Dans exactement 26 semaines, nous saurons qui succèdera à Nicolas
Sarkozy, lui-même ou autre. Notre Monarque se démène pour nous faire
croire qu'il travaille, qu'il est grand et incontournable et, surtout,
que son opposant désigné François Hollande, est petit, irresponsable, et
fragile. Hollande a trouvé la bonne formule mercredi: Sarkozy est notre
Churchill de la dernière heure.
C'est vrai qu'il se
dépense. Et qu'il dépense. Nicolas Sarkozy a perdu son fameux Triple A,
techniquement le temps de quelques minutes, mais en réalité plus
définitivement.
Le 4ème plan de rigueur
Après
une semaine d'un extatique G-Vain, Nicolas Sarkozy a fait savoir qu'il
était toujours sur la brèche, même samedi dernier. Pensez-vous ! Il
avait 8 milliards d'euros d'économies supplémentaires à arbitrer.
Rassurez-vous, Nicolas Sarkozy sait se ménager. Il s'était reposé près
d'une semaine au Château de la Lanterne avant son sommet du G20. Samedi,
le grand spectacle de la rigueur version Sarkozy avait repris ses
droits. François Fillon avait saisi le prétexte d'un déplacement
provincial pour nous promettre « le budget le plus rigoureux depuis 1945 ».
L'emphase
était suspecte, le coup a fait choux blanc. Crier fort pour agir peu ou
mal est l'une des marques de fabriques de Sarkofrance. C'est la
quatrième fois que le couple Sarkozy/Fillon nous fait le coup de la
rigueur en 2 ans. L'après-midi, un quarteron de ministres s'était rendu
au Palais pour soumettre les derniers arbitrages budgétaires. Lundi,
nous étions fixé. Le faramineux plan de rigueur n'était en fait que de 7
milliards d'euros, et, une fois de plus, incohérent, injuste et
incomplet. « Sarkozy devient dangereusement ridicule », écrivions-nous.
Certes, les « grandes
» entreprises paieront 1,1 milliard d'IS supplémentaire jusqu'à ce que
le déficit budgétaire redescende sous la barre des 3% du PIB; et les
dividendes seront presque taxés comme les revenus du travail (+600
millions d'euros l'an prochain). Mais l'essentiel de ce nouveau rabot
cible principalement les familles, les classes modestes et moyennes:
1,8 milliard d'euros de relèvement de TVA (de 5,5% à 7%); 1,7 milliard
d'euros de gel du barème des impôts sur le revenu et le patrimoine; 1,2
milliard d'euro de gel de dépenses de l'Etat et de rabot sur l'assurance
maladie; 400 millions d'euros de désindexation des prestations sociales
(hors minima) sur l'inflation; et une accélération d'un an de la
réforme des retraites (100 millions d'euros en 2012, mais 2 milliards
dans 3 ans).
Pour le symbole,
on taxera un peu plus les grandes entreprises, le président gèlera son
argent de poche, et on réduira les dépenses électorales... des autres.
Le plan de campagne
Car notre Monarque sillonne toujours la France comme le candidat
qu'il est évidemment. Mardi, il en a même dérapé d'arrogance et de
mépris. Lors d'une réunion hebdomadaire de l'UMP à l'Elysée, Sarkozy a
raillé son opposant François Hollande, « candidat à la candidature ». Mais lui, n'est-il pas que candidat à la présidence ?
Un
peu plus tard, un jet présidentiel l'avait amené à Strasbourg pour un
échange encadré avec des étudiants. En presque deux heures
d'intervention, il n'y eut pas une question dérangeante pour notre
monarque. Serait-il devenu si populaire ? Et les sujets ne manquaient
pourtant pas. Par exemple, croyez-vous qu'il aurait pu parler de cette
enquête annuelle du Secours Catholique sur la précarité des jeunes,
publiée cette semaine ? Que nenni ! 12% des bénéficiaires de l'aide de
l'association en 2010 étaient des jeunes de 18 à 25 ans.
Mais, le candidat fait campagne. Il ne parle que de lui ou n'attaque que les autres. Il se voit capitaine du navire. Plus grave sera la crise, plus forte devrait être sa popularité. Certains de ses ministres
cachent mal leur joie devant les déboires de la Grèce et de l'Italie,
croyant y voir le salut inespéré de leur patron. Mercredi, Sarkozy se
montrait encore à Colombey-les-Deux-Eglises, pour le 41ème anniversaire
de la mort du Général de Gaulle. Photo devant la tombe puis au pied de
la Croix de Lorraine, quelques « serrages » de mains d'anciens
résistants, un bain de foule évidemment « improvisé ». A quelques
centaines de kilomètres de là, deux premiers ministres rendaient leur
tablier. Le sort du grec Georges Papandreou était scellé depuis
vendredi. La chute de l'ancien meilleur ami Silvio Berlusconi fut plus
brutale et surprenante. Le « Cavaliere » a été aussi victime des
marchés. La dette italienne est de 1.900 milliards d'euros. La prochaine
économie menacée est ... la France, 1.700 milliards d'euros et un
déficit budgétaire toujours abyssal, quand l'Italie affichait déjà des
excédents.
Le plan Triple A
Jeudi,
la Commission européenne ruinait les derniers espoirs de crédibilité de
notre gouvernement. Sarkozy venait juste d'avaler - et de faire avaler -
une révision à la baisse de la croissance française à 1% l'an prochain,
qui justifiait cette nouvelle tranche de rigueur à 7 milliards d'euros.
Mais voici que Barroso nous expliquait que la croissance française ne
serait que de 0,6% l'an prochain. La récession guette l'Europe toute
entière. A peine annoncé, la nouvelle tranche de rigueur s'avère
insuffisante. Quelle malédiction !
Pire, l'agence Standard and Poors publiait, par erreur, une dégradation du fameux Triple A français, une « erreur technique » rapidement corrigée. Trop tard, commente le blogueur-journaliste Jean Quatremer, envoyé spécial de Libération à Bruxelles: «
Le spread (écart de taux ) entre la France et l’Allemagne a atteint
aujourd’hui un nouveau record historique à 170 points de base sur les
obligations à 10 ans. Autrement dit, Paris paye désormais le double des
intérêts que verse l'Allemagne.» Jacques Attali,
que Sarkozy aimait tant consulté, en 2008 puis 2009, pour se faire
conseiller des mesures impopulaires prétendument de gauche, a sobrement
expliqué le même jour que la France avait de facto déjà perdu son Triple A. La nouvelle serait catastrophique. « Si Nicolas Sarkozy
perd le triple A, il est mort » avait confié un conseiller. Il ne nous restait qu'à implorer la Chine,
cette plus grande dictature du monde, un cauchemar social, une
aberration écologique, pour obtenir quelques subsides pour notre Fond
européen de Stabilisation financière.
Le soir, on aurait pu croire qu'il était inquiet. Non, Sarkozy dînait à l'Elysée avec quelques proches. A nouveau sûr de lui. «Le temps de la campagne viendra plus tard. Les Français ne
comprendraient pas que je ne sois pas complètement concentré sur ma
tâche ».
Vendredi,
Nicolas Sarkozy serrait les dents et le sourire, protocole oblige. Il
est encore en mode inauguration/célébration, cette fois-ci chez son
nouveau meilleur ami Jean-François Copé pour un nouveau musée sur la Grande Guerre à Meaux. Ce dernier a été très affecté
par l'affaire Takieddine. L'homme d'affaires franco-libanais avait
accusé le clan Chirac d'avoir continué à percevoir de jolies commissions
(200 millions d'euros) sur les contrats d'armements avec l'Arabie
Saoudite. Mais l'ex-épouse du même Takieddine s'est confiée cette
semaine à Mediapart et à l'Express. Elle a confirmé les relations de son
mari avec ... Claude Guéant, notamment pour négocier avec Kadhafi la
libération des infirmières bulgares. Le ministre de l'Intérieur était
justement en Côte d'Ivoire en début de semaine... pour vendre du
matériel de sécurité au nouveau gouvernement ivoirien... On ne se refait pas.
Ami sarkozyste, où es-tu ?
Crédit photo (partiel): El Camino