Le premier ( financé en partie par Dexia ! Il était temps qu'il sorte sur les écrans ... ), production belgo-française, tente de nous montrer combien il est peu gratifiant, aujourd'hui, de servir l'Etat au ministère des transports ou ailleurs. Ce film est plutôt bien renseigné et servi par des acteurs de bon niveau. Hélas, il pêche par la sorte de discours misérabiliste qui entache ce qu'on pourrait qualifier d'école cinématographique nordiste contemporaine, avec comme représentants les frères Dardenne pour le meilleur et Xavier Beauvois pour le pire. Leur univers trop réaliste pour être authentique, peuplé de gueules cassées, d'hommes et de femmes à la dérive, ne s'arrête pas à la porte des antichambres ministérielles : l'exercice du pouvoir est devenu ingrat, les pauvres gens vous houspillent sans arrêt, la trahison est omniprésente, le reniement obligé, la sexualité misérable, etc. Les vieux préfets énarques se consolent comme ils peuvent en se faisant cuire un oeuf et en écoutant Malraux inviter les cendres de Jean Moulin à entrer au Panthéon : à ce moment, on frôle le grotesque. Mais non, braves citoyens, rassurez-vous, tout n'est pas si dur en ces lieux de prétendu "pouvoir" !
Ce film vaut en tout cas mieux que son concurrent de calendrier signé George Clooney qui tente de nous montrer un candidat démocrate en campagne pour les primaires et ses plus proches collaborateurs mêlés aux conséquences fâcheuses des galipettes furtives de leur champion. Le penchant de la culture américaine à associer mort et sexe colle aux basques de Clooney. Ses réflexions sur les compromissions nécessaires aux victoires électorales sont d'une platitude qui confine à la naïveté. On est loin, très loin, de 'L'homme qui tua Liberty Valance".
En tout cas, un point commun à ces deux films : il flotte en Occident comme un parfum de paupérisation dans les sphères du pouvoir. Sur ce point, ils n'ont pas tort et nous n'en sommes du reste qu'au début.
Beaucoup plus tonique est le "Tintin" de Spielberg. La relative simplicité et le dépouillement visuel des albums d'Hergé sont écrasés par l'artillerie lourde américaine. Le cinéma de Spielberg a toujours eu pour ambition de fournir au 7ème art le dernier-cri des techniques de son époque. Il faut prendre cette débauche de moyens pour ce qu'elle est : un hommage. Son "Secret de la licorne" est mené tambour battant. Certains scènes sont d'une sophistication visuelle impressionnante, notamment l'abordage du vaisseau de l'ancêtre De Hadocque par les pirates de Rackham le rouge. Mais, comme dans les films précédents de Spielberg, on reste sur sa faim : tant d'effets spéciaux pour dire quoi au juste ?
Dans le registre des arts plastiques, les choses les plus intéressantes se passent à Beaubourg. Moins la rétrospective un peu confinée et ennuyeuse de Munch que les kaléidoscopes photographiques de Cyprien Gaillard, prix Marcel Duchamp 2010, qui juxtapose des images de lieux inhabités et trouve d'étranges parentés entre des ruines d'hier et des édifices d'aujourd'hui d'aujourd'hui qui seront les vestiges de demain. Ceux qui n'ont pu se repaître de la rétrospective de Yayoi Kusuma au centre Reine Sofia à Madrid, c'est à dire l'immense majorité d'entre vous, auront droit à une séance de rattrapage à Beaubourg, l'artiste schizophrène japonaise réfugiée dans une institution psychiatrique a multiplié les explorations formelles depuis plus de 60 ans. Le tout est assez convaincant, une névrose saturée de lignes, de courbes et de mobilier phallique.
Le monde ne se porte pas très bien mais il tourne toujours aussi vite.