Ceux qui s’attendent à un Contagion en forme de blockbuster émouvant et hollywoodien, traversé par les tubes de Steven Tyler peuvent tout aussi bien rester chez eux : ici, Soderbergh nous sort l’artillerie lourde en matière de froideur et d’implacabilité. Exit tout mainstream, Contagion est une sorte de croisement entre son Traffic et le Blindness de Meirelles, avec lesquels il partage la même aversion pour le genre humain, le monde moderne, et les mécanismes socio-politiques contemporains. Avec cette histoire de pandémie internationale qui se répand à vitesse grand V, il reprend l’aridité formelle qui imprégnait la pellicule de son The Girlfriend Experience ou The Informant!, laissant libre cours à une mise en scène plus proche de la véracité documentaire que du film catastrophe made in USA. Autant vous dire qu’on n’est pas là pour rigoler. Qui plus est, son casting quatre étoiles (Kate Winslet, Jude Law, Matt Damon, Marion Cotillard, Laurence Fishburne, Gwyneth Paltrow,…), Soderbergh s’en cogne complètement. Ses stars sont sacrifiées, forcées à l’anonymat qui caractérise leurs personnages. Des hommes et des femmes lambda, dont tout le monde se foutra le jour J. Voilà pourquoi le cinéaste ne s’attarde jamais sur leur composition, d’inutiles séquences de larmes, ou sur des études psychologiques poussées. Ce qui peut passer pour un scénario bâclé, n’est en fait que de la roublardise, aux accents misanthropiques.
La véritable tête d’affiche, de toute façon, c’est le virus. Vicieux, omniprésent, révélateur de la bassesse humain et des rouages d’une société corrompue jusqu’à la moelle. Luttes de pouvoir, désinformation, passe-droits gouvernementaux : ce que donne à voir Soderbergh, ici, ce n’est pas une apocalypse bactériologique, mais bel et bien la déshumanisation lente, méthodique, progressive de la planète. Son film, plus métaphorique que prophétique (quoique), n’est pas un avertissement, ni une menace. Au contraire, il affirme- détaché, captivant, passionnant- qu’il est déjà trop tard. Et, en en décortiquant lentement le processus, de l’apparition du virus à son éradication, Soderbergh renvoie à tout le monde l’image d’un monde (déjà) malade. Mourant. Foutu.