L’Union Européenne n’est pas au bout de ses peines avec la crise des dettes souveraines. Empêtrée dans la crise Grecque depuis maintenant deux ans, elle doit à présent régler les problèmes Italiens, après des aides consécutives aux Grecs, Espagnols et Irlandais.
A la suite de tout cela, un Mécanisme Européen de Stabilité a été mis en place et les accords de Bruxelles ont dernièrement tenté d’apporter une énième solution à la crise. C’était bien sûr sans compter les surprises de Papandréou et de Berlusconi, qui ont fait les frais de la crise financière…
Voyons donc en quoi la situation actuelle, loin d’être réglée, peut-être une occasion pour l’Europe de passer à une étape supérieure du fédéralisme, en "profitant" des difficultés économiques et politiques des Etats souverains.
Nous verrons en premier comment la situation économique et financière évolue à différentes échelles, puis nous nous pencherons sur les tentatives de résolution de la crise adoptée par l’Union Européenne et ses partenaires, avant de conclure sur les conséquences politiques, qui sont, nous le verrons, significatives.
I : Une situation toujours plus délicate :
a. Où en est la Grèce ?
La Grèce est plus que jamais dans une situation économique critique. En effet son taux de chômage est en augmentation (16,6 pour cent en mai 2011), le PIB est en récession toujours plus importante : -4,5 pour cent de croissance du PIB en 2010 et -7,4 pour cent au premier trimestre 2011. Enfin, la dette publique grecque atteint 152 pour cent du PIB.
Pourtant, la Grèce avait bénéficié de plans d’aide des différents pays européens. Le premier fut activé en avril-mai 2010 : la BCE et les Etats de l’Union Européenne ont participé à hauteur de 110 milliards d’euro sous forme de prêt à intérêt (5 pour cent). Un premier fond est créé par le FMI à ce moment afin d’endiguer la crise. Le sommet du 12 mars allégera les conditions de prêt sur une plus longue durée et avec des taux d’intérêt moins élevés.
A ce moment aussi, la BCE autorise les banques centrales à acheter de la dette.
Malgré les efforts consentis par la Grèce en échange (un plan d’austérité et des privatisations), les agences de notation dégradent continuellement la note grecque. La Crise persiste et le 27 octobre 2011, un nouveau plan d’aide est décidé à Bruxelles : les banques renoncent à 50 pour cent de leur dette Grecque contre 106 milliards d’euros.
b. L’Italie est rattrapée par ses problèmes financiers :
La situation Italienne est aussi de plus en plus inconfortable. Son endettement public atteint à ce jour 120 pour cent du PIB, alors que son économie est en récession (-5 pour cent de croissance du PIB en 2009). Le taux de chômage est toutefois moins important qu’en Grèce : environ 9 pour cent.
La situation n’est pas aussi difficile qu’en Grèce, mais la confiance des marchés financiers s’ébranle et la Zone Euro ainsi que le FMI ont exhorté Silvio Berlusconi à faire des efforts budgétaires. C’est la seule solution pour l’instant, la dette italienne étant beaucoup plus importante que la dette grecque (en chiffres absolus). Un plan d’aide pour sauver l’Italie comme l’Eurozone l’a tenté avec la Grèce serait insupportable pour les autres pays. C’est ainsi que l’Italie se retrouve sous surveillance alors qu’elle est tout de même la 3ème économie de la zone euro.
Les taux d’intérêt n’arrangent rien à l’affaire, puisqu’ils ont bondi à 7,5 pour cent à 10 ans. La BCE, face à cela, tente l’achat de titre de dettes afin de limiter cette hausse. Mais la contagion semble inéluctable.
c. La crainte d’une contagion en France :
La France reste la seconde économie de la zone euro, et malgré un certain marasme, elle n’est pas dans une situation aussi critique que l’Italie et la Grèce. Toutefois, la dette publique s’est aggravée notamment lors de la crise des subprimes : elle atteignait au premier trimestre 2011 84,5 pour cent du PIB. Le chômage est quant à lui de 9,7 pour cent et la croissance fut de 1,6 pour cent du PIB en 2010.
Toutefois, là encore, ce sont les taux d’intérêt qui sont alarmants : en effet, malgré son triple A encore officiel, la France emprunte à plus de 3,4 pour cent sur 10 ans, alors que l’Allemagne peut encore emprunter à 1,8 pour cent sur la même période.
C’est cette hausse, combinée à une difficile rigueur en France et un marasme économique croissant qui fait craindre depuis quelques semaines les agences de notation, qui étudient le cas de la France (Moody’s l’a annoncé il y a un mois). Il est fort probable que le triple A français soit perdus dans quelques semaines, ou quelques mois tout au plus. Cela aura une conséquence non négligeable sur les marchés et les bourses européennes.
Ajoutons à cela le pessimisme de Bruxelles sur la croissance. Alors que Bercy prévoit 1 pour cent de croissance, la Commission Européenne revoit cette prévision à la baisse avec 0,6 pour cent de croissance pour 2012. Ces prévisions moroses touchent aussi l’Allemagne, l’Autriche, le Portugal, l’Espagne...
Le problème des dettes met l’Europe face à ses responsabilités, face à ses contradictions également et surtout face à un grand défi d’avenir. Mais elle n’est pas la seule concernée par les dettes souveraines : le Japon est endetté à 229 pour cent et les Etats-Unis le sont à 100 pour cent du PIB. C’est donc l’occident qui est menacé par un risque économique dit « systémique ». Voyons comment l’Union Européenne tente de réagir et quelle crédibilité accorder à ces mesures.
II : Ebauche de solution par l’UE et ses partenaires :
a. Les accords de Bruxelles :
Après les différents plans d’aide aux Etats en difficulté, l’Europe s’est dotée du Fond Européen de Stabilité Financière, dès mai 2010 pour créer une institution permanente d’aide aux pays endettés. A terme, ces fonds sont censés devenir en 2013 une institution stable : le Mécanisme Européen de Stabilité.
Les accords de Bruxelles ont permis plusieurs choses : d’abord de doter le FESF de 1 000 milliards d’euros et de rajouter 200 milliards à l’aide aux Grecs, qui voient de même 50 pour cent de leurs dettes effacées par les banques (qui reçoivent tout de même des compensations). Le but était aussi de renforcer les fonds propres des banques à 9 pour cent. Enfin, ces accords sont une nouvelle étape vers un gouvernement économique de la zone euro et une généralisation de la règle d’or à toute l’Union Européenne. Toutes ces mesures doivent faire gagner du temps pour résoudre la crise. Ce fond pourrait aussi être approvisionné par des investissements extérieurs : Japon, Chine…
b. Une rigueur obligée ?
Dans tous les pays, les aides sont conditionnées par des plans de rigueur. Ainsi, en Grèce, celle-ci dure depuis déjà deux ans, et elle ne fait que commencer en Italie et en France. Cela passe par une réduction des dépenses de l’Etat (primes de fonctionnaires, pensions, privatisation, suppression des mesures de soutien à l’économie…) et par une augmentation des recettes (création ou augmentation de taxes et d’impôts). En France par exemple, on parle d’une augmentation de la TVA, et des taxes sur les boissons sucrées ou encore sur les parcs de loisirs ont déjà été votées (celle sur les hôtels de luxe n’a pour finir par été retenue…).
Le but est court-termiste : rassurer les marchés financiers afin de ne pas voir ses taux d’intérêt exploser.
c. Conséquences : un problème qui persiste :
Des problèmes persistants : le problème des dettes souveraines semble persister malgré les aides et les plans de rigueur. Cela vient du fait que l’économie est en croissance très faible voir en récession. Il est impossible pour la Grèce de rembourser puisque son PIB diminue toujours plus, du fait du ralentissement économique. Il semble donc impossible de régler la note sans relancer la croissance économique, mais une telle relance nécessite de l’argent donc un endettement supplémentaire. Les pays endettés se retrouvent donc coincés. Il faut dire que dans le cas de la Grèce, l’Euro n’a pas arrangé les choses. La Grèce a en effet une économie paralysée par la force de l’euro. Il est très difficile pour la Grèce d’être compétitive car elle exporte peu et surtout des produits à faible valeur ajoutée. De même, son tourisme bat de l’aile, renchérit par l’euro fort : la Turquie devient une destination touristique moins chère. Les leviers de la croissance et de l’activité économique grecques sont donc bloqués. On pourrait aussi se poser la même question pour la France et pour l’Italie, qui ne peuvent supporter la cherté de l’euro avec autant d'aisance que l’Allemagne et sa puissance industrielle. Rappelons d’ailleurs que l’Italie a eu un certain mal à faire partie du premier train de l’Euro à la fin des années 1990.
L’Euro permettait à l’origine une convergence des taux d’intérêts. Force est de constater que c’est un échec à l’heure où l’on découvre qu’il n’a pas permis la stabilité et l’équilibre financier.
Les accords de Bruxelles sont de plus insuffisants. La bonne nouvelle du write off de 50 pour cent sur la dette Grecque ne doit pas nous faire oublier que 1 000 milliards seront insuffisants pour aider d’autres pays en difficulté comme la France ou l’Italie, qui cumulent à elles deux près de 3 500 milliards d'euros de dettes. Les problèmes de fond n’ont guère changé et aucune disposition n’a été prise pour permettre aux pays de relancer leur économie (la condition sine qua non du remboursement des dettes).
Enfin, est-on sûr que les banques sont en sécurité ? En effet, malgré des stress tests maîtrisés, Dexia a fait faillite. Ces stress tests sont peu crédibles : ils ne prenaient pas pour critère un éventuel défaut grec. Le présent nous montre pourtant qu’avec l’effacement d’une partie de la dette grecque, nous en sommes à mi-chemin… Le pire est qu’ils ont encore moins tenu compte des difficultés de l’Italie et de la France. De même, la Banque Centrale Européenne est très exposée aux dettes souveraines. En effet, en juin 2011, par le rachat des dettes de la Grèce et d’autres pays, elle était exposée à hauteur de 444 milliards d’euros alors que sa base de capital ne représenterait que 82 milliards d’euros. Le seul défaut grec (190 milliards d’euros détenus par la BCE) entraînerait donc la faillite de la Banque Centrale Européenne.
Ainsi, des mesures économiques ont été prises au niveau européen. Mais ces mesures ne font que repousser l’échéance de la crise, devenue inévitable. Il n’y a pas de solution miracle : la monétisation intégrale des dettes entraînerait une inflation destructrice (voir une Hyperinflation si les Etats-Unis font de même), la rigueur budgétaire stricte entraînerait une longue dépression économique. De toute évidence, il faut tenter de panacher les solutions et restructurer les dettes. Repousser le problème ne fera qu’accentuer la crise économique et financière. Cela a d’ailleurs des effets politiques notables…
III : Conséquences politiques : crise et fédéralisation :
a. Une instabilité politique : Grèce et Italie :
En Grèce, les plans de rigueur se suivent et se ressemblent : les réactions populaires sont de plus en plus nombreuses et vives. Aussi, le 31 octobre, George Papandréou, premier ministre Grec, a tenté de recourir à la carte démocratique pour calmer son peuple en annonçant un référendum sur les accords de Bruxelles. Bien sûr, pris de cours, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont eu tôt fait de prendre la situation à leur compte, étant les principaux artisans de ces accords. Convoquant le premier ministre grec, ils ont réussi à lui imposer la question du référendum : Etes vous pour ou contre l’euro ? Jouant donc sur le sentiment de peur des grecs, ils ont réussi à dissuader Papandréou de recourir à cette voie démocratique. Malgré son succès au vote de confiance du parlement, il démissionne.
En Italie, régime parlementaire, malgré les efforts consentis par Silvio Berlusconi, ce dernier cède également aux manifestations de ses concitoyens, aux réactions négatives des marchés : après la perte de sa majorité, il démissionne à son tour. La réaction des bourses à cette démission est particulièrement cynique, puisqu’elles ont clôturé en hausse alors même qu’un pays se retrouvait sans premier ministre.
En Grèce, un gouvernement d’union nationale semble se dessiner avec à sa tête Lucas Papademos, ancien vice-président de la BCE. En Italie, les lois d’austérité ont été votées et c’est Mario Monti, ancien commissaire européen, qui pourrait être le successeur de Silvio Berlusconi.
Ces remplacements permettent à l’Union Européenne de placer des hommes politiques qui lui sont favorables et tendent à rassurer les marchés.
b. Et en France ?
La France, par son régime semi-présidentiel, est à l’abri d’une instabilité politique, d’autant que la contestation y est moins forte. Nicolas Sarkozy et François Fillon devraient finir le mandat puisqu’ils ne perdront pas leur majorité.
Mais il y a les élections de 2012 à l’horizon. Avec peut-être une alternance à la clef. En ce cas, tout dépendra du successeur et de sa couleur politique. La perte éventuelle du Triple A pourrait changer beaucoup de choses…
Si instabilité politique il y a en France, elle viendra plus probablement des contestations et manifestations que d’une instabilité du régime en lui-même.
c. L’Union Européenne augmente sa présence et son importance :
Politiquement, l’Union Européenne passe à la vitesse supérieure du fédéralisme. En effet, le gouvernement économique de la zone euro, voir de l’UE est de plus en plus évoquée. Jacques Attali annonçait l’autre soir sur France 2 que les européistes savaient que l’euro ne pouvait durer sans un gouvernement économique européen. Ce gouvernement économique dont n’ont pas voulu les Etats semble s’imposer de lui-même en cette période de crise. Mais est-ce fondamentalement démocratique ? En effet, nous apprenons que le FESF et le MES, censés organiser la gouvernance économique et financière, ont un pouvoir très important. Ils peuvent demander à un pays n’importe quelle somme pour la redistribuer à un autre pays en difficulté. Ils peuvent aussi lancer des procédures judiciaires contre les pays qui ne s’exécutent pas. En revanche, aucun Etat, aucune structure juridique n’a de pouvoir contre ces toutes puissantes institutions, qui se sont voté l’immunité.
Conclusion :
Ainsi, l’année 2011 se termine très mal pour les Etats Européens, toujours plus en difficulté. L’Union Européenne tente de calmer la crise par différentes solutions, mais cela n’évite pas un début de crise politique en Grèce et en Italie. Si l’union nationale a lieu en Grèce, cela sera plus difficile en Italie, puisque la Ligue du Nord ne souhaite pas soutenir le nouveau gouvernement. L’Union Européenne parvient à renforcer, petit à petit, son fédéralisme économique, dans ce contexte critique.
On peut se demander si l’année 2012 sera si cruciale économiquement et politiquement, puisque des élections présidentielles ont lieu non seulement en France, mais aussi aux Etats-Unis et en Russie. En tous les cas, la crise a encore été repoussée, mais pas résorbée... Pour combien de temps ?
Pour aller plus loin :
Sources :
http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20111106.FAP7577/l-italie-de-berlusconi-sous-surveillance.html
http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2011/11/10/04016-20111110ARTFIG00501-bruxelles-plus-pessimiste-que-bercy-pour-la-france.php
http://www.wansquare.com/fr/article/decryptage/7543:la-bce-au-bord-de-la-banqueroute--.html
http://tempsreel.nouvelobs.com/social/20111109.FAP7723/grece-poursuite-des-negociations-sur-le-gouvernement-d-unite-nationale.html
http://www.leparisien.fr/crise-europe/italie-monti-grand-favori-pour-succeder-a-berlusconi-10-11-2011-1712586.php
Wikipedia :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_de_la_dette_publique_grecque
http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89conomie_de_la_Gr%C3%A8ce
http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89conomie_de_l'Italie
Blogs :
Vincent Decombe