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Prospective en Nouvelle-Calédonie et dans le Grand Nouméa: à la recherche de l’innovation.

Publié le 11 novembre 2011 par Servefa

L'inconfort de l'incertitude est le quotidien de celui qui daigne regarder, seulement le temps de l'ombre d'un soupir, "le monde" et son évolution.

Que pourrait-on y voir de si terrible ?

Ces articles alarmistes sur le réchauffement climatique ? Ces inquiétudes grandissantes sur le coût de l'energie et des matières premières et leurs funestes sillages de famines et de faillites ? Cette sombre fatalité du vieillissement de la population de nos sociétés occidentales toutes empêtrées dans leurs déprimes financières qui jouent et rejouent le thème de la peau de chargin ? Le spectre de Big Brother dans le développement de nos vies numériques ?

Prospective en Nouvelle-Calédonie et dans le Grand Nouméa: à la recherche de l’innovation.

Et pourtant, dans les yeux lumineux de l'aurore, l'espoir chante encore une mélodie enjouée et exaltante. Car ce monde de défis est aussi monde d'innovations. D'innovations techniques, certes, comme les smarts grids qui conduisent à repenser les réseaux électriques au delà du tryptique simpliste production/distribution/consommation avec l'entrée en jeu du "consom'acteur" et des ENR. Mais surtout d'innovations sociales qui, avec la technique, réorganisent nos vies pour le meilleur de l'intelligence collective au travers de l'économie du partage ici avec le covoiturage dynamique, et dans bien des cas avec l'organisation de solidarités. Et que dire de l'open data qui réinvente la démocratie ?

L'espoir, donc, se tient tout entier dans l'innovation. Les publicitaires et autres professionnels de la communication ne s'y trompent pas qui jouent des mots "creative", "smart" et "innove". Voilà donc comment survivent, partout ailleurs, les prospectivistes à leur délicat travail de veille: par l'excitation de l'adaptation.

Et pourtant, en Nouvelle-Calédonie, l'innovation semble réduite à quelques joujous technologiques bien accrochés aux vertus rassurantes de l'ancien déterminisme progressiste qui s'attache à croire que la technologie nous sauvera. Et surtout les riches s'il vous plaît. On y joue donc les partitions de l'inintelligence collective (un grand classique de l'administration que Crozier n'aurait pas renié), de la peur panique de perdre des traditions sous pacemaker, de la crainte oedipienne de tuer enfin un père trans-sexué qui porte le visage de la mère-patrie.

Car l'innovation, en Nouvelle-Calédonie, n'a de sens que dans la manne financière qu'elle permet en matière de défiscalisation. Hors de cela, point de salut. Morne plaine et paléolithique inférieur. Essayez donc de proposer des regards nouveaux sur le transport de marchandises en ville, sur les politiques de santé publique, sur la gestion des services écosystémiques, sur les politiques de l'habitat et, pire que tout, sur la gouvernance. En remerciement il vous sera offert dans le meilleur des cas du dédain, de la suffisance, du mépris et de l'arrogance. Et si vous osez insister, alors vous aurez tout le loisir de réfléchir à l'ombre d'un placard tout vêtu de malheur et d'ennui.

La Nouvelle-Calédonie trop attachée aux tares de la France ?

La Nouvelle-Calédonie trop attachée aux tares de la France ?

Ce pays pourtant donne l'impression que tout y est possible. Tout y est à construire. Faut-il s'y fier ? N'est-ce pas là un terrible supplice de Tantale qui fait croire aux naïfs qu'ils sauront saisir et infléchir l'action publique ? Sûrement.

Car recourir à l'innovation c'est faire le pari de la complexité, de la compréhension fine du monde environnant: c'est faire le pari de la cognition et de l'intelligence. Ce n'est qu'au fond du désespoir et du désemparement que j'écris ces lignes qui me déshonnorent par prétention et condescendance. Je te prie lecteur de bien vouloir croire en ma honte et de faire preuve de miséricorde en me pardonnant. Mais je crains, et c'est une tristesse terrible !, que les décideurs calédoniens, et leurs entourages, dans leur grande majorité, ont trop de limites dans ces champs pour faire le pari de l'innovation et de son cortège de complexité. Alors, ils se laissent submerger. Les plus inoffensifs par la paresse. D'autres par des urgences qui succèdent aux urgences. Les plus vils par leurs intérêts personnels. Et certains, les plus bêtes peut-être, par l'orgueil de leur petite histoire. Et tous se rattachent aux modèles d'un passé mort et mille fois enterré qui nous apprend par ses erreurs plus que par ses trop rares réussites. Et aucun ne se risque à l'incertitude d'espaces de pensée qu'il ne connaît pas.

Prospective en Nouvelle-Calédonie et dans le Grand Nouméa: à la recherche de l’innovation.

Avec ces derniers, le management du changement constitue un challenge sans limite. Alors, dans le grand tableau du monde composé de défis et des forces créatives des sociétés humaines, il ne reste donc plus que le terrible et le sombre, le soleil noir de la mélancolie, la vase méphitique qui ne fait fleurir aucune fleur de nénuphar.

La douceur du quotidien me rend probablement peu crédible pour beaucoup, mais les lendemains déchantent. Au son du ukulele, les finances du pays vont évoluer en s'effondrant, l'habitat précaire en fleurissant, le pouvoir d'achat en s'amenuisant, les mécontentements en grondissant.

Et, dans ce pays à l'innovation impossible, la prospective, cette posture qui cerne les signaux faibles pour deviner les phénomènes émergents, cette démarche qui imagine les futurs possibles pour s'emparer de son avenir, cette philosophie qui pense l'avenir pour éclairer le présent, n'aura alors eu pour intérêt que d'occuper un peu l'espace sonore d'un désert plus vaste encore le Sahara.

François Serve


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