C'est de Galway, en Irlande, que j'ai appris le terrible incendie qui ravageait les hauts de la Réunion. Même ici les journaux en ont parlé (pas beaucoup, mais quand même, une brève ici et là). Emmitouflé dans ma polaire, engoncé dans mon cuir, j'imaginais les pompiers tenter de dompter les flammes, et leurs collègues venus en renfort des régions de France s'épuiser avec eux dans la fournaise. J'ai eu une pensée fugace pour ceux qui ont allumé le feu : s'endorment-ils comme des bienheureux, la nuit tombée ? Rêvent-ils d'avoir des enfants un jour ? Sont-ils des gens comme vous, comme moi, comme nous quoi ?
Ce ne sont pas des monstres, en tout cas. Le monstre de base pense à manger, à tuer pour manger, à dormir quand il est fatigué, à se battre quand il doit se défendre (ou son territoire, ou sa femelle, ou ses petits). Le monstre n'est qu'un homme comme les autres, finalement.
A peine les braises s'éteignaient-elles au Maïdo que le siège de Charlie Hebdo, rebaptisé Charia Hebdo, s'embrasait à son tour. Deux types ont lancé un cocktail molotov dans une vitre du journal satirique, qui avait mis en une un dessin du prophète. Plutôt rigolo, le dessin. Pas de quoi fouetter un chat. Mais pour quelques abrutis, de quoi brûler un journal. Ces abrutis là non plus ne sont pas des monstres. Seulement des abrutis.
Ce soir, je me réchauffe à un feu de cheminée, à 10 000 kilomètres des milliers d'hectares fumants de mon île. Je regarde les braises, les écoute finir, sent leur chaleur. Ce feu finissant là me réchauffe. Les brasiers de Syrie emportent dans leurs cendres la vie d'enfants, d'hommes et de femmes. Le feu est décidemment une chose étrange. La vie. La mort. La démocratie. La dictature. La chaleur, toujours.
François GILLET