Piqure de rappel pour ceux qui suent la haine de la démocratie.
Ce texte a été publié il y a près d’un siècle dans les chroniques quotidiennes Propos d’un Normand dans La Dépêche de Rouen et de Normandie
Sagesse des électeurs
Comme je déclarais que j'étais radical, l'homme grave me dit : « Qu'est-ce que cela, radical? Un mot, une étiquette, rien de plus. Je comprends que l'on soit monarchiste, ou que l'on soit socialiste ; mais le radicalisme n'est pas. »
Je lui répondis : « Le radicalisme est à mes yeux quelque chose de très précis, et qu'il est aisé de définir ; le radicalisme est essentiellement une doctrine politique ; il n'est qu'accessoirement une doctrine économique, et par là vous pourriez l'attaquer ; au sujet de la propriété, du travail, des impôts, et, en un mot, de l'action réelle du législateur, il est opportuniste. Mais sa doctrine politique est tout à fait ferme, on peut l'appeler : la démocratie pure.
Les hommes, inégaux en fait, sont égaux en droit ; voilà le principe. La loi et les pouvoirs publics doivent lutter perpétuellement contre l'inégalité, qui, par l'effet des lois naturelles, renaît sans cesse, et sous mille formes.
Il est un moyen infaillible d'y remédier toujours et quoi qu'il arrive, c'est d'organiser de mieux en mieux le suffrage universel, c'est-à-dire le gouvernement du peuple par lui-même.
Un peuple instruit, qui délibère et discute ; un peuple éclairé par des spécialistes, éclairé par ses représentants, mais non pas gouverné par eux ; non, gouverné par lui-même : tel est l'idéal. Et cela vaut qu'on y travaille, car nous en sommes encore loin. Toutes les puissances, noblesse, religion, richesse, compétence, presque toujours unies, travaillent à tromper l'électeur, à tromper l'élu, à résister par la ruse aux volontés du plus grand nombre.
Le radical se donne une double tâche ; d'abord savoir le mieux possible, et sur chaque question, ce que veut le plus grand nombre ; ensuite, surveiller les pouvoirs publics, et les rappeler à l'obéissance.
Si maintenant vous demandez au radical où ce système nous mène, vous lui en demandez trop. La République sera ce que le plus grand nombre voudra. Toute autre forme de la Justice est tyrannie. »
Alain (Emile Chartier)
Propos 59
11 avril 1906
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