Nicolas Sarkozy est en campagne, mais sans l'avouer. Il raille ou méprise l'opposition, critique à mots à peine couverts, donne de nombreuses leçons aux autres et gonfle souvent le torse. Pour ses contradicteurs, les alternatives sont peu nombreuses. Il ne faut pas attaquer Sarkozy sur son programme, il n'en a pas; ni sur son bilan, absent également.
Reste donc le caractère, son tempérament. C'est un terrain que Sarkozy affectionne d'ailleurs particulièrement. Depuis qu'il a été désigné candidat socialiste à présidentielle, François Hollande a ainsi été l'objet de toutes les attaques les plus basses sur son prétendu tempérament: mou, indécis, irresponsable, etc. L'UMP n'attaque plus les idées mais l'homme, comme si c'était son seul programme.
Il y a trois mois jour pour jour, le 13 août dernier, nous tentions de comprendre pourquoi Nicolas Sarkozy était un si mauvais président. Entre autres critiques, nous en avions isolé 6: il travaille mal, il travaille peu, il raconte souvent n'importe quoi, il n'anticipe rien, il ne comprend rien... et son narcissisme l'aveugle souvent. Chaque année depuis 4 ans, à de funestes dates anniversaires, nous dressions également quelques bilans généraux (comme notre abécédaire des promesses non tenues) ou thématiques (diplomatie, insécurité, régulation bancaire, fiscalité, etc) de l'action de Nicolas Sarkozy.
Il est désormais temps de s'attaquer à la personne, non pas son physique - la démarche serait indigne du débat - mais le tempérament, le caractère, le charisme.
L'actualité récente nous a d'ailleurs fourni de belles illustrations.
1. Il ne reconnaît pas ses erreurs.
Avez-vous publiquement entendu Nicolas Sarkozy reconnaître qu'il s'était trompé ? Non. C'est a priori normal. Un homme politique, un dirigeant n'aime pas reconnaître qu'il n'est pas infaillible.
Mais Sarkozy est particulier: il a lui-même supprimé, contraint et forcé, la plupart des mesures phare de son quinquennat. Incroyable ! Le bouclier fiscal qui-était-indispensable ? Effacé, avec 1,5 milliard d'euros de compensation pour ses bénéficiaires. La défiscalisation (partielle) des intérêts d'emprunt immobilier pour lancer une « France de propriétaires » ? Supprimée !
On pourrait continuer la liste de ses mesures finalement évacuées pour inefficacité coûteuse. Mais jamais Sarkozy ne reconnaît l'erreur. Au contraire, il défend l'inverse avec autant d'ardeur. En d'autres termes bassement psychologiques, l'homme ne reconnaît pas la réalité. Il affabule.
2. Il ment avec aplomb.
Combien de fois l'avons-nous entendu raconter la même anecdote fausse. On tolèrerait une erreur ici ou là, que l'on mettrait sur le compte d'une mauvaise préparation de ses conseillers ou stagiaires élyséens. Mais quand, même démentie, l'erreur se répète, on en vient à douter de l'homme. Mardi dernier, la fameuse approximation sur les 50% de lycéens qui seraient centenaire est un exemple de ces fréquentes incohérences si sarkozyennes.
Parfois le mensonge est plus gros, mais avec autant d'aplomb. Ainsi, semaine après semaine, Sarkozy dément-il être candidat à sa propre réélection. Tous les commentateurs, professionnels ou pas, reconnaissent et répètent qu'il n'en est rien. Nicolas Sarkozy fait campagne mais ne l'avoue pas. Prenez cette semaine. Jeudi soir, le candidat réunissait sa « jeune garde » de campagne, se réjouissait le Figaro.
S'il ment autant pour un sujet si futile - sa candidature - qu'en est-il sur des sujets plus graves ?
3. Il ne contrôle pas ses nerfs.
Le 27 octobre dernier, il nous expliquait que s'il s'énervait, c'était qu'il était « humain ». Nicolas Sarkozy est sans doute trèèèès humain. Il s'énerve souvent.
On se souvient de ses éclats de voix au début de son quinquennat. Le « casse-toi pov'con » est resté dans toutes les mémoires, tout comme son altercation avec un pêcheur, au printemps 2008 ou ce « off » saisi sur un plateau de France 3 la même année. On se souvient aussi de cette conférence de presse du 8 janvier 2008, l'une des rares où les journalistes purent poser de véritables questions. Sarkozy y fut brutal et méprisant. Certainement pas présidentiel. Depuis, il a essayé de se calmer, ou plutôt, de cacher son énervement et ses débordements. Parfois, il dérape trop et se fait prendre.
La semaine dernière, quelques conversations « off » lors du G20 surprises par la presse ont ainsi gravement décrédibilisé le prétendu charisme diplomatique du président français.
Le 3 novembre dernier, Sarkozy s'était entretenu avec Obama sans savoir que la traduction était branchée. A propos du premier ministre israélien, « je ne peux plus le voir, c’est un menteur ». Fichtre... Mais ce n'est pas tout. A l'encontre du premier ministre grec Georges Papandréou, le voici qu'il l'accuse de « fou » et de « dépressif » et d'expliquer qu'il « ne sert à rien de
s'acharner sur lui, car il est déjà à terre! » Quel respect! Quelle retenue !
Le lendemain, Sarkozy ajoutait l'Uruguay à la liste des paradis fiscaux qu'il dénonçait publiquement sur son estrade élyséenne.
4. « Son narcissisme l'aveugle ».
Nous avons développé l'argument. Sarkozy était déjà décrit comme un paon qui se voit plus grand qu'il est. On le sait fier de lui. Jeudi soir, il était déjà rayonnant de quelques sondages. «Il faut beaucoup d’humilité face à ça. Je constate que je suis
désormais jugé en valeur relative et plus en valeur absolue. Les choses
ne se passeront pas comme on l’a dit » a-t-il expliqué à des proches invités à l'Elysée jeudi soir. Nous allons donc retrouver notre Sarkozy d'antant, celui d'il y a une douzaine de mois. Sûr de lui et si narcissique qu'il en oubliait la bonne conduite des affaires.
Rappelez-vous.