Magazine Politique

Les mots de la politique (18) : Baroin et la gauche #pareffraction

Publié le 09 novembre 2011 par Variae

Avec sa saillie de mardi, aux questions d’actualité, sur l’arrivée au pouvoir de la gauche « par effraction » en 1997, le jusque là très lisse François Baroin a intégré le club des dérapeurs politiques, troquant sa défroque de gendre idéal contre celle d’aboyeur sarkozyste.

 

Les mots de la politique (18) : Baroin et la gauche #pareffraction

Le terme est fort, brutal, répété, et semble donc, si ce n’est préparé, du moins totalement assumé. Que faut-il comprendre ?

 

Premièrement, que la campagne de 2012 sera sale et boueuse. Comme je l’avais déjà noté il y a un an au sujet de Frédéric Lefebvre, la parole politique prend ici une fonction particulière, semblable au trolling sur Internet, consistant à faire déraper le débat pour le pourrir et le court-circuiter. Et de fait, les députés socialistes ont quitté la salle, ce qui n’est jamais une victoire de la démocratie. C’est une technique défensive prouvant une certaine situation de faiblesse : si le gouvernement et le président étaient à l’aise sur leur bilan et leurs perspectives, ils n’auraient pas besoin d’y recourir. Que même François Baroin, qui n’est quand même pas Nadine Morano, tombe dans ce registre est un signal intéressant sur l’ambiance général à l’UMP, et la stratégie actuelle du parti présidentiel, en attendant peut-être une embellie sondagière : cogner, cogner, cogner.

Deuxièmement, je vois aussi dans cette attaque une tentative, classique à droite, de relier la gauche à l’illégalité, à l’illégitimité, à l’anormalité. De même que les débats sur la sécurité commencent toujours, à droite, par un rappel du prétendu angélisme des socialistes, suspects de tendresse pour les voyous, de même qu’il est de bon ton de marteler que la gauche est d’une faiblesse coupable à l’égard des assistés et des fraudeurs. Effraction : socialistes = cambrioleurs = désordre. En temps de crise, choisissez l’ordre, choisissez l’UMP. CQFD.

Troisièmement, et c’est peut-être le point le plus intéressant, le mot d’effraction révèle en creux une certaine conception du rapport de l’UMP au pouvoir. On a beaucoup rappelé depuis hier combien la droite a toujours considéré que le pouvoir en France lui appartenait et que la gauche était fondamentalement illégitime pour l’exercer. C’est très clair ici. Mais avec le mot de Baroin, on va un cran plus loin encore.

Effraction : « Bris de clôture, de meuble, de serrure que fait un voleur pour dérober. » L’effraction suppose une fermeture, la fermeture d’une propriété. Et par définition, si on enferme quelque chose, c’est aussi pour le dérober à la vue de tout le monde, pour marquer une séparation entre le public et le privé, pour délimiter un domaine de l’intime sur lequel on garde une certaine confidentialité. Dire que quand le PS gagne un scrutin démocratique contre la droite, c’est par effraction vis-à-vis de la droite, cela signifie donc que le sommet de l’Etat est pour la droite une propriété, d’une part, et une propriété privée.

« Servir plutôt que se servir », dit-on parfois pour définir la bonne politique. Ici, à l’inverse, François Baroin vient candidement d’avouer, peut-être sans s’en rendre compte, un rapport de propriété (de prédation ?) de son parti à l’égard de la République. Ce qui constitue une occurrence très rare – en dehors d’un tribunal – de reconnaissance d’un système UMP, ou comme on disait auparavant d’un Etat RPR.

François Baroin aurait donc tout intérêt, comme on commence déjà à le lui conseiller dans son propre camp, à présenter ses excuses et effacer cet étrange aveu.

Romain Pigenel

Retrouvez (sans effraction) les autres mots de la politique ici.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Variae 35066 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine