même, et qui y met du style (nox ?). C’est un livre dont certains développements méritent discussion, mais c’est surtout un livre qui n’hésite pas avec la forme : variété des polices (de caractères), dessins inclus qui, parfois, font penser à ces dessins utilisés dans les techniques de management, parfois me rappellent le cahier baroque de Christophe Tarkos, parfois Maurice Roche. Des mots avec lesquels il se bat, avec lesquels il construit, détruit, qu’il veut, ne veut pas. Encore et encore, face au vide.
J’ai lu ce livre jour après jour. Certaines fois, je m’y forçais. D’autres fois, j’avais un peu l’impression de reprendre une conversation (« Je te continue ma lecture » est un titre de Claude Royet-Journoud, plusieurs fois nommé dans ces pages). Et la fin m’a sidéré.
J’ai laissé passer d’autres jours, j’ai ouvert d’autres livres, dont celui de Gaston Bachelard, La psychanalyse du feu, où je lis ces lignes qui me ramènent à Sylvain Courtoux : « Edgar Poe fut vraiment un « sans foyer », l’enfant des comédiens ambulants, l’enfant primitivement épouvanté par la vision d’une mère étendue toute jeune et souriante dans le sommeil de la mort. L’alcool lui-même ne l’a pas réchauffé, réconforté, égayé ! Poe n’a pas dansé, comme une flamme humaine, tenant par la main de joyeux compagnons autour du punch enflammé. Aucun des complexes qui se forment dans l’amour du feu ne sont venus le soutenir et l’inspirer. L’eau seule lui a donné son horizon, son infini, la profondeur insondable de sa peine, et c’est tout un autre livre qu’il faudrait écrire pour déterminer la poésie des voiles et des lueurs, la poésie de la peur vague qui nous fait tressaillir en faisant résonner en nous les gémissements de la Nuit. »