Scorsese, Coppola, De Palma, Tavernier, tous saluent depuis des décennies une œuvre qui récemment a inspiré Darren Aronofsky, le réalisateur de « Black Swan ». Peut-être trop marqué par celle-ci, je ne partage pas l’enthousiasme de tous ces professionnels.C’est un film agréable, à la mise en scène totalement maîtrisée, et qui autour du thème de la création artistique, donne à voir un excellent comédien , Anton Walbrook , dans le rôle du maître du ballet Lermontov.
Entremêlant mélodrame enflammé et représentation théâtrale du monde, Michael Powell et Emeric Pressburger conçoivent ainsi un spectacle total, parabole amère sur la création artistique et ses destins immolés.Mais la souffrance ressentie par l’histoire qui veut qu’une jeune danseuse sacrifie tout à son art ne m’apparaît pas d’une évidence flagrante.
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Il y a beaucoup de fluidité dans le jeu des acteurs, de légèreté aussi qui confine parfois à la caricature. C’est très longtemps un conte de fée, jusqu’à ce que Boris Lermontov, la méchante sorcière, ne vienne jeter un sort sur les ballerines de l’héroïne. Elle devra danser jusqu’à l’épuisement, la folie, la mort.Ce que l’on voit à peine sur l’écran, et la tension qui s’en dégage alors n’atteint pas des voltages exagérés.
Pour la passion, l’exaltation, il faut attendre la confrontation entre ces deux hommes qui se disputent la même femme, l’un par amour, l’autre pour la danse. Moira Shearer , en danseuse étoile ne m’a pas convaincu plus que ça. Elle joue bien, certes, mais son personnage demeure trop en retrait pour insuffler la dynamique du drame qui se prépare.
- Un court extrai de Coppelia
Il reste la danse, quelques extraits de ballets, et un superbe aperçu de « Les chaussons rouges », chorégraphie presque sauvage qui enfin atteint le cœur du film, en reprenant la même histoire d’une jeune fille déchirée entre sa passion et l’amour. Cette fois j’étais bouche bée devant une telle maestria, aux effets étonnants,et qui renforce la magie du spectacle.
LES SUPPLEMENTS
. La restauration des « Chaussons rouges » par M. Scorsese (4 mn)
Un petit aperçu du superbe travail numérique réalisé ,avec des exemples avant et après restauration . C’est notamment très frappant sur les problèmes de rétrécissement de la pellicule qui rendaient l’image floue.
. Il était une fois « Les Chaussons rouges » (24 mn)
Ou l’histoire d’un film qui voulait faire oublier les horreurs de la seconde guerre mondiale.Collaborateurs et proches des Archers ( maison de production créée par les réalisateurs ) en rappellent la genèse et son développement ( les meilleurs danseurs au monde sont sollicités) , et la froideur avec laquelle J. Arthur Rank l’a réceptionné . Ils évoquent aussi l’ immense succès aux États-Unis.
. Rencontre avec Thelma Schoonmaker Powell (7 mn)
Thelma Schoonmaker Powell, veuve de Michael Powell et monteuse de Martin Scorsese, évoque la fascination qu’exerce encore le film aujourd’hui. « On dirait que les gens voient la vie différemment après l’avoir vu« . Elle est avec le cinéaste , à l’origine de la restauration du film, « provocateur et dérangeant » qu’elle voit pour la première fois à l’âge de 12 ans.
. Ballet flamboyant (32 mn)
Un voyage dans les coulisses des ballets du film, en compagnie de Nicolas Le Riche (Danseur Étoile à l’Opéra national de Paris) et de Mathias Auclair (Conservateur en Chef à la Bibliothèque-musée de l’Opéra). Ils parlent notamment d’un » témoignage fort sur ce qu’était la danse à cette époque », et du répertoire des Ballets Russes , ici largement emprunté . Le ballet Lermontov du film s’en inspire aussi beaucoup .
Prix de vente public conseillé : € 19.99