Le gouvernement a donc souhaité organiser un débat sur les conclusions du G20 qui s’est tenu à Cannes les 3 et 4 novembre, sous présidence française.
Il est logique que l’exécutif vienne rendre compte, devant le parlement, des résultats de cette réunion
internationale.
Mais il aurait été plus logique encore qu’un débat spécifique au G20 ait lieu préalablement, pour donner plus de légitimité aux positions françaises dans les négociations. Mais cela
impliquerait une toute autre conception du rôle du Parlement.
Le Président de la République avait affiché, pour cette réunion du G20, de très grandes ambitions dans 5 domaines
:
- La lutte pour la stabilité des prix des matières premières et la réponse au défi agricole
- Le soutien à l’emploi et le renforcement de la dimension sociale de la mondialisation,
- La lutte contre la corruption,
- L’action pour le développement,
- Et enfin la réforme du système monétaire international et sa régulation avec la taxation des transactions
financières.
Rien à redire sur le bien fondé de ces objectifs.
Mais qu’en est-il advenu ?
De belles paroles, de longs rapports, des promesses réitérées. Mais rien de concret.
Rien sur la sécurité alimentaire , si ce n’est des déclarations d’intentions.
Rien sur les politiques sociales, si ce n’est l’engagement des pays à coordonner leurs politiques et à
soutenir les institutions existantes « chacun jouant son rôle. » On fait difficilement plus vague.
Rien de neuf sur la lutte contre la corruption , qui est pourtant un fléau majeur pour le
développement.
Rien de neuf non plus d’ailleurs sur les politiques de développement pour les pays moins
avancés.
Rien non plus comme sanctions contre les paradis fiscaux. Rien surtout, si ce n’est une mention annexe
dans la déclaration finale, sur la taxe sur les transactions financières. Une simple évocation au détour d’un paragraphe sur les politiques de développement, sans aucune avancée concrète, mais
que le Président de la République a brandi comme un étendard de victoire.
Il est vraiment dommage pour la France que le Président de la République n’est pas obtenu plus.
En réalité, la crise de la dette européenne et l’urgence grecque ont été au cœur des débats des grands de ce monde,
devant l’incapacité des dirigeants européens à avoir su y apporter une réponse.
Ce constat nous devons le faire tous ensemble : nous payons une fois de plus l’absence d’une véritable gouvernance
politique et économique de la zone euro.
Et nous la payons aujourd’hui au sens propre.
A agir trop peu et trop tard, à force de prendre des décisions de circonstance qui ne peuvent être que provisoires,
l’austérité budgétaire tient aujourd’hui lieu de politique économique au niveau de l’Union. L’Europe ne pense plus, l’Europe n’élabore plus, elle navigue à vue.
La France et en particulier son Président, n’est pas étrangère à cette dérive : adepte de la dramatisation et des
rendez-vous de la « dernière chance » ultramédiatisés.
C’est ainsi que le 21 Juillet une décote de 21% de la dette grecque était censé avoir réglé tous les problèmes, mais les
faits sont têtus, et la réalité a contredit les communiqués de victoires et au mois d’Octobre il a fallu accepter 50% de décote.
En réalité devant l’absence d’une stratégie de long terme, les dirigeants européens se retrouvent acculés face aux
circonstances, contraints de mettre en œuvre une politique de rigueur et d’austérité voulue par nos partenaires allemands, sans contreparties en terme de croissance, de relance économique et de
stratégie de retour de l’emploi.
Certes, personne ne peut nier l’énergie dépensée par le président de la République pour tenter de convaincre nos
partenaires de la justesse de ses positions.
Peut-être aurait-il du d’ailleurs en mettre autant pour convaincre le leader de la droite grecque d’accepter plus
vite la plan européen ?
Pour autant, force est de constater que c’est la Chancelière allemande qui, aujourd’hui, impose ses règles.
Aussi, au-delà des efforts de communication et des images, il est bien difficile de savoir ce qui restera
effectivement de la réunion du G20 à Cannes.
Certes, le Président de la République a démontré – qui en doutait ? – sa capacité à se mettre en scène, mais il n’a pas pu
masquer son absence de résultats derrière des effets annonces dont on sait déjà qu’ils ne seront pas suivis de mesures avant longtemps.
Les ambitions ultra-médiatisées affichées par le Président de la République à Washington en novembre 2008 de moraliser le
capitalisme mondial et de mettre en place la régulation financière et bancaire qui est au cœur de la problématique de la crise sont restées lettre morte depuis cette date.
Or, tant que nous n’avancerons pas sur cette question centrale de la régulation financière, tant que nous nous
contenterons d’apporter au coup par coup, des réponses de circonstances pour tenter de rassurer les marchés, l’Europe et la zone Euro seront toujours en butte à la spéculation et aucune
solution forte, durable, à la crise ne pourra être apportée.
Voilà donc les résultats bien faibles de cette présidence du G20.
Le Président de la République avait, comme il en a l’habitude, claironné son ambition. On allait voir, ce qu’on allait voir
! Le monde allait être transfiguré.
Le Président français se voulait sauveur, il est arrivé en quémandeur, notamment de la participation des
pays émergents dans le fonds de soutien européen. Il est même allé jusqu’à téléphoner au président chinois pour lui faire le compte-rendu des discussions des Etats européens, sans doute en
quête d’approbation, mettant ainsi la France et l’Europe dans une situation bien compliquée pour négocier la réciprocité commerciale et le respect des normes sociales et
environnementales.
Nicolas Sarkozy ne cesse de se targuer d’une stature internationale. Il en fait même un de ses principaux arguments
de campagne électorale. Mais c’est aux résultats que celle-ci peut se mesurer. Et à cette aune, elle ne vaut plus grand-chose.
Quand on veut faire la leçon au monde, il faut en avoir la légitimité. Le bilan de Nicolas Sarkozy la lui
retire.
Pour conclure, il me suffirait de citer ce que déclarait ici-même le 11 octobre votre ministre de affaires
européennes : « si l’Europe n’a pas réglé d’ici au sommet de Cannes l’ensemble des problèmes de la zone euro, le G20 sera celui de la dette de la zone euro et nous serons désignés comme les
responsables de la récession et des difficultés que rencontre le reste du monde. »
Ce G20 est donc avant tout une grande occasion manquée.
Il faudra revenir sur tous ces sujets, reprendre le travail de conviction avec nos partenaires internationaux pour
transformer, réellement, la gouvernance économique mondiale, pour remettre la finance à sa place, c'est-à-dire au service de l’économie, pour réguler les marchés agricoles, pour relancer
l’économie mondiale et pallier ses déséquilibres.
Bref, il y a beaucoup à faire d’ici le prochain G20 du Mexique.
Mais pour le faire, c’est une autre politique qu’il nous faut.
Une politique qui relance la croissance et réduise la dette en France, qui règle, enfin, la crise européenne en prenant les
décisions qui s’imposent avec nos partenaires.
Trop de temps a été perdu, il y a urgence à changer de politique. C’est tout l’enjeu des échéances du printemps
prochain.