Cette affaire de Tabaski m'a beaucoup marqué en tout cas. En effet, trois jours avant le weekend, la ville était en surchauffe. Non seulement il faisait très chaud (la saison des pluies est terminée) mais en plus les salariés ont touché leur salaire. Marchés, supermarchés et boutiques sont pris d'assaut. Je ne vous explique donc pas les embouteillages qu'il y a eu à Abidjan la veille de la fête. Impossible de circuler parfois sur certains axes. Que ce passe-t-il au juste? Ai-je demandé à mon chauffeur de taxi.
- "Tout le monde est sorti pour acheter son mouton!"- Aah!?- Mais mouton est chèèèèèr!En effet, même les journaux affichaient en titre le prix excessif des moutons en vente pour la fête au prétexte qu'il n'y en avait pas assez.Sur la première page d'un autre journal je pouvais lire: "Mouton est cher, mais chacun aura son mouton". Aiie? Ca c'est quelle déclaration ça? Et mon chauffeur de déclarer; "Ah ça! Tchoco tchoco, on aura mouton!"Lorsque je rentre chez moi, que vois-je? Un mouton accroché à un arbre juste devant chez moi. Le voisin qui n'a pas d'arbres devant chez lui, n'a rien trouvé d'autre que d'accrocher son repas devant chez moi. Je n'ai jamais entendu de repas aussi bruyant cette nuit là!Le mouton devait savoir que si on l'avait déplacé jusque là, ce n'était pas pour lui offrir des vacances ou lui faire apprécier le paysage. Il devait savoir que ses jours étaient comptés. Il ne comprend peut-être pas la langue des êtres humains, mais quand il s'agit de la mort, je pense que tout bon mammifère, reconnait la chose quand elle s'annonce.Le mouton bêle. Il bêle et bêle sans arrêt. Je me tourne et me retourne dans mon lit, en espérant qu'il se fatigue et qu'il s'endorme. Que nenni! Il y va de plus belle. Impossible de fermer l'oeil.Deux heures plus tard, je me décide à sortir. Je regarde à gauche et à droite, camouflée sous un long drap noir. Ma mission: Ballonner ce mouton.
Première phase de l'opération:
L'intimidation. Je m'approche l'air menaçant. Le mouton ne prête pas attention. J'analyse la situation... on dirait que ça ne sera pas facile.Je regarde le mouton, le mouton me regarde. On se jauge, mais lui me nargue. Carrément! Deuxième phase de l'opération: L'attaque. Je jette mon drap noir sur le mouton, il se débat et court dans tous les sens, oubliant qu'il est attaché avant de se jeter de tout son poids, tête la première dans le tronc de l'arbre. Héh! Mouton est bête oh! J'avais gagné ma bataille. Toute fière de moi, je retourne me coucher. Le lendemain matin, ma voisine musulmane sonne chez moi et me tend une boite avec des morceaux de mouton qu'elle partage avec le voisinage comme il est de coutume.Je me retrouve là, à contempler Hubert (c'est ainsi que j'avais surnommé le mouton). Il était là. Dépecé. En position de faiblesse. Moins un et j'allais ressentir de la pitié quand une odeur alléchante de méchoui m'a chatouillé les narines. Je ne pouvais pas laisser! Je me souviens alors de son regard hautain lors de notre confrontation la veille. En remerciant ma voisine, je me suis dit au fond de moi: " La vie n'est rien dêh! Mais tchoco tchoco, j'ai eu mon mouton aussi".Bonne fête de la Tabaski!