Agitation à Cuba avec un nouveau décret qui établit de nouvelles dispositions pour la transmission des logements.
Par Yoani Sánchez, depuis La Havane, Cuba
Une des principales craintes qui parcourt les rues aujourd’hui est de savoir comment la Banque Centrale se positionnera sur la légalité des fonds provenant de la vente d’un immeuble. Pour toute transaction de ce type il faut d’abord déposer la somme sur un compte et tous les clients qui se méfient de notre système bancaire craignent que l’État ne confisque l’argent s’il considère que son origine n’est pas claire. Mais face à chaque risque les gens répondent par un artifice, c’est ainsi que j’imagine dès maintenant que les montants déclarés et mis à la banque ne représenteront que le tiers ou la moitié de ce que coûtera réellement le logement. Le reste passera de la main à la main, d’une bourse à l’autre. Nous avons trop longtemps contourné la loi sur ce sujet, pour qu’il soit possible d’espérer que maintenant tout se fasse conformément aux 16 pages du nouveau décret.
Il pourrait y avoir là aussi le risque d’une débandade migratoire, car il est écrit que « sont valables les actes de transmission de logements, réalisés par leurs propriétaires, conformément à la loi, avant de quitter définitivement le pays ». Des milliers de Cubains attendaient ce signal, comme le coureur attend le coup de feu pour quitter la ligne de départ. Le prix élevé des formalités migratoires serait couvert par la vente des appartements qui seraient mis en adjudication sur le marché immobilier. La maison qui donnerait des ailes après avoir eu pendant plus de quarante années la fonction d’une ancre. Il est clair qu’on doit trouver dans la nouvelle mesure la mince ficelle de la « pinata », déjà mise en évidence dans le décret sur les voitures. La part du gâteau réservée aux palais les plus sûrs sur le plan de l’idéologie figure cette fois à l’article 110. Selon celui-ci « le Comité Exécutif du Conseil des Ministres ou son Président ont pouvoir de décision pour les logements situées dans des zones déterminées du pays ». Nous verrons que la carte de l’île est remplie de points où l’achat et la vente sont soumis à des conditions écrites nulle part. Les zones dites « gelées » augmenteront et les différences sociales – si souvent niées – ressortiront, particulièrement ce profond abîme qui sépare les gens fiables et fortunés des citoyens ordinaires aux revenus non sanctifiés par le pouvoir.
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Traduction : Jean-Claude Marouby