Dans cet article je ne cherche en aucun cas à remettre en cause l’intégration des Pumas qui me fait personnellement énormément plaisir. Je souhaite juste mettre en avant un point important relevé par un bloggeur Sud Africain et qui illustre un des problèmes majeurs dont souffre le rugby de l’hémisphère sud, Afrique du Sud et Nouvelle Zélande en tête.
Tous les acteurs du rugby (fédérations, ligues, clubs, joueurs et même fans) s’accordent à dire que trop de rugby est néfaste pour l’image de ce sport et dangereux pour l’intégrité physique des joueurs. Cependant ces mêmes acteurs sont les spécialistes pour faire de grandes annonces ou promesses pour ensuite se tirer une balle dans le pied en mettant en place l’opposé de leurs déclarations! Malgré les premiers signaux d’alarme de professionnels de la santé en sport (comme le professeur Sud Africain Tim Noakes), les instances ne font qu’instaurer plus de rugby avec des compétitions plus longues (Rugby Championship & Super Rugby), et intercalent des rencontres internationales (3e Bledisloe Cup ou 3e affrontement en Tri Nations) tout en condamnant le concept! Alors avidité obscène, stupidité ou actions dénuées d’intérêt pour les joueurs? Le jeu est en pleine mutation et est impitoyablement modelé et déformé par des forces autres que celles qui sont sur le terrain! Les footeux jouent peu de rencontres pour leur pays, les joueurs de cricket participent eux à peu de matchs pour leurs clubs mais les rugbymen semblent en jouer beaucoup pour leurs clubs ainsi que leur nation! Cela a encore moins de sens quand, en plus de la nature ultra physique du sport, les joueurs sont vilipendés comme n’ayant plus l’amour du maillot ou ne souhaitant plus s’engager à fond à la moindre contre performance ou au moindre coup de mou dans une saison. Il est donc primordial d’instaurer des limites mais il est difficile de savoir si les instances (IRB, SANZAR, ERC etc…) ne font que piloter cette transformation pour simplement profiter de la demande en utilisant les ressources à leur disposition pour leur propre avidité et prospérité quitte à atteindre un point de rupture inévitable.
La SANZAR vient d’officialiser l’intégration de l’UAR (fédération argentine) dans son organisation permettant donc à l’Argentine de rejoindre le trio Afrique du Sud, Australie et Nouvelle Zélande lors de leur compétition annuelle. Une évolution qui est méritée depuis des années et qui correspond à la volonté des nations du sud de conserver la plus grande influence sur le rugby mondial. Ce Rugby Championship se jouera du 18 août au 6 octobre et toutes les nations engagées s’affronteront à deux reprises (domicile et extérieur). Le calendrier de la compétition permet aux effectifs de bénéficier de deux semaines de repos après deux rencontres jouées. Cette compétition débutera à la suite d’un Super Rugby dont la finale est prévue le 4 août et qui sera ajourné du 2 au 29 juin afin de laisser les joueurs à disposition de leurs équipes nationales pour les habituels tests du mois de juin! Avec la probable introduction des Southern Kings (la franchise de Port Elizabeth) en 2013, la situation devrait empirer! Ce “Four Nations” chevauchera également la Currie Cup et l’ITM Cup ainsi que les championnats Européens donc les joueurs appelés en cas de blessures ne devraient pas être plus “reposés” que les internationaux! N’oublions bien sûr pas les habituels tests d’automne qui ne seront pas supprimés et qui devraient toujours débuter au début du mois de novembre!
Le Super Rugby devenant de plus en plus important dans l’opinion du public, la préparation de ce tournoi débute dès le mois de novembre soit quelques semaines après la fin de la Currie Cup ou de l’ITM Cup (dans sa configuration habituelle, l’édition 2011 ayant été réduite à cause du Mondial). Pour un simple joueur de Super XV n’ayant pas le statut d’international, le calendrier est déjà chargé avec cette compétition, les matchs amicaux (parfois délocalisés en Asie) de pré saison ainsi que les tournois professionnels nationaux! Ces joueurs pratiquent un rugby de haut niveau de février à octobre et s’entraînent pour “retrouver la forme” de novembre jusqu’au début de la compétition! Avec les échéances internationales, ce calendrier devient dantesque et dangereux pour ceux ayant l’honneur de représenter leur pays. La comparaison avec l’hémisphère Nord, où au calendrier se chevauchent le tournoi des Six Nations, les coupes Européennes ainsi que les championnats nationaux est envisageable, mais les plus petites distances et l’absence de décalage horaire (l’heure avec les Brits est négligeable) diminuent l’impact physique des déplacements.
Les joueurs ont également leur part de responsabilité car il est insensé que ceux qui sont eux-mêmes pris dans cet engrenage et victimes de ce calendrier surhumain décident de leur propre chef de repousser leurs limites en partant jouer au Japon entre la fin des championnats nationaux et le début du Super Rugby! Ce sont souvent les mêmes joueurs se plaignant des cadences trop élevés et des risques qu’ils encourent! Ma’a Nonu ou Jaque Fourie voire Peter Grant et James Haskell à une moindre mesure en sont l’exemple parfait. Ces joueurs, dont la carrière professionnelle reste courte en comparaison avec le commun des mortels, cherchent à gagner le plus d’argent tant qu’il en est possible en capitalisant sur leur réputation et il est évident qu’ils préfèrent accumuler les yens plutôt que de favoriser leur récupération et leur remise en forme! La renommée de ces rugbymen leur permet d’éviter de se battre pour leur place car ils se retrouvent bien souvent titulaires dès leur retour de l’orient.
Malheureusement le mal vient peut être de nous, le public et les fans, qui demandons toujours plus de rugby de haut niveau et avons une exigence de performances et de résultats déraisonnée! Quand notre demande n’est pas satisfaite, nous nous plaignons et exigeons plus de nos équipes et de nos joueurs au nom de l’engagement, de l’amour du maillot ou pire des “valeurs du rugby” sans prendre en compte l’impact sur la santé des joueurs. Les dirigeants des clubs, peu au fait des réalités du terrain mais très compétents quand on en arrive à parler business et économie en profitent donc pour exiger le maximum de leurs “employés” en exploitant au maximum cette “demande”. Les grands blessés font souvent la une des journaux spécialisés au lendemain de leurs blessures pour ensuite disparaître de l’actualité, masqués par les performances de leurs coéquipiers et remplaçants. On ne voit donc que la partie immergée de l’iceberg et non pas les sacrifices physiques des joueurs à une époque où les “jokers médicaux” sont monnaie courante constituant même un marché parallèle pour les joueurs du Sud, et où les simples fans n’ayant jamais touché une balle savent combien de temps dure la rééducation de nombreuses blessures et situent tous Capbreton sur une carte.
En France Provale à le mérite de protéger les joueurs et de réussir à faire avancer les choses au milieu de la guéguerre de pouvoir entre les entrepreneurs de la LNR et les papys amateurs de la FFR qui débouche sur un statu quo permanent. Mais là où les clubs Européens ont assez de ressources financières pour aller recruter un sudiste dès qu’un titulaire est blessé, les franchises de l’hémisphère sud sont obligés de lancer des jeunes joueurs qui doivent être physiquement au top de plus en plus tôt (tentation de dopage et risques sur la croissance). Au niveau international, il manque une entité comme Provale qui protège les joueurs et réussisse à équilibrer les intérêts des clubs et des nations. La passion des fans leur fait porter des œillères et les affranchis de penser à ce problème et les joueurs sont eux bien trop souvent otages de la situation. On se souvient des interviews de Vincent Clerc après sa blessure en 2009 où il mettait en avant le rythme trop élevé des rencontres. Que penser des blessures à répétition de Juan Smith, Heinrich Brussow ou Wylciff Palu depuis deux ans et qui semblent replonger dès leur reprise ou de celle de Quade Cooper lors du dernier match de sa saison marathon où de celles de Richie McCaw et Dan Carter déjà peu épargnés en Super Rugby cette saison? Les Wallabies, de part l’absence de championnat national pro sont certes moins exposés que les All Blacks ou les Springboks, mais que penser de cette mini tournée qui les verra affronter les Gallois et les Barbarians fin novembre? Bien que nécessaire financièrement, est-ce opportun de forcer des joueurs à traverser le globe après une saison conclue par une Coupe du Monde? Aujourd’hui malheureusement, personne ne semble avoir la motivation ni le besoin de revoir un système qui pourrait avoir un impact énorme sur le niveau du prochain Mondial en 2015. Mais les fans sont-ils prêts à faire une croix sur les Six Nations ou le Rugby Championship les années de Coupe du Monde? Les puristes Sud Africains et Néo Zélandais sont ils prêts à accepter un NPC ou une Currie Cup dévalorisée par l’absence de stars? A suivre… mais que l’on ne s’étonne pas si des cas de dopage font surface au cours des prochaines saisons.
Calendrier d’un international Sudiste
02 -> 05: Super Rugby part 1
06: Tournée d’été
07 -> 08: Super Rugby part 2
08 -> 10: Rugby Championship
11: Tournée d’automne
Les matchs amicaux de pré-saison en Super Rugby, rencontres internationales hors fenêtre, mondiaux juniors et éventuelles participations aux compétitions nationales (NPC, Currie Cup & Shute Shield) ou tournois mondiaux à VII ne sont pas pris en compte.
A lire également l’excellent point de vue d’Hugo Porta, légende des Pumas Argentins, concernant l’évolution du rugby vers une “guerre des muscles” en négligeant les skills et la technique. Un avis que je partage à 100%!