Winston Churchill, le plus grand amateur d'Havanes, a bien failli mourir à Cuba. Par chance pour lui et pour son pays d’origine la Grande Bretagne, le projectile tiré par un insurgé cubain est passé à 30 centimètres au-dessus de sa tête. C’était, en quelque sorte, le cadeau d’anniversaire fait par l’Armée de Libération cubaine à l’officier de la cavalerie britannique.
Le 30 novembre 1895, alors que Churchill venait fêter son 21ème anniversaire dans la province de Sancti Spíritus, la seconde guerre d’indépendance cubaine commençait à faire trembler le gouvernement espagnol. Le jeune militaire resta que quelques semaines sur l’Île mais, avant de partir, il prédit de façon clairvoyante que les États-Unis allaient prendre part à la lutte.
Observateur dans l'Armée Espagnole.
Churchill est arrivé fin novembre à La Havane en compagnie de son ami Reginald Barnes. « La ville et le port nous ont offert une vue magnifique à tout niveau », écrivit le jeune officier qui se sentait des airs de capitaine Silver, le protagoniste du roman de Stevenson « L’île au trésor ».
Après avoir goûté aux plaisirs des Havanes qu’il ne lâchera plus, il se présenta aux autorités locales. L’ambassadeur britannique en Espagne, Sir Henry Wolff, était un ami de la famille et l’avait recommandé au gouverneur de l’Île. Quelques jours plus tard, Churchill et Barnes prirent le train en direction du centre du pays où l’armée du général cubano-dominicain Máximo Gómez causait des maux de tête aux Espagnols.
Durant le voyage, ils conversèrent longuement avec Arsenio Martínez Campos, la capitaine général de l’Île qui était devenu célèbre pour son rôle de pacificateur lors de la précédente guerre entre 1868 et 1878. Martínez Campos avait alors convaincu les mambises (guérilléros antiespagnols) d’accepter l’arrêt des combats en échange d’une plus grande autonomie du pays (sans pour autant aller vers l’indépendance). Après plusieurs années d’accalmie, les Cubains étaient retournés sur le champ de bataille à l’appel du général Antonio Maceo, un des seuls chefs rebelles à n’avoir jamais accepté la capitulation.
Le 28 novembre, Churchill et son compagnon s’incorporèrent aux troupes du général Álvaro Suárez López qui opéraient dans la région de Sancti Spíritus. Ils y restèrent deux semaines. Quelques années plus tard, l’Homme d’État qu’il était devenu relata son expérience dans ses mémoires :
« Nous ne connaissions pas les qualités de nos amis, ni celles de nos ennemis. Nous n’avions rien à faire dans leurs querelles. C’est pourquoi nous ne pouvions légitimement pas prendre part aux combats, sauf pour nous défendre. Mais je sais que j’ai vécu un grand moment de ma vie, un des meilleurs par lequel je suis passé. »
Le jour de son anniversaire, une balle faillit transformer son aventure en tragédie. C’est à ce moment qu’il commença « à adopter une position plus analytique de la situation ». Toutefois, le voisinage de la mort et la vision d’un combat sanglant sur des terres étrangères n’ont pas affaibli sa vocation militaire.