Rakuten mise sur le livre numérique en rachetant Kobo

Par Ebouquin

Les annonces s’enchaînent à un rythme effréné depuis la rentrée. Les récents ereaders et le lancement de nouveaux écosystèmes de lecture toujours plus complets sont les premières manifestations de l’émergence d’une véritable industrie de l’édition et de la distribution de livres numériques. Les prises de participation d’entreprises et les rachats sont souvent propres à cette période : les startups, en recherche d’argent frais pour accélérer leur développement, sont favorables à céder une partie de leur capital (voir sa totalité) en échange de quelques millions pour leur trésorerie. Quant aux acquéreurs potentiels, les chiffres de croissance à deux (ou trois chiffres) des jeunes entreprises du secteur ne les laissent pas indifférents. Or, il se trouve que jeudi, le géant japonais de l’e-commerce, Rakuten a annoncé le rachat de Kobo, l’écosystème de lecture canadien, pour 315 millions de dollars.

Un montant record pour le numéro 3 de la lecture numérique

Il y a moins de trois ans, Kobo était inconnu du grand public, même en Amérique du Nord. Appelée dans un premier temps Shortcovers, l’entité fondée par le distributeur canadien Indigo, a fait le pari des applications de lecture multiplateforme. Au fur et à mesure que sa librairie numérique prenait de l’importance, Kobo a complété son offre de lecture avec un premier reader en 2010, le Kobo eReader rapidement suivi du Kobo eReader WiFi.

La croissance de l’entreprise est étonnante. De quelques dizaines de milliers d’utilisateurs en 2009, la plateforme Kobo est utilisée aujourd’hui par plus de 5 millions de lecteurs. Pour faire face à cette croissance rapide, la société a effectué une levée de fonds de première importance l’année dernière, d’un peu moins de 60 millions de dollars.

En septembre, Kobo a lancé le Kobo Touch, premier reader tactile de la marque, avec un prix de vente particulièrement bien positionné (129 $). Les dernières innovations se sont quant à elles concentrées sur la lecture sociale, principal axe de recherche et développement au sein de l’entreprise canadienne. Quant au Kobo Vox, il vient essayer de faire barrage au succès du Nook Color et du très attendu Kindle Fire. Enfin, les travaux de Kobo sur l’EPUB 3 et le lancement prochain d’une plateforme d’auto-édition qui laissent envisager de nouvelles opportunités.

Pour rester dans la course, Kobo investi massivement. Ses équipes sont passées d’une cinquantaine de personnes à environ 300 personnes aujourd’hui. Ce chiffre devrait doubler dans les 12 prochains mois. Dans un secteur avec une telle dynamique, les moyens financiers à disposition sont essentiels, surtout face à Amazon ou Apple dont la trésorerie est bien plus importante. Le rachat par Rakuten est-il la conséquence d’un besoin dans de nouvelles liquidités ? Le montant de 315 millions de dollars, même s’il est important, n’est pas si loin de la valorisation de l’entreprise lors de sa dernière levée de fonds. Est-ce que cette opération n’est pas le fait d’un mouvement de première importance de Rakuten ?

Rakuten + Kobo : un Amazon-killer ?

Rakuten ne s’est pas limité à une simple prise de participation, mais a racheté la totalité du capital de Kobo. À l’issue de l’opération, Indigo en sort gagnant avec une plus value de 300% sur son investissement initial, en récupérant entre 140 et 150 millions de dollars d’après PaidContent. Rakuten n’a pas hésité à mettre le prix, comme pour ses dernières acquisitions. Le groupe japonais a racheté l’e-commerçant français PriceMinister en 2010 et un site de vente en ligne allemand, Tradoria, l’année suivante. Comme le rappelle TechCrunch, Ikeda (Brésil), Buy.com et Play.com sont aussi venus s’ajouter au portefeuille du groupe dans le courant de l’année.

Que vient faire une plateforme de lecture numérique dans un groupe de e-commerce? Pour l’instant, Kobo agira de manière autonome et restera basé à Toronto. Au plus long terme, on peut voir déjà certaines synergies possibles entre les deux sociétés. En plus d’amener de l’argent frais dans les caisses de Kobo qui doit faire face à une période d’investissements massifs, l’entreprise canadienne va pouvoir étendre son marché en Amérique latine et en Asie, notamment le Japon. L’arrivée de l’EPUB 3 qui permet des mises en page complexe va être bénéfique au développement de l’ebook au Japon, en répondant aux demandes exigeantes des lecteurs (contenus interactifs, etc.).

La puissance commerciale de Rakuten pourra donner une autre dimension aux produits Kobo. En parallèle, les outils de partage sur les réseaux sociaux développés par Kobo peuvent tout à fait intéresser Rakuten pour proposer des échanges autour de l’ensemble des produits commercialisés par ses filiales. Il ne fait aussi plus de doutes quant à la volonté de Kobo à prochainement étendre son offre au-delà du livre numérique et de vendre de la musique et des contenus vidéos. Grâce à ses fonctionnalités multimédias, le Kobo Vox annonce déjà l’élargissement de l’offre du distributeur.

Le résultat du rachat de Kobo par Rakuten laisse percevoir clairement des similarités avec l’écosystème Amazon. La société américaine, leader de la vente en ligne en Amérique du Nord, a étendu ses services depuis quelques années au-delà des produits physiques. Amazon MP3, Amazon Video et le Kindle Store sont les fers de lance de la stratégie d’Amazon. Ces services auront fort à faire face à une éventuelle concurrence de l’alliance de Kobo et de Rakuten.

Du côté de la FNAC, qui pourrait y voir une concurrence semblable, mais pour l’instant, le management de l’entreprise française se réjouit de l’opération. La FNAC joue sa place dans l’univers du livre numérique avec son offre Kobo by FNAC et ne voit sûrement pas plus loin qu’à moyen terme. Pourtant, Rakuten serait tout à fait en mesure de développer un peu plus PriceMinister et d’y proposer à la vente des contenus numériques grâce à la plateforme Kobo. Affaire à suivre…