Mervyn Peake aurait eu 100 ans en juillet dernier.
C'était un tricoteur d'univers.
Sa trilogie Gormenghast est un fabuleux travail d’orfèvre et d’enlumineur, voire même d’artificier, faisant se mêler aux plus violentes visions rimbaldiennes les douceurs tendres de l’enfance. C'est un maitre (illustrateur aussi) du macabre, du farfelu et du grotesque et un voyageur des profondeurs des abîmes de l'imaginaire.
Né en Chine en 1911, il y grandira jusqu'à ses 17 ans. Développant rapidement une aptitude dans le dessin, il étudiera en Angeleterre à la Croydon School of Art et à la Royal Academy School s'appliquant sur ce talent. Il présente des toiles avec succès et enseigne l'art où il y rencontre la peintre Maeve Gilmore qu'il épousera et avec laquelle il aura 3 enfants.
En 1946, parait Titus Groan, le premier volet d'une trilogie racontant l'histoire d'une dynastie logée dans le château fantaisiste et ritualiste de Gormenghast. Un château aux personnages grotesques et aux corridors labyrinthes gothiques. Gormenghast, le second volet, parait quatre ans plus tard. Il illustre ses deux livres lui-même et se développe des admirateurs, dont l'auteur Graham Greene parmi ses fans. Un fan qui deviendra aussi un ami.
Il publie aussi de la très accomplie poésie en 1941 et en 1944 entre autre qui feront de Dylan Thomas un admirateur et un ami supplémentaire. Il publie Letters From a Lost Uncle en 1948 et Mr Pye en 1953. Il illustre toujours ses romans de quelques dessins ici et là.
Il place tous ses espoirs dans une pièce de théâtre en 1957 qui sera un cuisant échec, il tombe dans une sévère dépression dont il ne se relevera jamais complètement. C'est que la maladie de Parkinson commence aussi à lui rentrer dans le corps. Il publie le dernier volet de la trilogie de Gormenghast, Titus Alone en 1959, mais la maladie est si intense que, bien que le livre commence bien, il se termine confus et bourré d'erreurs de lieu, de temps et de personnages. L'histoire se passe à peine dans le château et semble légèrement déconnectée de la direction des deux premiers livres.
Il illustre Droll Stories de Balzac en 1961 et un de ses poèmes de guerre The Rhyme of the Flying Bomb l'année suivante. Avec extrèmement de difficultés causées par la maladie de Parkinson.
Dans les années 80, la BBC Radio 4 présente une adaptation radio des deux premiers livres de la trilogie avec Sting et Freddie Jones comme voix principales.
En 2000, pour la BBC télé, on tourne une série, toujours inspirée seulement des deux premiers tomes, mettant en vedette Jonathan Rhys-Myers dans le rôle du jeune cuisinier Steerpike qui a soif de liberté et de pouvoir malsain, Neve McIntosh dans le rôle de Fushia, June Brown, Ian Richardson, le grand Christopher Lee en Mr Flay, Richard Griffiths, Warren Mitchell, Celia Imrie, Lynsey Baxter et Zoë Wanameker dans le rôle des troublantes jumelles Cora & Clarice, John Sessions, Olga Sosnovska, Stephen Fry, Eric Sykes et Spike Milligan dans son tout dernier rôle.
Le canadien Robertson Davies et l'anglais Clave Staple Lewis étaient de grands fans de la trilogie (le dernier étant aussi un proche de Tolkien).
Robert Smith a écrit The Drowning Man en s'inspirant du personnage de Fuschia dans la trilogie.
Un prof qui m'inspire beaucoup m'a poussé vers cet auteur et voilà quelques semaines que je cherchais cette trilogie difficile à trouver en magasin ou en bibliothèque.
J'avais envie de traces de culture chinoise dans mon occident accidenté.
Je suis excité comme un bambin à Noël.
L'un de mes films préférés de tout les temps** est aussi empreint de grotesque.
Ne me cherchez pas je m'enferme dans un château gothique.
Pour une lecture épique.
*L'univers de Peake n'a rien à voir avec celui de Tolkien, sinon je ne le lirais pas, j'ai détesté Tolkien. Ils n'ont que le mot "fantasy" en commun. Un univers qui m'est, à bien y penser, passablement étranger...Mais pas le macabre, le farfelu et le grotesque.
** Michael Nyman mérite une place au paradis pour cette seule trame sonore.