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Où l’on vous propose de voter pour votre texte préféré sur le thème de la photographie !

Par Samy20002000fr

Depuis de nombreux mois, un étrange rituel a lieu dans le forum de Babelio…

Tous les mois en effet, de nombreux babelionautes novices ou confirmés se retrouvent dans notre forum non pas pour critiquer des livres ou  partager leurs coups de cœur littéraires du moment mais pour prendre la plume et nous dévoiler leurs talents d’écriture !

Où l’on vous propose de voter pour votre texte préféré sur le thème de la photographie !

Sur un thème donné, choisi en amont, ils doivent écrire un court texte et le publier dans notre forum avec pour seule contrainte d’utiliser ce mot dans leur texte ! Pour le mois d’octobre, il s’agissait, pour tous les participants, d’écrire un texte sur le thème de la « Photographie » !

Voici donc leurs textes, initialement publiés ici ! Lecteurs et participants, n’oubliez pas de voter ici pour votre texte préféré ! Les auteurs des trois textes préférés pourront proposer leurs mots pour le mois de novembre !

Les textes de nos participants :

Texte de LiliGalipette :

Elle est tombée d’un livre oublié. Je pensais l’avoir perdue au gré des appartements. Voilà qu’exhumant un carton de vieilleries, je retrouve l’instantané d’une seconde de jeunesse.

C’était nous deux dans ce parc dont nos semelles connaissaient tous les cailloux. L’été enfin fini nous faisait aimer à la folie les feuilles mouillées qui collaient aux pavés. Dans un coin de la photo, il y a des arbres qui se dépouillent, qui apparaissent dans une émouvante nudité de branches. Il y a des troncs gris de pluie et de vent.

Au milieu, il y a nous. Nous étions aussi jeunes que tous nos espoirs et l’automne en marche ne nous faisait pas peur. C’est lui qui portait nos enthousiasmes. L’été nous avait brisés, mais novembre nous caressait. Je me rappelle que tu n’as pris aucune photo de nos vacances au soleil. Tu n’aimais pas la lumière qui sature l’image et les vies qui s’étalent sans pudeur. Moi non plus. Ces vacances dans le sud, nous les avions pris pour croire que nous pouvions être comme tout le monde. Finalement, nous aimions mieux n’être personne.

La photo est un peu floue en haut. La laine de mon bonnet blanc se perd dans une brume malhabile. Tu avais demandé à un passant de nous prendre en photo sous ces arbres fièrement vaincus. Et ton regard sur cette photo ne lâche pas ton cher appareil. Tu veilles à ce que le passant ne le fasse pas tomber. Alors tu n’as pas l’air tout à fait là, tu es légèrement en dehors du cadre, en hors-champ de cet instant.

À quoi pensais-je au moment où l’objectif nous a saisies ? Sûrement à la promesse de l’hiver, ces quelques mois magiques qui m’ont toujours rendue plus heureuse et plus belle. Aujourd’hui encore, je n’aime vraiment que lui, saison parenthèse pour certains, saison sincère pour moi. J’aime les nuits qui commencent à l’aube. J’aime les feuilles blanches roulées en boule à l’ombre des jours.

Cette année-là, tu as pris tant de photos de nous. Deux folles dans le jour déclinant, se brûlant les ailes aux réverbères de la ville. Toi et moi, nous n’avons jamais aimé que la nuit et le froid. Ce cliché qui s’effrite aux coins est l’épitaphe de nos allégresses. Demain, l’automne sera de nouveau là, mais jamais nous ne revivrons l’insouciance de celui que la pellicule m’a rendu aujourd’hui.

Texte de pierresanchez814

C’est parti d’une respiration plus fine, c’est parti d’un soir où j’avais regardé une photographie alors qu’elle elle dormait, le corps totalement enroulé dans un drap, la bouche ouverte, les lèvres offertes, un filet minuscule et divin de salive pendu à leur bord.

Et puis je l’ai décidé au petit matin, après le sommeil, après la nuit courte, après l’enchantement de son corps, entre 4h30 et 5h30 du matin, précisément. Je l’ai décidé au moment du grand crème que je m’étais préparé, celui que je bois au lever chaque jour qui démarre, quand rôde tout autour du silence de l’aube le besoin d’écrire, celui de prolonger ou de commencer un livre, quel qu’il soit.

Au départ c’était une simple photographie de la mer, certainement une plage bretonne ou normande. Rien d’autre qu’une vue d’océan. Seulement, cette fille, étonnamment, j’ai voulu d’emblée lui donner un nom de grandeur. Faut dire qu’au bout de trois nuits à peine je ne voyais aucun doute à sa beauté, aucun voile. Je ne voyais aucun doute non plus quand à l’espace qu’elle occupait, déjà.

Comme je la distinguais de n’importe quel endroit où je me trouvais j’eus la certitude très vite qu’elle aussi était une vue envahissante, prenante, une vue dont on ne peut détourner le regard. J’ai posé la photo sur la table de la cuisine près de ma tasse, il faisait nuit noire par delà la fenêtre au dessus du four, il devait être 5h30 du matin, ou presque. Dans l’évier j’ai fait couler un peu d’eau sur de la vaisselle sale.

C’est venu comme une évidence. J’ai mis peu de temps à rassembler les quelques affaires dans un sac. Je l’ai laissé dormir jusqu’à ce qu’elle se réveille. Et puis on est parti, sans rien lui avoir révélé de l’endroit vers où on allait.

Plus tard dans la voiture elle m’a regardé, son visage, j’ai bien vu, a finit par me demander quelque chose. Il y avait du brouillard, le halo rouge de nos feux arrières nous poursuivaient. Je lui ai répondu :

- Non, je ne connais pas le nom de cette plage, ce n’est pas moi qui l’ai prise cette photo, on finira bien par trouver.
J’avais pris soin de lui faire un petit trou en son haut, de lui attacher une fine ficelle. Maintenant elle trônait fièrement pendu comme un grigri en dessous du rétroviseur.
Elle a souri en la regardant, elle paraissait ravie. Elle était encore toute coincée, toute emmitouflée dans le drap qu’elle avait tenu à emporter dans la voiture.
- Et si on ne la trouve jamais, me dit-elle ?
- Elle existe, on trouvera forcement.

… On est parti donc de cette manière là, un matin tôt vers le nord ouest. On a roulé d’un trait de Paris à Calais en empruntant l’autoroute. Et puis une fois arrivé là-bas on a piqué direct en direction des plages. À chaque fois qu’on en voyait une devant nous on la comparait avec celle de la photo. On riait souvent, parfois on s’arrêtait. Parfois quand l’endroit nous plaisait on prenait plus de temps. Mais on finissait toujours par remonter dans la voiture, une fois dedans on la fixait ensemble toujours de la même manière, en se regardant et en se souriant par alternance. Elle dansait un peu au gré des virages. Elle nous plaisait vraiment, ça se sentait…

Texte de Bibalice

Mais où donc est-elle
Et que fait-elle
Pourquoi son nez ainsi
Occupe mes jours
Et puis mes nuits
Mais pourquoi est-elle
Si loin de moi
Si loin d’elle-même
Je suis toujours
Couché près d’elle
Pourquoi dort-elle
Pourquoi pas moi
Mais pourquoi ses cheveux
Sont-ils comme ça
Blonds sur du brun
Longs et tout ça
Pourquoi ses hanches
Pourquoi ses mains
Pourquoi là où nous sommes
Ce brouhaha
Ces gens qui passent
Qui ne disent rien
Pourquoi la bière
Et surtout
Pourquoi ce teint
Sur la photo
J’ai l’air énorme
Énorme et vain
Pourquoi ce geste
Maintenant
Pourquoi plus rien
La photo est très belle
C’est grâce à elle
Mais que fait-elle
Et où est-elle
Sous la neige
Ou sous la pluie
Quelle heure est-il
Là où elle est
Et où je suis
Sur une photo
Un brin salie
Seul dans mon coin
Et elle aussi.

Texte de Lune

Marie aime l’automne dont les senteurs font frétiller ses narines. Dans la brume légère du jour, elle se réfugie enveloppée de laine odorante au tréfonds de ses souvenirs.
Assise en tailleur, le dos appuyé au gros coussin indien, elle fourrage à pleines mains dans un coffret patiné par les doigts familiaux qui l’ont usé de génération en génération.
L’odeur qui émane de la boîte sertie de fausses pierres précieuses aux éclats éteints s’accorde à cette saison qui embaume.
Surtout ne pas se laisser aller à la mélancolie coutumière de cette époque entre chiens et loups.
Ouvrir la boîte est un danger que Marie connait trop bien…
Le couvercle soulevé a laissé entrevoir le contenu : une famille, des photos sépia, des photos noir et blanc, des photos aux couleurs passées, des photos aux couleurs plus vives.
Chacune, à sa façon, raconte une histoire, des vies.
Un jeune regard accroche, porteur de l’espoir d’une vie qui se profile.
Un faible sourire raconte des doutes que l’on devine plus qu’on ne les connait.
Des visages figés du début du siècle passé interrogent un avenir dont Marie sait qu’il sera meurtrier.
Des images d’anciennes vacances, des jeux d’enfants d’un autre temps, des fêtes où l’on paraît toujours plus gai qu’on ne l’est, des communiantes malhabiles, des amoureux maladroits, des êtres qui ne sont plus, d’autres qui s’ébauchent.
Tant et tant que Marie a le tournis et qu’elle laisse glisser les épreuves entre ses doigts engourdis par la nostalgie.
Non, décidément, il n’est pas bon d’associer l’automne aux anciennes photographies.
Marie referme la boîte, la range au fond de l’étagère, derrière les livres aux couvertures bariolées qui colorent la pièce d’un éclat estival.
Marie tourne en rond parmi les souvenirs puis les chassent d’un revers de la main.
Elle se décide et s’en court vers l’air frais.
Elle rejoint le bois voisin pour admirer les couleurs safranées, les rouges déclinés, les ocres uniques, les tons pénétrants de ce mois d’octobre.
Marie n’a pas oublié son appareil photo.

Texte de hivanea :

Cachée derrière mon œil de verre,
je vois, je fixe et je garde.
Derrière mon objectif,
métalicum photographie,
Je vois la vie déclinée
en clichés magnifiques.

Qu’elle se colore ou qu’elle se fige.
Qu’elle surprenne ou qu’elle s’abrège.
Viennent toujours se poser sur mon nez
ses ailes translucides et éphémères.

Le temps à beau onduler,
étirer ses cordes au vent céleste,
j’aspire à les décrypter,
quitte à m’en faire tomber à terre.

Cachée derrière mon œil de verre,
je vois, je fixe et je garde.
Au soleil jouent les effets,
à l’ombre la lumière.

La nature muse éternelle
m’enivre de ses merveilles.
Des arbres que l’on croit immobiles,
aux oiseaux qui se posent en file
sur des liens électriques,
assurés d’un envol rapide.

La brume dense embusquée
à la ronde des espaces.
De la mousse à la bruyère,
toutes les senteurs de la terre.
La forêt enchantée, au chemin saccadé,
la mer… bordée de sable… sanctuaire.

Cachée derrière mon œil de verre,
je vois, je fixe et je garde.
Tes yeux mon amour,
pour ainsi regard doux,
le conserver toujours.

Les têtes, heureusement,
pas toutes blondes,
têtes pirouettes en mouvement.
Éclair d’un éclat de rire,
flous de délires.
Capture cadeau d’une moue
perdue au pays des rêves…

Cachée derrière mon œil de verre,
je vois, je fixe et je garde.
L’estompe des souvenirs qui s’égarent,
les traces des instants présents.

La preuve de ce qui fut un moment,
l’acte éternel rassurant.
L’allure rase du jour qui fut
et la litanie de la mue.

Tout ce qui évolue
lentement, sans page de garde.
Chaque pas posé devant
le vide en soubassement.

J’avance, les mains serrées,
jointes sur le corps docile
de mon appareil à déclics.
Il est ma vue, l’un de mes sens,
la continuité de ma présence…

Texte de Eleiwen :

Voici une heure que Charlotte s’affairait mais rien n’y faisait. Trop haut ou trop bas, trop proche ou trop éloigné. Une énième fois elle posa le cadre par terre et entra en réflexion tout en analysant méthodiquement la pièce. Après la sixième fois elle espérait encore que l’illumination lui vienne mais pour le moment elle se faisait désirer. Son regard se baissa sur le cadre : il était simple, d’une teinte claire il imitait à la perfection un vieux bois qui aurait lutté contre le temps. Ce n’était cependant pas le cadre que Charlotte voulait afficher, mais la photographie grand format qu’il contenait. Sur cette photo en noir et blanc s’affichait en premier plan l’angle d’un temple japonais à coté duquel fleurissait un magnifique cerisier. A l’arrière plan, sur fond de ciel bleu, se dressait le Mont Fuji avec son sommet enneigé. Charlotte rêvait de pouvoir visiter ce pays un jour, du coup lorsqu’elle était tombée sur cette photographie par hasard dans une boutique de la ville elle n’avait pu s’empêcher de l’acheter. Oui mais voilà, à quoi aurait servi cet achat si elle ne trouvait nulle part où placer le cadre ?! Elle se tourna, puis se retourna sans lâcher des yeux les murs de son appartement. A moins de déménager immédiatement pour un appartement plus grand, ce qui n’était pas prévu, il fallait absolument trouver une solution. Tous les murs étaient habillés, et comme pour tout, point trop n’en faut. La quête semblait veine, Charlotte était prête à abandonner lorsque le téléphone sonna.

« – Allô ?
- Charlotte ? Salut c’est Mathilde, je ne te dérange pas ?
- Non non pas du tout, tu me sauves se dit-elle au fond d’elle-même, comment vas-tu ?
- Ca va très bien merci. Dis moi, tu te rappelle le tableau que j’avais peins pour toi l’été dernier ?
- Oui bien sûr, il est en bonne place accroché face au canapé, répondis joyeusement Charlotte.
- Un professionnel à qui j’ai montré quelques uns de mes tableaux a aussi vu le croquis du tableau que je t’avais offert et il est vraiment emballé ! Il m’a proposé de le mettre en expo dans sa galerie, tu te rends compte ! cria presque Mathilde.
- Mais c’est dingue ! C’est vraiment génial !
- Oui c’est vraiment fou ! Mais le problème comme tu t’en doutes, c’est qu’il faudrait pour ça que je le récupère… Je sais ça ne se fait vraiment pas, je t’en ai fait cadeau, et ..
- Ne t’inquiète pas ! coupa Charlotte. Ce n’est pas un problème, on est amie non ? C’est une occasion en or pour toi, passe quand tu veux le chercher.
- Oh Charlotte tu es vraiment géniale je t’adore ! Je passe tout de suite !» répondis Mathilde tellement pressée qu’elle en raccrocha immédiatement le combiné.

Charlotte raccrocha, ravie de pouvoir aider son amie à obtenir sa chance. Elle alla de ce pas décrocher le tableau, et le posa… à coté de son cadre. Elle se redressa doucement un large sourire aux lèvres et fixa l’emplacement maintenant libre au mur. « Une bonne action est toujours récompensée » se dit-elle. Elle se baissa donc, pris le cadre en main, et l’accrocha là où une minute avant nulle place n’était libre pour lui.
Elle recula de quelques pas et contempla le rêve de sa vie sous la forme d’une magnifique photographie.

Texte de ulcgtbc :

Si il est vrai que la présence éphémère d’une Oeuvre artistique nous pousse plus que d’ordinaire à une « Symbiose virtuelle » avec l’objet et son environnement; tous les Musées, ou Salles d’exposition, devraient-ils nous définir des « Heures de pose » où tous serions autorisé-es à prendre une photographie, reflet, des objets exposés?

C’est justement pour revivre un peu de cette « Symbiose charnelle », voire la partager, pour combatre demain la mise en Tombe des dites oeuvres, que je réponds positivement à la prise de négatifs – de celluloïd ou de pixels – au sein de tous les Musées.

S’il y a certes la mise en mémoire officielle, qui contribue quelque peu à donner du budget au Musée ou à l’artiste, voire à créer quelques livres ou vidéos, et expliquer l’intention des créateurs; la photographie d’une Oeuvre est ou sera aussi une autre Oeuvre, dans son cadrage, sa mise en forme, et enfin lors de sa nouvelle présentation…

Un extrait de l’Oeuvre suffit parfois à exprimer son ensemble.
Par exemple, représenter une main suffit à présenter l’Homme dans son intégralité physique!
Donner à voir un Bout pour montrer le Tout est un jeu ouvert à la chasse photogaphique.

Par ailleurs, dans les Musées ou les Expos, les regardants sont tout aussi important que les régardés.

Orsay, Beaubourg, et Le Louvres autorisent déjà ces jeux de photographies en silence.

Dans les autres lieux, là où la lumière des icônes est encore très réservée, se pose l’envie du « Vol de l’image », ou plus exactement la question de « Copier » quelque peu une Oeuvre, le temps d un fugace instant, le temps d’un nécessaire cadrage, un temps au bout duquel l’oeuvre originale n’aura point bougée…
Libérez le geste du photographe dans tous les lieux de présentations d’objets d’ arts: peintures, sculptures, installations, pourraient facilement s’instituer lors de  » Jours de pose ».
Une telle organisation sur l’agenda des lieux-dits, pourrait même être subventionner par des sponsors, voire même par un ministère dit de la Culture puisque le « Jour de Poses » faciliterait une pratique et un échange « Plastique et culturel ».

Ne l’oublions pas la Photographie est née en France, et le « jour de Pose » y serait bienvenu !!!

Signé : Un Passeur d’images

Texte de MissG :

Aujourd’hui j’ai retrouvé une vieille boîte en carton qui dormait en haut d’une étagère depuis plusieurs années.
Je ne sais pas pourquoi, mais je l’ai prise, je me suis installée sur le tapis avec, je l’ai ouverte et c’est là que j’ai redécouvert toutes ces vieilles photographies.
Celles de l’enfance, de la plage l’été, de ma première bicyclette, de mon premier panier de crabes, des premières bougies sur le gâteau d’anniversaire, des Noël à la maison et des cadeaux au pied du sapin.
Toutes ces tranches de vie précieusement gardées, pour ne jamais oublier, pour se rappeler.
Sur beaucoup je souris et puis à partir de certaines, plus du tout, ou pas vraiment.
Et c’est là que je tombe sur elle.
Je la tiens en main et je la fixe.
Je voudrai la jeter, la déchiqueter, la broyer, l’incendier, tout ça à la fois pour ne plus jamais la voir.
La toucher c’est déjà trop et j’ai une brusque envie de lui vomir ma haine au visage.
Ca y est, le verrou a cédé.
Trop d’années à avoir ça sur le cœur, ça finit par peser l’absence, et même enfermée à double tour ça ne disparaît pas.
C’est toi qui as causé tout ça, à cause de toi que je ne souris plus et que j’ai fini par oublier que j’avais un jour été vraiment heureuse.
Tu ne m’as jamais rien dit, jamais rien expliqué.
J’étais trop jeune pour comprendre, et aujourd’hui sans doute trop vieille pour pardonner.
Car comprendre, ça je n’ai jamais pu.
Alors je suis là à te fixer, à te dévisager, à te redécouvrir.
J’avais oublié tes traits, tes yeux doux dans un visage impassible, la sévérité de ton expression, ton détachement.
Animal à sang froid, incapable d’aimer, voilà l’image que tu m’as laissée.
Le contraste est saisissant et l’artiste très doué pour t’avoir retouchée et déformée à ce point.
Tu seras presque belle, icône glorifiée pour l’éternité.
Mais je te connais et je sais qui tu es vraiment au fond de toi.
Alors je te défie et je te fixe.
Tu ne gagneras pas à ce petit jeu là, j’ai des années d’entrainement derrière moi.
Tu baisseras le regard la première, ou tu te consumeras sur papier glacé, mais je ne cèderai pas.
Fini la petite fille que l’on claque sur la main pour la rappeler à l’ordre.
J’ai cessé de t’obéir le jour de ta trahison.

Et là soudain, comme sur la photographie que je tiens en main, le temps se fige.
Puis un ressort s’enclenche et l’horloge du temps égrène ses heures, ses années à rebours.
Il y a vingt ans, jour pour jour, presque heure pour heure.

Fin des actualités du soir.
Porte qui claque.
Maman partie.

Texte de Thoxana :

En noir et blanc 

Ça, c’est Oscar à 5 ans. Comme à son habitude, il avait enfermé un insecte dans une boîte en plastique et le regardait s’agiter dans tous les sens pendant des heures… Il y prenait un malin plaisir. Il en attrapait sans arrêt et les regardait se débattre. Tout y passait : mouches, coléoptères, libellules, grillons, coccinelles, fourmis… Mais surtout, une fois qu’il se lassait de son nouveau « jouet », son plaisir était de lui arracher les ailes et les pattes. Alors là, il ne se sentait plus de joie ! Vraiment, je le trouvais un peu bizarre à l’époque.

Ça, c’est Oscar à 10 ans. Il avait un style improbable. Tout de noir vêtu, avec ses cheveux trop longs, ses yeux noirs et son sourire narquois. En plus, il passait son temps à nous tirer les cheveux, à nous les filles, ou à nous donner des coups de pied dans les tibias. Je n’ai jamais vraiment compris où il voulait en venir avec tout ça !

Ça, c’est Oscar à 14 ans. Là, c’était sa période un peu trash. Les pantalons trop larges et débraillés, les baskets abîmées, une épingle à nourrice sur son t-shirt… Bref, c’était le grand n’importe quoi ! Il écoutait du hard rock toute la journée. L’école, c’était une catastrophe ! Il traînait avec les zonards du quartier. J’avais vraiment peur de lui parler, même de le regarder. Il était plus qu’étrange…

Ça, c’est Oscar à 19 ans. Il était militant écologiste. Mais du genre radical. Il avait attaqué un baleinier avec des copains. Et il était monté sur le pont du bateau pour dire ses quatre vérités au capitaine. Même que ça avait mal fini, car ils en sont venus aux mains. Et du coup, il avait passé quelques jours en prison.
Ça, c’est Oscar à 23 ans. Il avait arrêté l’écologie à tous crins. Mais il n’avait rien trouvé de mieux que de se raser les cheveux façon skin-head. Et il s’était fait tatouer sur l’épaule gauche « No future ». No future, tu parles !! J’avais toujours peur de lui à l’époque. Quelle allure de brute ! On l’évitait avec les copines lorsqu’on se promenait dans le quartier.

Ça, c’est Oscar à 28 ans. C’est sa photo dans le journal. Juste avant le procès. On avait retrouvé une femme dans le canal, frappée de 12 coups de couteau. Forcément, vu qu’on habitait dans un quartier un peu louche, ça devait arriver… Le crime avait été particulièrement sanglant. On avait parlé d’un fou, d’un détraqué mental – ça arrangeait bien tout le monde ! L’enquête avait duré des mois. Et tout le canton en avait parlé pendant des semaines. Ah si je me souviens !!

Ça, c’est Oscar à l’issue du procès. La plus belle de toutes ces photographies ! Il était tout simplement radieux. Il faut dire qu’il était parvenu à faire acquitter son client ! Et pourtant, la partie était loin d’être gagnée ! Il avait réussi ce tour de force incroyable : trouver le coupable avant la police. Si je me souviens bien, c’était le cousin de l’oncle à la tante de la victime. Enfin, un truc comme ça… Le mobile du crime était tout simplement une vieille histoire d’héritage. Comme quoi, c’est toujours la même chose : avoir trop d’argent, ça ne rend pas forcément heureux!
Mais qui aurait dit qu’Oscar, cet enfant terrible, sauverait un innocent de la prison à perpétuité ? Pas moi en tout cas. Ah, sacré Oscar !

Texte de Nadael :

Dans le jardin de mes grands-parents trônait une petite baraque en dur qu’ils avaient coutume d’appeler le Stalag. Etrange nom qui ne signifiait absolument rien pour moi, du haut de mes huit ans. Brouette, râteau, marteau, bocaux, vélos, bêche, graines, arrosoir, chaises pliantes, pinceaux, planches et autres objets divers s’y cotoyaient dans un charmant désordre. Quand je n’avais pas école et que le temps n’était pas beau, j’aimais me réfugier dans cet endroit aux odeurs de peintures, de colle, de terre, de bois… je trouvais toujours une occupation intéressante, farfouillant deci-delà parmi ce joyeux bric-à-brac… Mon grand-père n’était jamais bien loin, à s’agiter devant son établi.
Un jour, je découvris une vieille boîte en fer blanc, posée sur un ratelier. A l’intérieur ; des petites photos en noir et blanc aux contours dentelées un peu jaunies, d’autres étaient en couleur, plus grandes et plus récentes, j’y reconnaissais sans peine des visages familiers. Très vite, je sentis mon grand-père se pencher au-dessus de mon épaule. Il se mit à détailler chaque cliché, me racontant ainsi sa propre histoire. J’en pris plein les yeux et les oreilles : les kilomètres qu’il parcourait en sabots pour se rendre à l’école, les parties de pêche avec Dédé dans la rivière d’à côté, la tronche de mes arrières-grand-parents – qui n’avaient pas l’air commodes -, sa passion pour le cirque – il traversait des cerceaux de feu -, les parties de pétanque avec ses copains, les croisières avec mamie, l’arbitrage de matchs de football à travers tout le département – il se rendait dans les stades à bicyclette, cela pouvait lui prendre des heures…
Puis, il regarda longuement une photographie en couleur ; on le voyait assis sur un banc entouré de tous ses copains, debouts. Il posa son gros doigt sur Maurice, que je connaissais. « Tu vois, me dit-il, celui-là il m’a sauvé la vie…s’il ne l’avait pas fait, tu ne serais pas là avec moi, aujourd’hui. » Et c’est ce jour-là que j’appris que mon grand-père avait été fait prisonnier dès le début de la seconde guerre mondiale et qu’il avait passé sept années de son existence dans un stalag – camp de travail en allemagne -. Evidemment, il ne m’a pas parlé de l’horreur, de la disette, des journées de travail harassantes, de la promiscuité, du manque d’hygiène, des copains qui disparaissent, des heures qui n’en finissent pas, des odeurs nauséabondes, et de l’attente interminable d’une éventuelle libération. Il m’a parlé de ses amis, des liens indéfectibles qui les unissaient à jamais.
J’ai revu cette photographie il y peu, tous ses copains sont partis désormais. Seul l’homme assis sur le banc demeure. Aujourd’hui, il partage la chambre d’un monsieur comme lui, plus capable de s’occuper de lui et de son corps, dans une résidence médicalisée pour personnes âgées. A quatre-vingt-treize ans, lucide mais si vieux, il voudrait tant partir : il me l’a dit. Sa boîte à souvenirs ne l’a pas suivie, remplacée par de nombreuses photos en couleur affichées sur le mur, près de son lit : ses enfants, ses petits-enfants, ses arrières-petits enfants. Il connait les prénoms et la date anniversaire de chacun. Grâce à ces photographies, il nous voit, il nous suit, il nous parle, il nous aime…nous ; sa famille : celle qu’il a créée.

Texte de DrJackal :

14 mars 2004

J’étais chez moi, seul, toujours seul d’ailleurs, le reste du monde m’a toujours fait peur, alors je me suis vite réfugié sur mon ordinateur, après tout on a tout se qu’on veux sans jamais voir personnes.
Je venais de faire mes courses sur un quelconque site de livraison a domicile comme tous les mois depuis…. longtemps maintenant. La livraison était prévue pour 16 heures cette après midi, et comme d’habitude je devrais ouvrir la porte pour laisser le livreur tout poser dans l’entré.
16H20, j’entends la sonnette (en plus il est en retard se con), j’ouvre et dit à l’ho… à la femme qui est devant moi de tout laisser sur l’entré de tout laisser la. Cette dernière se gratte fort la tête avant de me tendre la main (c’est un détaille me direz vous mais c’est de la que tout est partie) que je serais avec une mou de dégout avant de lui claquer la porte au nez pour tout ranger dans mon frigo et continuer a vivre en Hermite loin de la violence de l’homme.

18 mars 2004

Voilà que je me gratte la tête, surement l’autre conasse qui m’a refiler ses poux, je savais que je n’aurais pas du la toucher. Je passe ainsi toute une bonne partie de la mâtiné sous la douche avec se shampoing à l’odeur de pétrole qui pique les yeux et qui est censé éradiquer la vermine.

19 mars 2004

Je réitère le lavement de tête avec se peigne qui tire mes cheveux hirsutes pour enlever les derniers œufs de vermines. Si il existais le même pour tous ses hommes qui pullulent et risque a chaque moment de tuer leur semblable….

24 mars 2004

Je suis chez moi, j’ai de la fièvre et des frissons, enfin bon 40 c’est pas grand chose, et se mal de tête qui est la depuis hier se fait de plus en plus lancinant, des similis crampes dans les bras, enfin bon il ne me manque que la toux, remarque en fin d’hivers la grippe c’est normal. Je reste sous la couette et me pose devant mes livres. Vais pas non plus sortir voir le médecin pour si peu, un peu de guronsan et de dolipranne et ça passera.

26 mars 2004

toujours chez moi à écrire se journal, la fièvre persiste, et se matin j’avais du sang sur l’oreiller, je saigne du nez quasi en permanence, et en me regardant dans le miroirs j’ai le visage rouge et les yeux rouge, on dirais une tomate prête a exploser.
Dieu que j’ai mal, j’arrive même plus à sortir, j’avance mon livre difficilement, mais ça passera la grippe ça guérie tout seul, il suffit de beaucoup boire, d’ailleurs qu’es ce que j’ai soif en ce moment.

27 mars 2004

C’est pas possible je deviens fou avec cette fièvre; je me suis réveillé en trin de lécher le sole des toilettes, c’est de pire en pire. Mon nez n’en fini pas de couler, de ce liquide visqueux et rouge mais il a maintenant le goût du sang, et depuis se matin je vomis un liquide noir et visqueux.
C’est peut être pas la grippe finalement.

28 mars 2004

Dans Dr Quinn femme médecin à la télé ils ont parlé d’une maladie donné par les poux à la réserve indienne de Colorado Springs…
Je me décide à aller voir sur internet … et après quelque recherche je tombe la dessus:

Une fièvre importante et soudaine, de 39 à 40 °C, accompagnée de frissons
Des myalgies, douleurs musculaires
Des céphalées, maux de tête
Une agitation, et parfois un délire
Des nausées
Des douleurs abdominales
Une accélération du pouls
Une congestion du visage, qui apparaît rouge
Des conjonctives et une langue rouge
Un écoulement nasal rouge
Une soif intense s’accompagnant d’un dessèchement de la langue
Une fatigue intense est également présente
Une adynamie et une confusion: malade amorphe, avec troubles de la conscience
Des vomissements de couleur noire
Un ictère, jaunisse, s’intensifiant progressivement
Une diminution, voire absence totale de la quantité des urines
Un taux anormalement élevé de protéines dans les urines
Une hémorragie des gencives
Des pétéchies, petites taches cutanées rouge-violacé, dues à une infiltration du sang sous la peau
Un épistaxis: saignement de nez.
C’est peut être ça que j’ai finalement… le Typhus, Typhus à poux… Si c’est pas ridicule comme nom
En allant voir sur google image, je tombe sur cette photo, une bulle bleu surement une cellule d’ailleurs, remplis de micro-organisme rouge… je fixe cette photo comme devant être la dernière photo que mes yeux verront, elle simple sans fioriture d’ailleurs, seulement des battons rouges dans une bulles bleu claire, avec un centre bleu foncé… Je fini par tomber de ma chaise en éclatant de rire… Moi qui avais tant peur des humains et de leurs violences… me voilà tuer par un être invisible appelé Rickettsia prowazeki qu’un autre humain aurais pue m’aider a détruire…

5 Avril 2004
Appelé par les voisin à cause de l’odeur le corps du misanthrope fut retrouvé dans un état effroyable de décomposition, dans un mélange de liquide noir et rouge, la peau grêlé devant un écran montrant une cellule bleu pleine de bacille rouge, les services sanitaire fur dépêcher sur place pour éviter la propagation de la maladie dans le centre de Paris. Cela faisais pourtant 50 ans que cette maladie n’était pas apparu dans Paris, et c’était déjà le deuxième cas, après une livreuse qui avais été admise la semaine d’avant à la Pitié Salpetrière.

Texte de Lalynx :

Cliché de famille
Comme tous les matins, Irène se levait, mettait son peignoir, refaisait son lit et sortait de sa chambre.
Comme tous les matins, elle descendait le grand escalier de marbre décoré d’un tapis en velours rouge devenu pourpre avec l’âge.
Comme tous les matins, elle saluait son majordome qui lui amenait le petit déjeuner, repas sacré du matin, son journal et son courrier.

Contrairement aux autres matins, elle vit une lettre de sa fille. Sa fille … Cela faisait maintenant 4 ans qu’elle était sans nouvelles. Non pas que celle-ci n’essayait pas de reprendre contact avec sa mère restée seule dans sa grande demeure. Mais Irène, reniant sa seule enfant refusait toute approche. Cette dévergondée avait simplement bafouer les règles de la bienséance.

L’histoire avait débuté il y a cinq longues années. A ce moment là, Irène vivait seule avec sa fille, Marie-Joëlle, le père de celle-ci, Jean-Charles, étant décédé quelques années auparavant lors d’un tragique accident. La noblesse coulait dans leur sang. Marie-Joëlle, étant adulte, n’avait plus de précepteur pour l’éduquer mais devait continuer à apprendre à se comporter de manière appropriée pour une jeune fille de ce rang. Sa mère cherchait dans les domaines des alentours un jeune homme bon et de bonne famille qui accepterait la main de sa fille. Il lui fallait une descendance importante pour faire vivre sa lignée.

Lors de l’hiver, la demeure eut quelques problèmes d’électricité. Encore instable à ce moment, c’était un problème récurrent. L’électricien venait souvent. Et avant qu’Irène ait pu y comprendre quelque chose, Marie-Joëlle s’était entichée de l’homme en salopette. Leur amour caché avait duré, grandissant de jour en jour. En les voyant revenir à deux, Irène comprit ce qui se tramait dans son dos. Elle les sépara et enferma sa fille, en essayant en vain de lui expliquer qu’une famille aussi noble que celle-ci ne pouvait sortir avec un homme du peuple. Le soir même, Marie-Joëlle s’enfuit et parti épouser l’homme qu’elle aimait éperdument.

C’est dans cet état d’esprit qu’Irène prit l’enveloppe entre les mains, reconnaissant l’écriture caractéristique de sa fille. Généralement elle aurait déchirer directement cette lettre sans chercher à en savoir plus. Mais, cette fois c’était différent. Était-ce le poids exceptionnellement léger du courrier ? Ou bien l’écriture étrangement tremblante ? Ou une simple intuition ? Quoi qu’il en soit, pour une fois elle décida d’ouvrir l’enveloppe et d’en sortir le contenu. Pas de lettres manuscrites, pas de carte de vacances, rien de tout ça. Mais quelque chose de plus important encore. Une unique photographie.

On y voyait Marie-Joëlle, changée depuis ces 4 ans mais ce sourire si personnel, cette façon de regarder l’objectif. Même dans une photo en noir et blanc, reconnaissable entre toutes. A ses côtés son mari, tout sourire lui aussi. Celui-ci n’avait aucune importance aux yeux d’Irène. Dans les bras de Marie-Joëlle, un enfant. Il devait avoir 6 mois. Ses yeux, les mêmes que Jean-Charles, percèrent le cœur meurtri de la vieille veuve, s’apprenant grand-mère. Elle trouva derrière la photographie une adresse.

Comme tous les matins, après avoir lu son courrier, Irène alla s’habiller. Le reste de la journée allait être très différente des autres…

Texte de isallysun :

Où l’on vous propose de voter pour votre texte préféré sur le thème de la photographie !

La mer est calme et tumultueuse à la fois. On doute de la solidité du quai car l’image transmet trop de mouvement. Le ciel semble vouloir s’assombrir. Est-ce un parent qui est à la poursuite de l’enfant? Que pointe-t-il? Ou est-ce plutôt une course pour retrouver l’enfant qui semble s’apprêter à se jeter à l’eau? Mais bon, je ne vous décrirai pas toute l’image; vous avez des yeux comme moi pour l’observer. Mais saurez-vous vous arrêter assez longuement, immobile pour voir toute la beauté en elle? Trouverez-vous aussi les sentiments qui me transcendent en elle? Il n’a suffit que d’une seconde pour la saisir, mais de longues minutes pour s’arrêter et percevoir tout le mouvement, toute l’émotion qui se trouve dans une si simple image. Allez, que faites-vous à lire ce texte? Prenez une pause et saisissez la magie de l’instantané! Regarder en silence et laissez-vous bercer par la musique qu’elle vous transmettra. N’est-ce pas qu’elle est belle? N’est-ce pas qu’elle vous comble et vient vous chercher? Et dire qu’il ne s’agit que de pixels, que d’un simple moment journalier. Mais oh combien cette image se fixe dans mon cerveau et m’émerveille dans ces détails! Je vous avais demandé d’observer la photographie car je ne voulais pas me complaire dans la description de la lumière; d’ailleurs, ce que je voulais vous dire est que ce qui importe dans l’art, c’est de savoir s’arrêter pour trouver la lumière du moment et la lumière des sentiments!

Texte de johaylex :

Parce la nuit est poussiéreuse au sommet de cette armoire ;
Parce que les souliers sont si usés que seule leur boîte peut me faire rebrousser mémoire, retrouver les souvenirs oubliés le long du chemin ;
Parce que je regarde ces étrangers que je fus : ces femmes envolées du plaisir évanoui, ces adolescents à la rébellion sérieuse, ces enfants obturant la fosse de leur innocence rêvée ;
Parce je suis seul et que ces évènements défunts ont aussi droit à leurs couronnes mortuaires…

-« Pourquoi fermes-tu les yeux ? »
Elle s’appuie à la rambarde, embrasse la lumière oblique qui fait scintiller son visage moite, chaque goutte de sueur perle en un éclat de diamant, et ma salive se fige quelque part entre le désir et la timidité.

-« Je photographie cet instant, je veux le conserver intact… »
Ses bras tendus lui donnent une allure de danseuse classique dans un exercice maîtrisé de barre au sol. Qu’elle projette son buste vers le vide, vers moi, qu’elle se cambre vers l’arrière, qu’elle offre son cou à mes lèvres ; que je l’enlace, que je l’embrasse ; que ma peau en garde l’empreinte plutôt qu’elle ne s’inscrive sur papier brillant !

-« Tu n’as même pas d’appareil !? »
Et au fond de moi, je me demande si j’existe dans l’instant qu’elle photographie, si elle se souviendra aussi de mon visage à lunettes embuées de maladresse ou si elle retiendra seulement que c’était une belle journée de fin du printemps. Ses joues ruissellent du sucre de la pomme caramélisée qu’elle a croquée, et je sais qu’aucun appareil ne pourrait retranscrire l’odeur envahissante de confiserie ni mes doigts qui ont un peu collé à sa peau lorsqu’elle les a gentiment écartés en se refusant à ma tentative de baiser.

-« Tu manques d’imagination, c’est tout… »
Sans doute en ai-je bien trop car je resserre le col de ma chemise et réprime une quinte de toux sur l’automne qui viendra bien trop tôt. Je ne suis pas dans son cadre. Elle s’imprègne autant de cette après-midi que d’elle-même, et mes yeux brûlent de ce flash qui m’ignore, qui la fige en lumière, qui me laisse en contre-jour…

Je savais déjà trop bien ce à quoi correspond un souvenir, je n’avais plus rien à devoir imaginer…

Je replace la boîte à chaussures au milieu de son vide environnant en ayant remis en ordre les feuilles éparses que je griffonnais si seul les nuits de déception.
J’y ai ajouté une nouvelle page ce soir : elle tiendra compagnie aux maux écrits autrefois.
Je pourrai les retrouver à la prochaine désillusion. Les photographies emprisonnant ces moments sont derrière mes paupières mouillées.
Cachées…

Texte de stefferon :

Photographie
Fige la vie
Les enfants restent petits
Les anciens sont toujours là
Paysages ou grimaces
Clin d’œil ou grands espaces
Instants fugaces ou oeuvre d’art éternelle
Sur papier glacé le sujet devient immortel
Tristesse ou sourires
Souvenirs

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