Avant de parler du film en soi, je vais dresser un petit historique, car ce film a une petite particularité pour moi: c’est le premier film que j’ai acheté! En effet, j’ai toujours été un copieur invétéré et mon père avait rapidement trouvé la solution au problème « Comment garder les films qu’on loue à la vidéothèque? ». Simple, un second magnétoscope. Et même lorsque les constructeurs avaient trouvé la parade avec le système anti-copie Macrovision, on avait une petite boîte magique à connecter entre les deux pour continuer à remplir les armoires de VHS. Tout cela est bel et bien terminé, depuis je travaille, je suis riche, donc j’achète tous mes films préférés en DVD ou Blu-ray. Mais à l’époque (vin diou, qu’on vieillit!), acheter une VHS, mais vous n’y pensez même pas! Alors, en plus un film que je n’avais même pas encore vu, là, ca relève du miracle! Surtout que c’était pas donné, ces petites crasses, ça coutait quasiment 700 francs belges, soit plus d’une quinzaine d’euros! Je ne sais plus l’année au juste, mais ça devait être aux alentours de 1992 (à lire avec la voix du grand-père Simpson!) et je l’avais acheté dans un Free Record Shop de Bruxelles (quelle mémoire! Je m’épate, parfois…). Massacres à la tronçonneuse 1 & 2 faisaient partie de mes films préférés (ça n’a pas beaucoup changé depuis), j’avais donc très envie de voir ce Massacre dans le Train Fantôme (titre français assez honteux pour récupérer les fans du plus gros succès de Tobe Hooper). Je me souviens également du stress intense lorsque mon magnéto a avalé la K7: « Est-ce que ce film que j’ai payé une fortune va être bien?? ». Heureusement, je n’avais pas encore vu les autres films de Tobe, sinon j’aurais stressé encore plus (il a tout de même quelques belles daubes à son palmarès, l’air de rien!). Autre souvenir, la qualité de l’image. Pour quelqu’un qui avait l’habitude de regarder les vieilles VHS louées et relouées, l’image était splendide, dans un beau cinémascope respecté. Et j’ai passé un super moment, clairement un des meilleurs films de Hooper. Nous sommes maintenant en 2011, il n’y a toujours pas eu de belle édition DVD depuis, et voilà qu’Arrow nous sort une belle édition en Blu-ray remplie jusqu’à la gueule de bonus. Le temps d’une petite commande Amazon.co.uk (à laquelle j’ai ajouté The Descent), et hop, je l’ai regardé pour la troisième fois. Et j’ai encore passé un super moment. Là, rien à faire, un petit article sur ce film s’impose de lui-même, d’autant plus que des sombres individus comme Geouf osent traîner dans la boue un des plus beaux fleurons du film d’horreur des eighties!
S’il y a bien une manière de définir le cinéma de Tobe Hooper, c’est ce mélange d’horreur et d’humour, mais un humour très particulier, un peu glauque, je dirais… Et il le prouve d’emblée avec une scène d’introduction qui mélange deux énormes classiques du genre: Halloween et Psychose. Evidemment, ça se termine comme une grosse farce, mais cela nous permet de faire connaissance avec l’héroïne du film, une gentille fille à papa, bien éduquée, et qui se prépare pour sortir avec son petit ami et des copains. La foire semble être une bonne destination pour s’amuser, même si l’année précédente, on a tout de même retrouvé deux filles mortes au départ des forains. Mais bon, les jeunes, ça aime bien les frissons, ce n’est donc qu’un petit détail sans importance. Commence alors une nuit qu’ils ne sont pas près d’oublier! Et cerise sur le gâteau, Tobe Hooper a décidé de faire une longue introduction: une bonne quarantaine de minutes soignée aux petits oignons.
Car il s’agissait sans doute de la priorité numéro un du réalisateur: retrouver cette ambiance glauque qu’une foire peut avoir, avec ses automates, ses petits chapiteaux limites insalubres et ses forains un peu bizarres. Il me semble avoir lu quelque part que Tobe avait importé des attractions de foire typique des années 40/50, et l’ensemble des décors est franchement une réussite. D’un lieu où on est censé s’amuser, il en fait quelque chose de lugubre, en passant par le chapiteau des animaux difformes, par celui des strip-teaseuses, et bien entendu par le Funhouse, le fameux train des épouvantes, où un inquiétant Frankenstein fait monter les clients dans les voiturettes. Détail qui renforce le bizarre, les trois aboyeurs qui rameutent les foules sont tous interprétés par le même acteur, l’excellent Kevin Conway, qui est habillé différemment et modifie le timbre de sa voix.
Mais malgré tout ça, les deux couples d’amis décident de passer la nuit dans le train fantôme (pas pour se faire peur, hein!!). Erreur monumentale, car ils vont non seulement être les témoins d’un meurtre, mais ils vont également être pris en chasse par le forain et son fils, une abomination, un monstre qui se cachait derrière le masque d’un autre monstre (le Frankenstein mentionné auparavant). Et Tobe Hooper d’utiliser à la perfection son décor unique de train fantôme, y compris son envers du décor. Il est bien aidé par une splendide musique de John Beal (totalement inconnu pour moi, rien à voir avec le Jeff Beal de Rome), qui utilise bien entendu une musique de foire bien flippante, mais qui soigne également le climax final par une tonitruante partition. J’irais presque jusqu’à dire qu’elle sauve la scène, car à mon avis, sans la musique, elle serait limite mal torchée, car l’affrontement final est assez court, et le monstre qui était jusqu’ici un tueur efficace, se montre un peu maladroit face à une frêle jeune fille. C’est pour moi le seul petit défaut du film, avec un maquillage parfois limite. Oh, pour les années 80, c’était sans doute très bien, mais à notre époque, ça fait un peu trop « bête masque », la faute à des yeux totalement inexpressifs. C’est pourtant deux grands noms à l’origine du maquillage: Rick Backer et Craig Reardon qui s’y étaient attelé. Si le premier s’est occupé du design (qui lui est parfait), la confection du deuxième, en revanche, rend le film un peu daté. Bon, je n’aime pas trop critiquer les maquillages, car de mon fauteuil confortable, c’est très difficile de juger. Peut-être le budget était trop serré, peut-être que Tobe Hooper n’avait pas prévenu que le visage déformé se prendrait une torche lumineuse dans la face, par exemple.
Cela dit, ce n’est pas un ratage total non plus, il a vraiment une sale gueule, comme on dit. Et l’acteur sous le masque a suffisamment d’énergie (qu’est-ce qu’il gesticule!) pour combler ce manque d’expression. Rayon casting, pas de grand nom, on retrouve juste William Finley dans une apparition hilarante d’un magicien vampire complétement désabusé. La star du film, c’est donc bien Tobe Hooper, en grande forme, je trouve. Pas de meurtres dégueulasses, pas de gore, c’est pas vraiment son truc. Et même si le film s’apparente à un slasher, il vaut mieux le prendre comme un film de monstre, on est d’ailleurs prévenu au début par un passage à la télé de la Fiancée de Frankenstein. Là où Hooper est vraiment très fort, c’est dans l’ambiance générale. Le décor a toujours eu de l’importance dans ses films (impossible d’oublier le parc d’attraction abandonné de Massacre à la tronçonneuse 2), et c’est surtout le cas lorsqu’il filme ces horribles automates, doués d’une vie artificielle et qui se mettent en branle pour rigoler lorsqu’un meurtre se déroule devant nos yeux. Le premier résume d’ailleurs ce qu’Hooper fait de mieux. Le monstre, toujours caché par son masque de Frankenstein, est sur le point d’assouvir sa libido avec Madame Zena, la voyante plus très fraîche et qui parle avec un accent à couper au couteau (style Bela Lugosi). Les deux couples d’adolescents sont à l’étage, et voient la scène entre les planches. C’est évidemment plus drôle qu’autre chose, entre transaction financière et éjaculation précoce. Mais dès que le monstre pique une crise, et décide de récupérer son argent, ça ne rigole plus du tout, la pauvre Madame Zena sera d’abord électrocutée (ce qui mettra en route ces foutus automates rigolards), et ensuite étranglée. En quelques secondes, le film bascule, et le suspense ne descendra pas d’un iota jusqu’au générique de fin.
« Pay to get in.
Pray to get out! »
Verdict: 8/10
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