Versailles

Publié le 09 novembre 2011 par Toulouseweb
Le mystère de l’ordinateur de la chambre 136.
Décidément, Sofitel, Carlton et autres Pullman accaparent l’actualité. Cette fois-ci, les projecteurs sont braqués sur la chambre 136 du Pullman de Versailles, théâtre du vol d’un ordinateur, d’un téléphone …et d’une souris sans fil. Un larcin comme il s’en produit souvent, dont on ne parle jamais, parce que les chaînes hôtelières cultivent la discrétion et que, de toute manière, la rubrique des faits divers devrait tripler de volume s’il fallait s’étendre dans ces informations regrettables mais secondaires.
Dès lors, pourquoi cette exception : parce que le portable de la chambre 136 appartenait à un vacataire d’Airbus, «un Anglais de 64 ans» impliqué dans le programme de l’A400M, semble-t-il. Selon la formule consacrée, des sources proches de l’enquête, évidemment anonymes et, de ce fait, non vérifiables, ont répandu dans la nature des suppositions et des commentaires qui justifient un regard narquois sur ce dossier. Pire, on est à la limite de l’humour anglais en même temps qu’apparaît un petit emballement médiatique sur le point de devenir risible. Du côté d’EADS, on se risque à évoquer un autoallumage médiatique du week-end, une formule qui a le mérite de la clarté.
En faisant preuve de perspicacité et d’un bel esprit de synthèse, le tout agrémenté d’un minimum de bon sens, on imagine dès à présent que le dossier – si dossier il y a— tombera rapidement dans l’oubli. Mais, entre-temps, nous aurons eu droit à un véritable festival d’insensée spéculation.
Nous sommes prêts à parier sur l’hypothèse du manque de prudence et de vigilance d’un Anglais distrait se posant à Versailles, le temps d’un week-end, pour des raisons qui ne regardent que lui. On n’abandonne pas un ordinateur portable dans une chambre d’hôtel, fût-il à multiples étoiles, même si le disque dur ne contient que des banalités. Une mesure d’élémentaire prudence qui n’est pas toujours respectée : même dans les parkings de Boeing, on peut oublier un laptop sur un siège arrière de Toyota, se le faire voler, alors qu’il contient des fichiers précieux, non pas militaires mais appartenant à la direction des ressources humaines.
Les informations venues jusqu’aux rédactions et un article circonstancié de La Dépêche du Midi ont affirmé sur un ton grave que l’ordinateur dérobé contenait «les plans du système d’approvisionnement en fioul (sic) de l’A400M». Aussitôt est apparue l’envie irrésistible d’en rester là, de passer à autre chose. A moins que le secret ainsi dévoilé soit que les gros turbopropulseurs TP400 de 11.000 ch de l’avion européen fonctionnent au fioul domestique.
Néanmoins, le commissariat de Versailles «imagine» une affaire d’espionnage industriel. On remarquera l’absence de forme conditionnelle. Aussitôt, l’incontournable député du Tarn-et-Garonne Bernard Carayon, spécialiste de la chose, a donné de la voix, suscitant l’escalade avec, pour récompense suprême l’évocation à voix basse de faiblesses françaises en matière d’intelligence économique. Pour mémoire, en anglais, intelligence signifie renseignement et si chacun prenait la peine d’éviter le piège des faux amis au profit d’une traduction correcte, l’expression ne ferait pas systématiquement sourire. De plus, le cyber espionnage n’est évidemment plus très loin.
Deux conclusions viennent à l’esprit. Tout d’abord qu’il est préférable de ne pas lire les journaux du week-end et de consommer France-Info avec la plus grande modération le samedi et le dimanche. Ensuite, il est évident, une fois de plus, que les écoles de journalisme ne risquent pas de manquer de matière à enseigner. Reste un problème apparemment insoluble : leurs élèves n’écoutent pas en classe.
Pierre Sparaco - AeroMorning