Gloire du rap grand public au tournant des années 80-90, Heavy D s’est éteint mardi à Los Angeles. Celui qui se surnommait lui-même le «MC romantique en surpoids» est mort au centre médical de Cedars-Sinai de Los Angeles, après avoir fait un malaise dans sa maison de Beverly Hills. Aucune cause n’a pour le moment été donnée, mais la police a fait savoir qu’il n’y avait pas d’indice laissant penser qu’il ait pu mourir d’autre chose que de «raisons médicales». Heavy D avait 44 ans.
Natif de Jamaïque élevé dans l’Etat de New York, Heavy D de son vrai nom Dwight Errington Myers, avait su garder de son pays d’origine les rythmes doux et chaleureux de sa musique. Avec son groupe Heavy D & the Boyz (G-Whiz, Trouble T. Roy et Eddie F), le rappeur a été l’une des toutes premières signatures d’UpTown record. Crée en 1986, le label était l’écurie fondatrice du New Jack Swing, fusion novatrice de hip-hop et de r’n’b, dont l’esprit marque encore aujourd’hui une majeure partie de la musique noire américaine. Les mélodies sensuelles du r’n’b (plus proches de la soul que du rythm and blues à proprement parler) venaient alors arrondir les rythmes rugueux du rap, ouvrant la voie à une musique hip-hop aux aspérités gommées, mais plus acceptable et donc plus facile à vendre.
Avec ses textes policés et festifs, où il était souvent question d’amour, Heavy D était l’un des principaux artisans de l’avènement de ce rap consensuel, taillé pour le marché grand public, des radios aux pistes de danse. Loin des mouvances du hip-hop contestataire ou du gangsta rap certes, le jamaïquain d’origine à la stature imposante ne manquait pas pour autant de charisme – et de costumes colorés… Heavy D était aussi l’un des artistes de ces premières générations, fleurissantes au début des années 1990, du rap «mainstream» (commercial) à posséder un vrai flow ; une technique verbale au débit de mitraillette, style qui avait encore court au début des années 90.
TROIS DISQUES DE PLATINE, ETUNE INVITATION DU ROI DE LA POP
Heavy D and the Boys ont sorti cinq albums entre 1987 et 1994. Si le succès viendra dès le premier disque, le groupe trouvera une véritable renommée avec le second «Big Tyme» (1989), qui est disque de platine. Lui aussi platiné, le troisième album, «Peaceful Journey» en 1991, est dédié par la mort de Trouble T. Roy, un an plus tôt (un tube du génial duo Pete Rock & CL Smooth «They Reminisce Over You (T.R.O.Y.)» est un hommage au garçon disparu dans un accident à 22 ans). Dans cette première moitié des années 1990, Heavy D est au fait de sa gloire, et au top des ventes. Il enchaine les tubes, «Mr. Big Stuff» (sur le sample de Jean Knight), «Gyrlz, They Love Me», «Now That We Found Love». Il s’encanaille en collaborant avec des «gangstas» comme Tha Dogg Pound ou encore Biggie Smalls. Son partenaire le plus prestigieux restera toutefois Michael Jackson, le Roi de la pop lui ayant laissé exécuter le break rap de son morceau «Jam» (album «Dangerous», 1991).
Après «Blue Funk» en 1993, le groupe obtient un troisième disque de platine avec son cinquième et dernier album, «Nuttin but love» (1994). En 1996, Heavy D prend la tête d’UpTown record, développant encore un peu plus son aura dans la galaxie hip-hop. Mais malgré quelque succès comme les «Lost Boyz», il ne parviendra pas toutefois à sauver le label, qui sera absorbé par Universal en 1999. En 1997, puis 1999, et enfin 2008, Heavy D sortira encore trois albums, mais sans les «boyz» et au succès décroissant. Il s’était entre temps tourné vers la comédie et avait trouvé quelques rôles récurrents dans «Roc», «The Tracy Morgan Show», «Boston Public». En octobre dernier, il avait repris le micro au BET Hip-Hop Awards, comme pour se rappeler à la mémoire du monde du rap, qui l’avait un peu oublié ces dernières années.