Il y a plusieurs années, j'avais un projet de série télé dont l'intrigue se développait ainsi:
Un veuf baby boomer d'un petit village de l'Abbittibbi s'apperçevait lors d'un conseil de ville qu'il présidait qu'un projet local ne pouvait pas être mis en chantier par faute de main d'oeuvre, faisant perdre une fortune au village. On se plaignait du manque de jeunesse dans le village. Notre boomer principal se défendait d'avoir un village de petits vieux. Le village lui mettais alors sous le nez que même ses 4 enfants avaient fait le grand saut vers la grande ville (Montréal). Le boomer (nous avions Michel Côté en tête) quittait alors son poste au conseil de ville avec la mission précise d'aller retrouver ses enfants à Montréal et de les ramener au village.
Une fois à Montréal, il découvrirait en fait ses 4 enfants comme si il ne les avait jamais connus et échouerait lamentablement dans sa tentative de les ramener en Abbittibbi.
Il y avait beaucoup plus de sous-intrigues avec les 4 enfants, dont l'un était mal marié, l'une mal baisé, l'autre divorcé et la plus jeune allait nous surprendre mais en gros c'était ça. C'était une dramédie intergénérationnelle qui traitait entre autres de la mort des villages.
Ça parlait un peu du village qui m'a vu grandir pendant 16 ans. Qui n'est pas en Abbitibi mais voilà une région que nous voulions mettre à la télé (qui a vu notre bel l'Abbittibbi à la télé?)
Ça n'a jamais vu le jour.
L'intergénérationnel m'a toujours intéressé. Je n'ai pas connu mes grands-parents. Une seule, et pas assez longtemps pour que j'en profites. Donc cette curiosité remonte à il y a longtemps. Qu'est-ce que la gérnération précédente peut nous apprendre? Qu'est-ce que moi je peux leur apprendre. Qui sont la génération de mes parents en rapport avec celle de leur parents à eux? dunno. Never did, Never Will. J'ai un peu souffert de ce manque de filtre entre la génération de mes parents et moi. Petit poisson dans un océan de baby-boomer et grand nageur, j'en connais pas mal sur le baby-boom et sur les relations entre eux et nous. Si leurs révoltes ont toujours eu un sens, les nôtre ont toujours été de naives excursions juvéniles sans but. Je me rappelle encore l'énorme prise de bec entre mon père et moi le jour où nous avions tous manqué une journée de CEGEP pour manifester contre le déclenchement de la guerre en Irak en 1990. Moi qui devait faire une changement de cours, il me reprochait d'avoir perdu une précieuse journée pour le faire avec "mes niaiseries". J'avais, sans problèmes, pu faire mon changement de cours dans les jours qui avait suivi mais c'était surtout ce tassage d'idéaux de jeunesse qui m'avait écoeuré davantage encore.
Quand l'abominable et extrèmement dommageable série télé (téléthéâtre?) Chambres en Villes est apparue en ondes c'était la catastrophe. Voilà qu'apparaissait une série télé, écrite par une boomer, Lise Payette et sa fille (Sylvie) sur ses impressions de notre génération...Vous auriez imaginé Godard ou Claude Jutra traiter de l'enfance de leurs parents en la présentant comme si ils savaient de quoi ils parlaient? La présence de Sylvie Payette donnait justement un peu de sa réalité à sa mère, mais reste que le portrait présenté à la télé était à des millénaires de ce que nous étions. C'était la vision d'une génération écrite sous la lunette d'une matante. On regardait avec une espèce de haine ces personnages qui s'expliquaient entre eux comment mettre un condom en utlisant un stylo bille comme pénis. C'était hilarant pour les mauvaises raisons. Comme les cotes d'écoutes étaient bonnes, nous craignions alors que les boomers, en massif plus grand nombre en province, y comprennent que ces jeunes flancs mous, surtout les gars qui n'offraient franchement rien de bon dans cette série, c'était un portrait juste de notre génération. Crainte confirmée quand ma belle-mère actuelle a avoué qu'elle écoutait l'émission "parce que c'était vous autres..." NOOOOOOOOOOOT!
En gros, ce que j'ai toujours reproché à mon village, et à plusieurs baby-boomers qui la composent, c'est la condescendence avec laquelle ils nous regardaient. Didier Fessou et Normand Provencher en tête. Un regard complaisant de jeune ben cutes quand ils sont petits mais à partir du moment où ils veulent travailler à vos côtés, ou pire, peuvent vous remplacer, sont les pires troubles-fêtes possibles.
Quand j'ai vu Régis Labeaume devenir le maire de mon village, spontanément j'ai été curieux. Il incarnait exactement le personnage que j'avais écrit pour ma série.
Il devenait maire entre autre choses parce que de voir ses propres enfants, à juste titre, quitter la ville de Québec "parce que ce n'était pas une ville de jeunes" l'avait bouleversé. Il voulait démontrer que Québec pouvait être attirante pour un jeune. Ce qu'il a, il faut l'avouer, presque réussi à faire jusqu'à maintenant. (quoique ses enfants ne sont jamais revenus, comme dans ma série). Même si j'ai des amies féminines, très très jolies dans le 418, qui meurent d'ennui dans le célibat absolu, Québec est presqu'une ville pour les jeunes. Si vous acceptez de travailler pour le gouvernement. Et de ralentir votre efficacité sous les recommandations/menaces de votre syndicat.
Mais j'ai aussitôt pris en grippe le personnage qui incarne bien souvent toute la condescendance, l'impatience et le mépris que les Boomers peuvent avoir pour des réalités qu'ils ne comprennent pas. Labeaume traite ses dossiers souvent comme on traite un enfant qui trainerait dans la cuisine. Souvent cet enfant connait la recette. Même si c'est un plat qui ne plait qu'aux boomers.
Je ne suis pas un fan des indignés. Je ne comprends pas tellement où ça mène tout ça. On essaie bien de nous faire croire que les gens qui occupent ses lieux publics sont de toutes les classes sociales. J'y croirai quand je verrai une famille de 3 ou 4 qui fait du camping. Quand je verrai un homme en complet-veston cravate se préparer à aller travailler de sa tente. Quand on verra une femme se maquiller et se sécher les cheveux avant d'entrer au bureau. Quand on verra une personne de plus de 50 ans et des temps grises qui ne soit pas un clochard ou un assisté social. D'ailleurs dans le premier cas je trouve que ce mouvement est la plus belle chose qui puisse leur arriver. Les mendiants mangent, ont un logis et de la compagnie, juste pour ça, je ne peux pas être totalement contre le mouvement social. Dans le second cas, ne travaillent-ils pas ces gens-là? Les visages que l'on voit à la télé, les portes-paroles, les gens qu'on entend à la radio semblent être les suspects habituels. Les troubles-fêtes justement. Mais j'ai pleinement confiance qu'au premier -10 la nuit, les campeurs passeront de quelques dizaines à une poignée. Et que le ménage se fera tout simplement tout seul d'ici Noël. Au pire, ils trouveront des propositions concrètes à leur mouvement.
Quand j'ai entendu Régis Labeaume à la radio dire "ce que j'ai envie de leur dire c'est "on vous as entendu, maintenant finnissons ça en beauté"" j'ai hurlé dans mon char. Ce qui m'agresse toujours avec Régis, avec ce colisée, avec toute la constitution du diminutif Napoléon, c'est la manière. Oui d'un côté je partage son incompréhension face aux revendications de ses gens, mais en même temps ce ton paternaliste, répugnant, qui dit en gros "Zêtes ben cutes mais papa dit que votre révolution finit à cette heure-ci", est EXACTEMENT ce que les boomers auraient refusé de se faire dire au même âge.
Car même si on tente de nous faire croire le contraire, la tranche d'âge des indignés est la même que celle qui a réunit la foule de Woodstock en 1969.
Notre projet n'a jamais vu le jour à la télé dans les années 90.
Les lecteurs à la SODEC/SARDEC étaient boomers.
Nous étions "jeunes".
Fallait pas troubler la fête de nos parents.