Décès de Pierre Cointreau : nécrologie du Comptoir

Publié le 07 novembre 2011 par Pierre

Petit-fils d’Edouard, arrière-petit descendant du mythique Marc-Albert de Cointereaux, le créateur du fameux Cointreau, Pierre Cointreau, président d’honneur du groupe de vins et spiritueux Rémy Cointreau, est décédé lundi 31 octobre 2011 à l’âge de 90 ans. Son foie a été conservé par l’Académie des Sciences pour de plus amples analyses.

La marque angevine Cointreau a su obtenir au travers des âges le respect des piliers de comptoirs mondains, de New York à Tokyo, en passant par Londres et Moscou. Placé en haut de l’étagère, à côté du Whisky Jack Daniels ou du Cognac Henessy, le Cointreau répond toujours présent, parfois avec une légère couche de poussière, mais n’en reste pas moins une valeur sûre, une valeur refuge en ces temps de crise.

Longtemps mal-aimé, dénigré pour des alcools plus tendance, le Cointreau est devenu en quelques années l’alcool à la mode. Qui n’a jamais bu un cocktail à base de Cointreau ? Prenez le cocktail Deauville par exemple : versez directement dans votre bouche 1/4 cognac vieilli, 1/4 calvados, 1/4 Cointreau et 1/4 jus de citron ; fermez le bec et secouez la tête. Respirez. L’effet Cointreau. Contre la crise. Contre la vie chère. Contre les référendums.

Face à ce succès, et comme le Coca-Cola, jamais la recette du Cointreau n’a été révélée. En fouillant dans les effets personnels de M. Cointreau, notre reporter, Jacky Molard, a su retrouver cette recette si magique. Prenez 1 orange non traitée, 50 cl d’alcool à 90°, 70 cl d’eau et  300 g de sucre en poudre. Trouvez un bocal hermétique et suspendez l’orange par un fil à quelques centimètres de l’alcool. L’orange ne doit pas toucher l’alcool et les parois du bocal. Refermez le bocal et laissez reposer pendant 21 jours. Dissoudre le sucre dans l’eau en chauffant dans une casserole. Mélangez l’eau sucrée à l’alcool (vous pouvez jeter l’orange ou la manger si vous êtes motivé !!!). Filtrez la préparation puis mettez en bouteille.

La légende raconte que cette recette est née à la fin du 18ème siècle. Marc-Albert de Cointereaux s’amusait à suspendre des oranges dans une grande marmite remplie d’eau. Sa cuisine ayant pris feu, le breuvage s’alcoolisa spontanément par ébullition des oranges. Marc-Albert eut l’opportunité de goûter le contenu de la marmite et décida – inspiration géniale !!! – de le reverser dans une grande bouteille carrée.
La bouteille fut conservée, transmise de génération en génération, jusqu’à Pierre Cointreau qui fit de la potion un véritable best-seller pour les amateurs d’alcools.

Rendons hommage à Pierre Cointreau. Aujourd’hui, la bouteille carrée Cointreau a perdu sa couche de poussière. Pierre Cointreau a su lui ménager une place de choix dans les rayonnages de la World Food Company, aux côtés de Ronald Mac Donald’s ou du Géant Vert de General Mills.

« The death of a giant » Tel est le titre de l’article sur trois colonnes que lui a consacré le Wall Street Journal le lendemain de sa mort. Pierre Cointreau était un businessman d’envergure internationale et le chiffre d’affaire de la PME devenu multinationale dépassait allègrement le budget du département du Maine et Loire et toute la région vivait sous perfusion du groupe Rémy Cointreau : café cognac au petit déjeuner, Cointreau en apéritif et digestif à midi, goûter à la confiture de Cointreau, diner et tout ce qui suit…

Mais Cointreau c’est aussi l’international, des audaces boursières, des « joint-ventures » opportunistes et une stratégie « spiritueux haut de gamme » (Rémy Martin, Louis XIII) qui ont fait de  la marque « Rémy Cointreau » un membre respecté du club CAC 40 traitant d’égal à égal avec les fleurons français tels que Peugeot, Michelin ou encore Pernod…

Chaque année au forum économique mondial de Davos, les « soirées Cointreau » étaient les plus prisées. Jacky Molard a vécu une de ces soirées, il témoigne : « L’ambiance s’électrisait, un frisson parcourait l’assistance et tous les décideurs économiques frétillaient quand Pierre Cointreau et son armada d’hôtesses en bikini faisaient leur apparition aux alentours de minuit. Le cow-boy angevin (et ses muses dénudées) montait sur le bar en santiags, stetson sur la tête, bouteilles de Rémy Martin accrochées au ceinturon, et au top départ que le patron français donnait lui-même, tout le gratin économique de la planète se fracassait la tête à coups de shots de Cognac Louis XIII « made in France » ! C’était hallucinant… ».

George W Bush aurait même survécu à son étouffement au Bretzel non pas en enfilant un verre de Bourbon mais bel et bien une grosse rasade de Cointreau ce que la Maison Blanche n’a jamais voulu officiellement confirmer, patriotisme économique oblige.

Crise économique, crise cardiaque. Mais c’est bien la crise économique qui a eu raison du cœur de Pierre Cointreau. Le foie était encore bien conservé – bien rosé parait-il – mais le cœur n’a pas survécu à la crise économique de 2008. Stress à Wall Street, marchés fous et crise de l’euro sont venus à bout de la santé du patriarche.

Il nous restera l’image d’un grand homme, ayant servi la patrie avec hauteur et dignité, lui qui aura gardé, jusqu’à son dernier souffle, les pieds dans la bouse Angevine pour rester proche de la réalité et ne pas céder son entreprise aux mirages de l’économie mondiale dérégulée et virtuelle. Les usines sont encore en FRANCE et Pierre Cointreau laisse à ses héritiers un Empire de l’alcool en bonne santé financière, des bouteilles à gogo, et des recettes au Cointreau désormais inscrites au patrimoine culinaire français. Il était question d’un hommage national aux Invalides mais le locataire de l’Elysée, qui ne boit que de l’eau, a refusé…

Pierre, Frédéric et François