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"Fra Angelico et les Maîtres de la lumière" au Musée Jacquemart-André

Publié le 10 novembre 2011 par Francisrichard @francisrichard

Vous êtes dans les parages de Paris, ou vous comptez vous y rendre prochainement, il est une exposition temporaire là-bas que vous ne devez pas manquer, sous aucun prétexte. Que vous soyez croyant ou non. Il vous suffit d'avoir la fibre un tant soit peu artistique pour en goûter toutes les splendeurs. Ce n'est pas tous les jours que pareille occasion vous sera offerte.

Le Musée Jacquemart-André ici appartient à l'Institut de France. A lui seul il vaut le détour. C'est un grand hôtel particulier de la rive droite, sis boulevard Haussmann, tout proche de l'Etoile. Il abrite jusqu'au 16 janvier 2012 une exposition d'une cinquantaine de peintures qui sont de véritables joyaux du quattrocento italien et qui vous donnent un avant-goût de l'éternité.

Vous pouvez vous mettre en appétence en regardant la vidéo consacrée aux fresques du frère angélique qui couvrent les murs des cellules de son couvent dominicain de San Marco à Florence et qui sont peut-être les oeuvres les plus achevées, parce que les plus intimes et les plus épurées du moine-peintre.

Un conseil avant tout. Réservez votre visite à l'avance, sur Internet. Si vous le pouvez, faites votre visite un jour de semaine, si possible tôt le matin. Car la foule se presse pour contempler ces oeuvres d'un autre temps. Muni de billets j'ai tout de même dû, en fin de matinée, samedi dernier, attendre un bon quart d'heure avant d'être autorisé à pénétrer dans la première des huit salles de cette exposition extraordinaire.

Dans cette première salle s'offrent à vos regards des livres religieux illustrés d'enluminures exécutées par Fra Angelico et ses prédécesseurs. Elles vous permettent de comprendre combien cet apprentissage lui aura été bénéfique et lui aura inculqué le souci du détail, dont il ne se départira pas tout au long de son existence d'artiste, qu'il s'agisse de tempera sur bois ou de fresques, exerçant toujours ses talents de miniaturiste.

Influencé d'abord par l'art gothique, Fra Angelico va adopter, et adapter à sa façon, les principes de la perspective qui ont été formulés dans le traité De pictura de Leon Battista Alberti et mis en application dans leurs oeuvres par Masolino et Masaccio. Son génie propre va se manifester par la lumière prodigieuse qui éclaire les scènes qu'il peint, par la fixité des personnages auxquels il confère par là même une profonde sérénité, au milieu des contigences de la vie terrestre.

Fra Angelico fait bien plus que tenir la comparaison avec les autres artistes dont les oeuvres sont exposées à côté des siennes - vingt-cinq au total sur une cinquantaine. Cette mise en parallèle d'oeuvres antérieures, contemporaines et postérieures nous permet de nous imprégner de l'héritage qu'il a recueilli de son maître Lorenzo Monaco, de l'exemple qu'il a donné de son vivant et de l'héritage qu'il a laissé à ses suiveurs tels que Zanobi Strozzi ou Alesso Baldovinetti.

Tous les panneaux peints, protégés par des vitres, sont d'inspiration religieuse. Certes il est préférable d'avoir une culture religieuse pour en apprécier toutes les allusions symboliques. Mais la beauté transcende ici tous les goûts et toutes les couleurs. On ne peut que se souvenir, en se laissant subjuguer par elle, des vers de Charles Baudelaire sur l'art pictural au cours des siècles, qui concluent son poème Les Phares, dans Spleen et idéal :

Car c'est vraiment Seigneur, le meilleur témoignage  

Que nous puissions donner de notre dignité

Que cet ardent sanglot qui roule d'âge en âge

Et vient mourir au bord de votre éternité !

Le 3 octobre 1982, le pape Jean-Paul II, pour qui j'ai une particulière dévotion [voir ici], a béatifié Fra Angelico, dont la cause avait été introduite près de trente ans plus tôt par le pape Pie XII sans aboutir. Il l'avait fait exceptionnellement, motu proprio, de sa propre autorité, pour honorer un artiste exceptionnel, qu'il devait deux ans plus tard proclamer patron universel des artistes.

Giorgio Vasari, dans Le Vite de' più eccelenti pittori, scultori e architettori, ne disait-il pas à son propos :

"S'il peignait un crucifix, c'était les joues baignées de larmes, et il n'aurait jamais touché ses pinceaux sans avoir récité une prière."

Tous les témoignages concordent. Ce n'était pas chez lui attitude d'artiste prenant la pose ...  

Francis Richard


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