Une ancienne collègue de boulot m’a contacté il y a peu, elle tient un blog qui retrace l’histoire de notre boîte. Articles historiques ou activités présentes des retraités, chacun apporte sa pierre à l’édifice qui lentement reconstruit sous nos yeux la mémoire collective de notre ancienne entreprise.
Blog mais aussi réseau, tous les inscrits sont recensés avec leurs coordonnées email et téléphone et cette liste est diffusée entre nous, ce qui permet de renouer des liens avec d’anciens collègues perdus de vue depuis longtemps. Chacun est libre de renouer ou pas d’ailleurs. C’est aussi le moyen de compter les survivants. Bref, une bien belle initiative qui semble avoir beaucoup de succès et qui permet de constater que la retraite n’est pas l’antichambre de la mort, car à voir les activités des uns et des autres, voyages aux bouts du monde en mobil home ou reconversion dans des occupations aussi diverses que le théâtre ou orpailleur en Amérique du Sud, on en déduit qu’il y a une autre vie après la vie professionnelle !
J’ai donc été contacté pour fournir quelque matière à son blog et je me suis proposé d’écrire mes « mémoires » couvrant mes années dans l’entreprise. J’y avais déjà pensé, mettre par écrit mes souvenirs de boulot, mais j’avais abandonné, car depuis presque un an et demi que j’ai cessé de bosser, j’ai fait le vide avec mon passé. Je ne regrette rien, je n’oublie rien, mais j’ai planqué tout cela sous le tapis de ma mémoire, le passé c’est le passé, aussi beau soit-il.
Revenu sur cet avis, je me suis lancé. Il s’agit d’un blog, donc je ne devais pas en faire trop, je n’écrivais pas un bouquin. Durant plusieurs jours j’avoue que ça m’a turlupiné sans interruption, la journée et la nuit, le matin en reprenant conscience j’écrivais déjà mentalement les prochaines pages. Quarante ans de vie, ce n’est pas rien même si ce fut une vie banale, finalement. Un film si long et si court à la fois, toutes les images me sont revenues comme si elles dataient d’hier, des noms m’ont échappé sur l’instant, certains sont revenus, quelques uns non.
J’ai écrit et puis j’ai taillé et retaillé, parfois j’ai hésité à révéler telle ou telle anecdote. Il en est qu’on peut divulguer entre quatre z’yeux, mais les étaler sur la Toile ce serait un manque d’élégance ou de courtoisie. J’ai aussi éliminé les mauvais souvenirs, pour une raison simple qui n’est pas de la censure, mais qu’ils étaient si peu nombreux et de si faible intérêt qu’en parler aurait été leur donner plus de poids qu’ils n’en avaient réellement pour moi.
Toute cette remontée de passé à réveillé des moments que je croyais avoir oubliés, mes yeux se sont embués une fois ou deux. Comme vous le constatez quand vous vous lancez dans un tel projet, il n’est pas aussi anodin qu’on pourrait le croire, il touche à la psychanalyse. C’est aussi assez effrayant, car au final quand j’ai rendu ma copie, bien qu’ayant fait exprès de réduire au maximum mes écrits, toute ma vie tenait en moins de six pages.