Ce n’est pas pour faire ma pédante mais tant que je n’ai pas trouvé un titre (que je souhaite bien évidemment original) j’ai du mal à ordonner ma pensée. Particulièrement sous l’effet de la colère et de l’indignation - et c’est bien le cas quand je découvre ce titre du Monde Plan de rigueur : une deuxième journée de solidarité serait à l'étude (4 nov. 2011) - les idées et arguments se bousculant au portillon. Tout en cherchant dans mes archives ou sur le blog d’anciens articles sur le sujet ou en vaquant à d’autres occupations, je laisse sans "précipitation" ce bouillonnement devenir un "précipité" dont je puis ensuite extraire la substantifique moelle. Dans un certain nombre d’articles sur ce sujet, j’avais déjà utilisé à plusieurs reprises le mot « corvée » - féodale, bien entendu. C’eût été par trop répétitif.
Je ne saurais dire tout ce qui a pu me passer par la tête dans le même style. Quelques titres auxquels vous aurez échappé : « 2e journée de solidarité : un pas de plus vers l’esclavage ? » ou sur le mode "Mange ta soupe !" « Amère potion de la 2em journée de solidarité : une cuiller pour Sarkozy, une cuiller pour Fillon, etc. une cuiller pour Bettencourt »… C’est qu’elle « le vaut bien ».
D’où cet autre titre « Personnes âgées : une journée de solidarité pour Liliane Bettencourt ? ». Normal, puisqu’elle viendrait d’être hospitalisée - en Suisse ? Elle menaçait de quitter la France si elle était mise sous tutelle - et qu’il est désormais admis qu’elle souffrirait de la maladie d'Alzheimer. Voilà pourquoi elle disait ignorer posséder des masses de flouze caché en Suisse et une île non déclarée au fisc. Nous étions bien méchants de l’accabler sous nos sarcasmes. Rapiat comme elle est, elle va certainement demander à bénéficier de l’APA - du gain ! - que le si vertueux département des Hauts-de-Seine ne saurait lui refuser.
Or donc, à force de tourner autour du mot "journée" il me revint en mémoire cette fameuse « Journée des dupes » - qui dura en fait 3 jours - et vit le 10 novembre 1630 (c’en sera l’anniversaire dans quelques jours) la défaite de Marie de Médicis - grande comploteuse sous l’Eternel ! - qui dut s’enfuir à l’étranger et de ses partisans qui furent arrêtés ou exilés (Louis de Marillac en eut même la tête tranchée) alors qu’ils en espéraient la disgrâce de Richelieu. Mais celui-ci réussit à "retourner" Louis XIII qui n’aura d’ailleurs pas à s’en plaindre jusqu’à sa mort, bien au contraire.
Travailler gratos ! Idée géniale s’il en fut. Les patrons ne peuvent que se frotter les mains. Car ne croyez pas que la sueur des prolos ira directement dans l’escarcelle des pauvres vieux : juste une obole. En effet, un mot me mit hier la puce à l’oreille en écoutant France Info. Il était question d’une « cotisation » patronale. Je voulus bien évidemment en savoir plus et fit des recherches sur Google pour trouver enfin la réponse sur Wikipedia. Je ne reviens pas bredouille : les entreprises reversent 0,30 % de la masse salariale brute… autrement dit, peanuts ! Ce qui n’empêche nullement l’Etat de s’en mettre plein les fouilles puisque je relève que cette journée lui aura rapporté 1,95 milliard en 2005, 2,09 milliards en 2006, 2,2 milliards d’euros en 2007, 2,29 milliards en 2008, 2,21 milliards en 2009 et 2,4 milliards en 2010.
Si encore cette manne profitait vraiment aux personnes âgées ! Mais connaissant les habitudes de l’Etat-prédateur, il est bien évident qu’il n’en fût rien comme le soulignait un article du Monde épinglant La très mauvaise gestion des milliards du lundi de Pentecôte (24 mai 2010). En effet, selon l’AD-PA - organisme rassemblant les directeurs de services à domicile et d’établissements pour personnes âgées, une partie des crédits - 2 milliards d'euros cumulés depuis 2004 - ne leur serait pas affectée, utilisés à d’autres fins - ce que je subodorai dès le départ - et pire puisque nous apprenions que cette politique de gribouilles mettait en péril le secteur, « sous la menace de licenciements, de nombreuses associations d’aide aux personnes âgées ne parvenant pas à s’en sortir faute de moyens ». Ajouter du chômage au chômage, c’est-y pas beau ça !
Comment ne pas penser à la fameuse « vignette automobile » censée à l’origine à garantir un revenu minimum aux personnes âgées indigentes ? Instituée en 1956 par Guy Mollet pour alimenter les finances publiques déjà à sec. Certes, il fut bien institué à cet effet un « Fonds national de solidarité » mais il apparut très vite non seulement que cette taxe - tout en rapportant beaucoup à l’Etat : 270 millions de francs en 1956 soit 561 millions d’euros actuels - eut immédiatement des effets pervers sur l’économie : moins d’achats d’automobiles et donc moins d’embauches dans le secteur lors même que la perte de TVA dépassa le produit de la taxe ! En outre, il apparut très vite que le produit de la vignette était loin d’être affecté en totalité au FNS : il suffisait de faire la différence entre le montant perçu et celui des allocations versées. Rien de nouveau sous le soleil !
Tout en soulignant que certaines entreprises ont préféré offrir cette journée à leurs salariés, l’article de Wikipedia est fort critique sur le bien fondé de la mesure : « quelques calculs simples montrent que le financement de cette disposition sociale est à la charge intégrale des salariés et qu’en réalité l’employeur ne subit aucune charge, au contraire : le fait pour chaque salarié de devoir travailler une journée supplémentaire non rémunéré chaque année permet à l’employeur de bénéficier d’une journée de production supplémentaire gratuite (… ) Chaque salarié devrait travailler 3 heures 42 minutes de plus par an pour neutraliser exactement le coût de la cotisation versée par l’employeur serait proportionnellement mis à contribution ; au-delà (ce qui est le cas pour l’instant) il en tire bénéfice et ne contribue aucunement ».
Enfoncé le Marx avec sa théorie et ses équations sur la « plus-value » ! Il n’avait pas prévu que l’ultralibéralisme - sous prétexte de prétendu "progrès" - nous entraînerait dans une monstrueuse régression sociale vers la corvée féodale si ce n’est l’esclavage. « Encore une minute, messieurs les bourreaux » et nous y parviendrons sans doute. Limites du matérialisme historique, la dialectique marxiste - pas plus qu’hégélienne au demeurant - n’envisageant l’avenir autrement que comme progrès, ce qui interdit logiquement tout retour en arrière.
Quitte ne pas être payé, autant ne pas travailler, ce que j’ai pensé depuis que cette journée de "corvée" fut instituée par Raffarin (loi du 30 juin 2004). Même si je n’étais pas directement concernée, ayant cessé de travailler. Déjà assez outrée d’apprendre que les salariés travaillant les jours fériés, comme mes ex-consoeurs infirmières, perdraient également leur journée de récupération ! Et sans doute également la « prime Veil ». MERDALOR !
Instituée sous le faux prétexte - une « bonne décanche » pour mauvaise excuse, dirait un Solognot » - de la canicule de l’été 2003 qui provoqua la mort de 15.000 personnes, âgées pour le plus grand nombre, ce qui autorisa certains cyniques à parler de « divine surprise ». Bin voyons ! Des retraites et diverses prises en charge en moins. Cela fait bien longtemps que j’écris que pour palier le problème du vieillissement de la population il suffirait de tuer les futurs vieux à la naissance.
Bien évidemment prétexte. puisque j’appris par la suite que l’idée d’une journée travaillée mais non payée avait été antérieurement envisagée pour financer l’aide aux handicapés. Ils devaient en avoir depuis longtemps l’idée dans leurs cartons. Rouge ! «Les vieux ont bon dos!» pouvait titrer 20 Minutes le 29 janvier 2008, publiant des réactions de lecteurs qui n’étaient nullement "dupes".
Je ne sais s’il vous en souvient mais il y a un an Laurent Hénart affirmait : "Les Français doivent abandonner un jour de RTT" (JDD 15 oct. 2010). Vous notez bien : « doivent » et non « devraient ». Il s’agit d’une affirmation totalement comminatoire. Comme d’hab’ avec eux, à prendre ou à laisser, aucun autre choix possible. Quand bien même réuniraient-ils les syndicats, uniquement pour la forme. C’est dire s’ils ont sacrément de la suite dans les idées. Je m’étais d’ailleurs fait le plaisir d’allumer ce "bébé Borloo" comme il le méritait Ah ! «Le salaud il a osé !» : sacrifier un jour de RTT pour l’APA ? m’inspirant bien évidemment d’Enzo-Enzo.
Je n’admettrais jamais que l’Etat se défaussât sur la charité publique des charges qui lui incombent par principe quand bien même serais-je régulièrement "allumée" par certains commentateurs inspirés par l’idéologie ultralibérale du toujours moins d’Etat.
Je me souviens d’une remarque que je fis à une copine de l’école d’infirmières en voyant un jour une quêteuse de la Croix-Rouge devant l’entrée de l’hôpital Tenon : «Si l’on continue comme cela, bientôt il faudra faire la manche pour l’hosto public »… Je crois bien que nous n’en sommes pas loin et si je ne m’abuse, certains nouveaux hôpitaux ont été construits grâce à la "générosité" de multinationales du BTP ou autres.
Mais bordel de merde ! Qu’ils relisent le Préambule de la Constitution de 1946 -inspiré par le Conseil national de la résistance - lequel a valeur constitutionnelle puisque le Préambule de la Constitution de 1958 y fait référence ainsi qu’à la Déclaration des droits de 1789. Logique puisque le Général de Gaulle fut l’inspirateur des deux constitutions. Allez vite le dire à Sarkozy puisqu’il ose prétendre avoir mis ses (trop petits) pieds dans ses pas.
Rappelons-en les termes puisqu’il est manifeste qu’ils sont oubliés de la plupart : « La Nation - c’est moi qui souligne - assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. Elle garanti à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs - c’est moi qui souligne - la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ».
« La Nation et la collectivité » : les termes sont clairs. Nulle part il n’est fait mention à la charité publique. Reviendrions-nous aux temps anciens des dames patronnesses s’occupant de leurs « bons pauvres » - entendre aussi « honteux » que reconnaissants, des hospices où l’on enfermait pêle-mêle, malades, vieillards, vagabonds et mendiants ? Avec les arrêtés anti-mendicité nous n’en sommes pas loin. Bien curieuse société qui tout en laissant au frontispice de ses bâtiments publics la belle devise de la République « liberté égalité fraternité » met ou laisse les gens sur la paille en leur interdisant tout moyen de subsistance parallèle. Il ne resterait plus qu’à s’inspirer des fameux « workhouses » décrits entre autres par Dickens et pourquoi pas ? Rétablir la « prison pour dettes ».
Or, depuis plus de 30 ans nous assistons au parfait détricotage de l’ensemble de ces mesures, au prétexte controuvé que l’Etat-providence serait devenu impossible. Au nom de quoi sinon de ce que les ultralibéraux ont décrété de manière tout à fait arbitraire ? Il n’y a pas plus de « main invisible du marché » que de beurre en branche et ce sont surtout leurs grosses ficelles qui sont visibles.
Qui n’auront pas échappé à Pierre Bourdieu dans un article du Monde Diplomatique de mars 1998 « L’essence du néolibéralisme » fort justement sous titré « Cette utopie, en voie de réalisation, d’une exploitation sans limite ». Or, il est bien connu que les utopies - fondées sur des idéologies qui prétendent avoir réponse à toutes les questions - sont par nature totalitaires.
Je rappellerais que Marx - qui ne s’est pas trompé en tout - affirmait avec justesse que « l’idéologie dominante est celle de la classe dominante ». Celle qui tient cénacle dans les très secrets interna-tionaux Groupe de Bidelberg, Trilatérale et autres « Siècle » (pour la France). Comment ne pas penser au magnifique ouvrage de Viviane Forrester « Une étrange dictature » (Fayard, 2000) venant après « L’horreur économique » (Fayard 1996) tout aussi superbement écrit. Critiquer la mondialisation et ses effets pervers dans une langue quasi poétique, j’en rêve !
Non, mes amis, nous ne devons pas nous soumettre - autant accepter de mettre notre tête sur le billot ! - mais nous insurger. Sans violence. Je préfère en appeler à Etienne de la Boétie « De la servitude volontaire » écrivant il y a plus de 5 siècles qu’il suffit de priver le tyran d’aliments pour qu’il dépérisse… Refusons de donner le moindre fifrelin ou maravédis à ces gloutocrates, ogres qui ne seront jamais assez assouvis.
Déclarer le lundi de Pentecôte férié mais non chômé relève de la pure aberration : mesure injuste socialement, inepte économi-quement. Sans oublier la dérive sémantique : étymologiquement, le « ferie » latin était précisément un jour où la religion interdisait de travailler. Quant à notre « férié » - de même origine - le Robert est formel : il y a cessation du travail les jours fériés pour la célébration d’une fête religieuse ou civile. Saluons la novlang technocratique et politique !
En effet, un nombre non négligeable de personnes profitaient du long week-end de la Pentecôte pour se déplacer, faire du tourisme ou autres activités. Générant bien évidemment des revenus non négligeables pour les transporteurs (ou les autoroutes, les pompistes, etc.) et autres secteurs vivant du tourisme : hôtels, restaurants, campings ou locations de gîtes, etc. et donc en dernière analyse non seulement des salaires supplémentaires (embauche "d’extra") mais également des rentrées supplémentaires de cotisations sociales et de TVA. Autrement dit, une fois de plus ces gribouilles se tirent une ballent dans le pied et nuisent à l’emploi ! Ajoutant du chômage au chômage… peu leur chaulant puisqu’ils ne se soucient des mauvaises statistiques de l’emploi qu’une fois tous les mois quand elles leur tombent sur le coin de la gueule, promettant à chaque fois s’atteler à trouver des solutions. Miracle ?
Un peu de raison leur étant revenue, ils décidèrent donc en 2008 que La date de la journée de solidarité serait négociée dans chaque entreprise (Le Monde 26 mars 2008). Mais sur le principe cette mesure ne pouvait pas mieux passer : Pentecôte ou pas, c’est toujours la réintroduction de la "corvée" féodale grinçais-je le 31 janvier 2008.
Pour la date de la nouvelle journée de solidarité j’eus bien volontiers suggéré la date du 1er mai : non seulement le personnel travaillant ce jour-là n’aurait plus droit à un double salaire mais de surcroît, j’y vois une excellente manière de faire taire la contestation puisque, faute de combattants, il n’y aurait plus les traditionnels défilés syndicaux et politiques.
Comment voudriez-vous que je n’éprouve point une véritable haine ? C’est bien la première fois de ma vie. Certes, beaucoup de colères devant les décisions de certains responsables politiques mais autant de haine inextinguible, jamais ! Alors que je suis plutôt naturellement portée à aimer les gens.