En 1941, le délicat Docteur Louis Destouches publiait – sous le pseudonyme de L.F. Céline – un virulent pamphlet contre tout le monde qui ne pensait pas comme lui: Les Beaux-Draps, édité par une filiale des éditions Denoël spécialisée dans la dénonciation de « l’ennemi ». On y trouve des perles à chaque page. Du genre : « 40 millions de blancs bien ivrognes, sous commandement juif, parfaitement dégénérés, d’âme tout au moins, effroyables, et puis 300 millions de métis, en grande partie négroïdes, qui ne demandent qu’à tout abolir. Plus la haine des jaunes. »…..
Bon. Arrêtons. Presque 300 pages de ce tonneau là. Et tout le monde y passe. Sauf Lui ! Et après on dira qu’il n’avait endossé la chemise brune ?
Le livre paru et fut un grand succès.
Un critique du nom de Robert Desnos écrivit : « Ses colères sentent le bistro et en cela il est, comme beaucoup d’hommes de lettres, intoxiqué par la moleskine et le zinc. »
Le Docteur Destouches fut piqué au vif.
Il envoya – par voie d’huissier – une sommation… d’avoir à insérer la réponse. Extrait : « Votre collaborateur est venu dans votre numéro du 3 mars 1941 déposer sa petite ordure rituelle sur les Beaux Draps. (….) M. Desnos me trouve ivrogne « vautré sur moleskine et sous comptoir, ennuyeux à bramer. »..(…) Soit ! Moi je veux bien, mais pourquoi M.Desnos ne hurle-t-il pas le cri de son cœur, celui dont il crève inhibé… « Mort à Céline et vivent les juifs ! » M. Desnos mène, il me semble, campagne youtophile. (….) Mieux encore, que ne publie-t-il, M.Desnos, sa photo grandeur nature, face et profil, à la fin de tous ses articles.(….) L.F.Céline »
En février 1944, Robert Desnos est arrêté, puis acheminé au camp de Flöha en Saxe. On retrouvera son corps au camp de Terezin. Sur lui on trouvera le manuscrit de son dernier poème à « Siramour », Youki, son Amour sa Sirène : (…) « Il me reste d’être l’ombre parmi les ombres – D’être cent fois plus ombre que l’ombre – D’être l’ombre qui viendra et reviendra - Dans ta vie ensoleillée. »
Dans les années 1950 Céline gémira qu’on lui avait fait des « ennuis pour des bagatelles »…. Quel geignard ! quelle crapule !
Il est de bon ton qu’il faudrait republier les pamphlets. Au nom de la littérature ! Elle a bon dos la Littérature…
Lisez ou relisez Robert Desnos ! Peut-être y trouverez-vous la Liberté et l’Amour…
(Oeuvres, Gallimard coll. Quarto 1999)
J’ai réalisé en hommage à Desnos ce tableau intitulé Bagatelle pour un Poète
Jordi Viusà