Arpi, Dcae, Ensu et Heresy
La murale Espace pour la vie au Stade olympique
Rencontre avec les artistes muralistes qui ont réalisés une murale de 350 pieds de longueur pour le déménagement du Planétarium de Montréal au Stade olympique.
Lucie Barras Dossiers Porte-folio, Murales, Graffiti,
Hip-hop, Planétarium,
Où en êtes-vous dans votre carrière artistique?
Arpi: Je suis encore à suer un peu. Je suis toujours sur les bancs de l’école de la vie. J’ai fait du chemin, j’ai un certain bagage et je garde une ouverture sur le futur. Rien n’est écrit d’avance.
Comment vous sentez-vous à l’approche de la peinture de cette fresque?
Ènsu: Je suis pressé de commencer à peindre.
Y’a-t-il des inquiétudes?
Ènsu: Non, il n’y a pas d’inquiétudes, seulement quelques changements de programme.
Arpi: Je le sens bien. C’est juste ennuyeux que le début du travail soit sans cesse reporté… À ce stade, on se sent un peu comme un pion.
En quoi cette murale est différente de vos autres réalisations?
Arpi: Pour moi, chaque commande est différente. Chaque partenariat est une aventure unique. Et me pousse vers des thématiques que je n’ai pas forcément l’habitude de travailler, ça m’oblige à sortir de ma zone de confort. Chaque projet me permet de grandir, de m’enrichir, et m’amène à essayer quelque chose de nouveau. Bien qu’on trouve toujours moyen de se faire plaisir.
Ènsu: La différence est que tout est traité en réalisme. Il faut reproduire de vraies photos. En général, je réalise mes propres dessins. C’est un projet commun. Je n’en ai pas l’habitude. J’ai surtout connu des expériences personnelles.
Est-ce que pour vous ça peut être une preuve que le graffiti Hip hop est de plus en plus accepté par les institutions?
Ènsu: Non. Je pense que pour eux, il s’agit plus d’un projet de décoration. Ils sont conscients que nous sommes graffers, bien sûr. Mais, ils nous ont choisis pour notre technique. Il y a un gros mur à travailler et on fait appel à nous car nous pouvons travailler plus vite à la canette.
Arpi: Depuis le début des graffitis Hip hop, dans le métro de New York, si tout le monde ne l’a pas accepté, les gens ont bien été obligés de les voir, donc de reconnaître que cet art existe…
Attention, le projet du planétarium est une murale, et il n’y a aucun lien avec le graffiti. Un graffiti, par essence, c’est appliquer un médium sur une surface non préparée. Ça peut être le mur d’un toilette, un wagon de train, mais pas une murale préparée pour l’occasion. Seule la technique est la même, pas l’essence.
Il y a encore du chemin à faire pour que les graffiteurs soient reconnus comme des artistes qu’ils sont. Nous devons travailler deux fois plus fort que les artistes classiques pour être légitimes. Et encore…
Quel est le regard des artistes «classiques» envers les murales de graffiteurs Hip hop?
Arpi: Certains nous prennent pour des vandales tandis que d’autres admirent notre côté marginal et contemporain. Nous somme autodidactes. Je pense qu’ils adoptent juste un mécanisme de défense, face à une peur, un méconnaissance. Dommage, ils se coupent de quelque chose d’enrichissant. Même si nous faisons toujours mine d’être les plus forts, nous autres graffiteurs gardons une certaine humilité. Personnellement, le travail des autres me remet toujours à ma place. Je sais l’apprécier.
Quelles sont être les étapes de réalisation d’une murale?
Ènsu: Nous allons commencer par réaliser les aplats de couleurs, tout le background. Puis, nous allons nous partager les tâches. Mais on n’est pas encore prêts. Je ne sais pas si l’on va peindre tous les 4 en même temps à chaque fois. Ça va être speed car on ne peut pas commencer tant qu’on n’a pas l’approbation pour la maquette. Il faut savoir ce que l’on fait avant de commencer à peindre, et que ça ne change plus.
Ce n’est pas frustrant de suivre une maquette?
Ènsu: Non, c’est même intéressant de suivre un dessin précis. Les potes, qui n’ont pas réalisés la maquette, sont contents. Ils vont arriver et pouvoir se mettre à graffer directement, sans devoir réfléchir. Et puis, on a l’habitude d’être contraints à un dessin, c’est comme ça à chaque commande. Et le thème de la nature nous plait à tous. Moi, en tout cas, ça me parle.
Arpi: Ce qui est frustrant, c’est surtout lorsque la personne qui fait appel à ton savoir faire est indécise sur la maquette. Le plus important, c’est de gagner sa confiance. Si elle se sent en confiance, elle va écouter tes idées, repenser à son projet de départ. Après, le jeu, c’est de connaître ce client, et de deviner ce qui lui plaira. Parfois, c’est intimidant d’exposer ses idées, de se mettre à nu devant quelqu’un qu’on ne connaît pas. Une fois que le dessin est validé, le plus dur est fait.
Es-tu conscient que pendant un an, le nombre de touristes qui vont passer devant la fresque se compte en millions ?
Ènsu: J’en parlais justement avec Arpi. Je pense que ça nous sera bénéfique. On ne peut s’empêcher d’y penser. Et ça sera d’autant plus intéressant si on a la chance de voir nos noms quelque part, notamment sur le net. Moi, ce que j’espère, c’est que les touristes prendront des photos, et qu’on va les retrouver sur Internet. Ça va faire des retombées pour nous et le Café-Graffiti.
Arpi: La plus grosse des récompenses, c’est quand ton travail est observé, voire apprécié. Là, pendant le travail, nous serons amenés à parler avec les citoyens. Après, il faut gérer son implication. Savoir doser l’inter-action avec le public et ton travail. Les questions sont souvent redondantes. Mais parfois, une question t’amène à voir les choses sous un nouvel angle. C’est intéressant, on ne sait jamais à quoi s’attendre.
La beauté de l’art mural c’est sa gratuité et son accessibilité. On peut la voir, 24 heures sur 24 sans restriction aucune. Le public qui se fait photographier devant une murale crée une interaction qui immortalise l’oeuvre et la rend vivante.
Vanessa La Haye, préposée au marketing pour Espace pour la vie
Le projet a été décidé il y a plusieurs mois. Quand la nécessité de poser une clôture pour délimiter les travaux s’est imposée, ma supérieure Sylvie Tousignant a eu l’idée d’une murale. Ça pouvait être fun de parler de nous à travers une oeuvre. La murale est un gros projet par sa taille. Plus symboliquement, il marque la naissance du nouveau planétarium qui compte beaucoup à nos yeux. La palissade permet de souligner en beauté cet événement tant attendu. Nous voulions remplir plusieurs objectifs. Il fallait d’abord quelque chose de beau, d’artistique. Pour le plaisir des yeux de visiteurs, malgré les travaux, nous voulions en profiter pour leurs expliquer qui nous sommes. Ce que représente Espace pour la vie. Enfin, ce projet a une vocation citoyenne. Nous voulions impliquer un organisme de quartier. C’est là que le Café Graffiti est entré en jeu. Le Café Graffiti engage des artistes, et se situe dans le quartier du parc olympique. Il remplit pleinement le mandat.
Au départ, nous n’avons même pas pensé qu’un tel projet pouvait servir à casser des préjugés sur le graffiti. L’idée a même fait grincer les dents de certaines personnes au sein de l’équipe. Mais en découvrant le Café Graffiti, en travaillant aux côtés de graffiteurs, nous avons découvert cet univers. Le jour de l’inauguration, une deuxième équipe de graffiteurs seront avec les enfants. Pour faire en sorte que le graffiti vienne s’inscrire dans un évènement institutionnel. Si ça, ça ne vient pas briser quelques limites et quelques idées reçues…
Pour rejoindre le Café-Graffiti (514) 259-6900.
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