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Violeta, la mère du folklore chilien

Publié le 07 novembre 2011 par Anthony Quindroit @chilietcarnets

Angel Parra portrait

Angel Parra raconte ses souvenirs d'enfance aux côtés de sa mère Violeta Parra, grande artiste chilienne engagée dans la sauvegarde du folklore (photo DR)

Des cuecas, des tonadas, des parabienes, des villancicos. Des milliers de kilomètres parcourus, des centaines de bobines, environ deux milles chants consignés précieusement dans des carnets. Et une femme. Violeta Parra. Violetita pour les amis. Une Chilienne bohème et avant-gardiste. Une femme qui a passé la plus grande partie de sa vie à préserver le folklore chilien et à le faire vivre dans son pays et par-delà les frontières. Artiste de caractère, elle a inspiré des chanteurs, des auteurs de renom. Violeta était aussi une mère étonnante. Cette vie, ces différentes facettes, son fils Angel Parra les raconte aujourd’hui dans un livre :  Violeta Parra, ma mère.  Ce témoignage est désormais disponible en français. Au Chili, il en est à sa dixième réédition. L’auteur, lui-même chanteur, musicien et défenseur du folklore, raconte sa jeunesse, le combat quotidien de sa mère. Sobre et touchant, il dépeint un Chili qui aurait probablement disparu si Violeta n’avait pas remué ciel et terre pour l’enregistrer.

Votre mère est décédée en 1967. Pourquoi ce livre maintenant ?
Angel Parra : « Il est venu au moment où il devait venir. Avant, elle était là avec moi. J’étais un adolescent. Puis, j’ai voyagé, j’ai eu des enfants, il y a eu le coup d’Etat, les dix-huit ans d’exil. Je n’ai pas eu le temps, j’étais emballé dans la vie. Et, il y a sept ou huit ans, j’étais au calme dans mon esprit. J’ai commencé à écrire et un jour j’ai mis le point final. »
Les histoires sont anciennes. Vous aviez gardé des notes ou vous fonctionner à la mémoire ?
« C’était ma vie, mon enfance que j’écrivais. J’avais tout. Raconter sa vie, c’est facile. Comment le faire, c’est autre chose. J’ai choisi de n’être ni dans la biographie, ni dans la radiographie ou l’écographie. Violeta est un personnage. Il fait maintenant partie du folklore chilien. Tout était là. »

Violeta Parra portrait

Violeta Parra, une femme libre et engagée dont l'influence se ressent encore aujourd'hui (photo avec l'autorisation d'Angel Parra)

On a le sentiment que Violeta était très avant-gardiste. Comment vous, ses enfants, vous placiez-vous dans cet univers ?
« C’était une femme révolutionnaire, très en avance sur son temps. Ce livre, je l’ai fait par amour pour elle, pas pour rendre justice. J’avais conscience que c’était exceptionnel. Chez mes copains, Pablo Neruda ne venait pas dîner. J’avais une relation  »mère-fils » mais je me rendais bien compte que c’était quelqu’un de spécial. Elle m’accompagne toujours. Dans mes rêves, elle est souvent présente. Et sa vie a influencé la mienne et celles de mes enfants aujourd’hui. Mon fils travaille la musique, ma fille vient d’enregistrer un CD sur lequel elle reprend des chansons de sa grand-mère. »
Quelle importance son travail a-t-il eu sur le folklore chilien ?
« C’était un monde en train de disparaître. D’autres musiques arrivaient de l’étranger. Elle est venue vers ce folklore d’abord pour elle-même. « Ce sont les chants de mon enfance », répétait-elle. Elle est allée à la rencontre des gens pour revivre ces chants à l’état pur et vivant. Et elle a voulu gardé des traces. Au final, ce sont deux milles chansons et des kilos de bandes magnétiques enregistrées. Sans soutien. L’Université du Chili n’a jamais voulu aidé, malgré les promesses. Mais elle continuait. Et les gens ont été ravis que l’on s’intéresse à cela. Elle voulait que vive le patrimoine chilien. « Nous n’avons pas le tango argentin. Mais nous avons une personnalité » : cette « personnalité » chilienne, elle voulait l’entretenir. »
Elle semble toujours contemporaine…
« Et elle l’est complètement. Quand on en parle, c’est toujours une source d’inspiration pour beaucoup d’artistes, de Camila Moreno à Manuel García, en passant par Pascuala [de jeunes artistes chiliens, NDLR]. Il y a même un grand festival durant lequel des gens de tout le Chili viennent chanter les chansons de Violeta. On ne compte plus le nombre d’écoles, de clubs, de groupes folkloriques qui portent son nom. Et j’en suis fier. Ce qu’elle faisait lui tenait à coeur. Et elle répétait, à nous, ses enfants, que son travail serait reconnu : « Ce que je fais, ce n’est pas pour vous. C’est pour le peuple chilien. » Le peuple a suivi. Elle est devenue une part de ce folklore. »
Vous êtes nostalgique de cette époque ?
« J’ai du respect pour la nostalgie. C’est un sentiment qui permet de se rappeler que l’on a un passé et de se trouver un futur. Pas la mélancolie. »
Vous ne vous étalez pas sur le suicide de Violeta.
« C’est une volonté. Par respect. Qui suis-je pour donner une opinion sur son choix. Il n’y a rien de spécial à en dire. »
Reste-t-il un peu du Chili de Violeta quand vous retournez là-bas ?
« Oui, à chaque fois que j’y retourne, je vais en Patagonie, dans le grand Sud. Ou dans le Nord. Il faut s’éloigner de la frivolité et des mass-médias de Santiago pour en retrouver. Les temps ont changé. Mais il faut continuer à s’impliquer, à faire des chansons. Des chansons d’amour. Des chansons politiques aussi. »

Violeta, la mère du folklore chilien

Violeta Parra, ma mère, par Angel Parra, aux éditions Ecriture, 208 pages, 18,95 €.
En bonus, l’une des chansons les plus connues de Violeta Parra, Gracias a la vida :


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