Oubliez tout ce que vous savez sur le hip-hop avant de lire cet article, car Madvillain détruisent totalement les normes du rap pour produire l’un des meilleurs et plus créatifs album de tous les temps. Le classique du rap underground est décortiqué pour vous sur Lcassetta !
MF DOOM a toujours été l’une des figures les plus importantes du rap underground. Un flow unique, une voix incroyablement grave et caverneuse, des lyrics fines et une production minutieuse… et un univers extrêmement déjanté et innovant. Sous sa dizaine d’alter ego et son masque de métal se cache un monde délirant et qui mélange la culture nerd de l’époque (majoritairement le monde des comics, des super héros aux monstres japonais) et les racines du hip-hop.
Avec son compère Madlib, le rappeur a décidé de créer un album qui brise totalement les habitudes du rap. Le concept de l’album est unique, et on accroche automatiquement, fascinés par l’ambiance vivante de l’album. En gros, DOOM et Madlib veulent transposer leur passion des Comics dans cet album, en créant un concept album qui relate les aventures de super méchants, dans des endroits imaginaires plus que réels. Chaque petit détail dans cet album est parfaitement à sa place, chaque petit sample lo-fi, qui rappelle les années 50, installe minutieusement l’ambiance, et la production est l’une des plus fines de l’histoire du hip-hop.
Imaginez vous dans un croisement entre Chinatown et Gotham City, dans les années 50. L’effort d’authenticité qu’ont fourni les deux artistes est colossal, puisque l’ambiance est retranscrite à merveille : Chaque petit sample est frais et intriguant, à la sauce nostalgique, presque caricaturale. Chaque écoute de cet album est unique, on découvre de plus en plus de détails cachés à chaque nouvelle écoute. La production de Madlib est véritablement l’une des plus impressionnantes sur cet album, il se révèle comme un beatmaker fin, intelligent et éclectique, utilisant une variété de samples et des méthodes uniques. Sur tout l’album, aucun refrain, aucune véritable structure générique (intro, couplet, refrain, couplet, refrain), même les beats sont anarchiques, dans chaque son on peut retrouver des samples à n’importe quel moment, et surtout des samples de qualité. Chaque sample est à sa place. Non, Madlib n’est pas le genre de producteur a looper une boucle sonore funky, soul ou jazz, il crée réellement une ambiance avec tout et n’importe quoi. Prenez des sons comme Sickfit : Un superbe interlude instrumental qui nous renvoie directement à Chinatown. Shadows Of Tomorrow renvoie à un son plus oriental, direction OSS 117 au Caire. Quand l’album s’ouvre sur Illest Villains, on est plongé dans l’ambiance de l’album, la folie des comics, le côté sombre des super méchants, etc. Bistro est un interlude magnifique, qui berce avec ses samples qui renvoient à cette ambiance propre à l’album. DOOM crédite ceux qui participent à l’album, avec sa ribambelle d’alter egos, et des samples un peu partout : un téléphone qui sonne, un peu de piano, etc. Avec ses nombreux interludes et instrus, ses samples de cartoons, de films et de publicités des années 50, ses samples d’accordéon et autres instruments variés, sa touche de sonorités anciennes et de piano à la club de jazz, on est totalement immergés dans l’ambiance comics. Prenez par exemple Rainbows : On se retrouve dans un café de truands où se joue du jazz. C’est un travail de recherche colossal… Et c’est une collaboration presque inégalable. La chimie entre Madlib et DOOM est presque naturelle.
De la part de DOOM, on peut s’attendre à un travail de qualité. Et on n’est pas déçus, puisque MF DOOM adopte un flow presque osé, et pas commun. Il chevauche chaque beat, chaque sample, en y apportant sa touche de folie et de charisme comme il le fait si bien dans d’autres albums de sa plume, comme Take Me To Your Leader sous le pseudonyme King Geedorah, qui est un autre de ses chefs d’oeuvre qui sont des OVNIS du rap. Les lyrics sont extrêmement bien écrites et fines, puisant dans l’univers de MF DOOM mais aussi dans les comics, avec énormément d’humour. D’autres sons adoptent un ton beaucoup plus sérieux, et les punchlines sont dignes d’être remémorées parmi les meilleures. DOOM a toujours été un excellent lyriciste, et il atteint son apogée sur cet album, étant libre d’adopter l’univers qui le fascine tant, et libre de nous y fasciner.
Si DOOM a toujours été considéré comme l’un, voire le meilleur rappeur underground, c’est aussi grâce à son flow charismatique et sombre. Le rôle du super méchant lui va parfaitement, et on y croirait vraiment. Sur des sons comme Rainbows ou Great Day, son chant est totalement adapté au beat, on dirait que Madlib et lui ont adopté une sorte de télépathie, car la chimie entre les deux artistes est incroyable. On ressent surtout ça sur des sons comme l’excellent All Caps, le profond Figaro ou le frénétique Raid, voire le sublime et mélancolique Accordion. DOOM ne reste jamais monotone, chaque moment est accompagné de sa touche. Il devient même schizophrène sur Fancy Clown où il rappe avec Viktor Vaughn, un autre de ses alter ego, et finit par le clasher. Il rappe même sur le conflit Israelo-palestinien sur Strange Ways ! MF DOOM délivre ses meilleures lines, avec son meilleur flow, sur la meilleure production de Madlib.
Voilà donc l’une des meilleures collaborations de l’histoire du rap. C’est un album qui est à des années lumières de la majorité de la production “classique” du hip-hop, et de la structure même du rap : un véritable OVNI musical qui va plus profond que le hip-hop. Il n’existe aucun album similaire à celui ci. Chaque écoute est un trésor, car à chaque fois, on découvre de nouveaux détails qui rendent l’écoute plus fascinante et captivante. C’est aussi un album conceptuel très réussi, avec une production au delà de la perfection, un univers fascinant et unique, un effort colossal de travail, un flow transcendant et des lyrics excellentes. Pour résumer, c’est ce que MF DOOM et Madlib ont fait de mieux, en sachant que toute leur discographie est pleine de chefs d’oeuvre du hip-hop underground.
Simoh (Si Mohammed El Hammoumi)Etudiant de 17 ans, geek et passionné de musique underground. Je suis très ouvert, je suis très éclectique. Ça se ressent. La musique m'inspire, mes articles sont souvent longs en conséquence, mais c'est pour vous faire ressentir ce que je ressens. Pour vous servir. Swag.