Depuis quelques huit jours, les rumeurs des plus farfelues aux plus folles, nourries par la désinformation systématique orchestrée par les autorités et certains scientifiques sur la réalité d'une prochaine éruption surtseyenne au large de La Restinga et de Puerto Naos, circulent tant sur l'île El Hierro que dans toutes les Canaries. Et la venue, dans les eaux de la Mer de Las Calmas et dans celles de la baie de El Golfo, du navire océanographique, le « Ramon Margalef » bardé de deux robots munis de caméras, -Liropus 2000 et traîneau photogrammétrique -, n'est pas pour apaiser les esprits, tout au contraire, d'autant que le matériel employé pour cartographier les fonds marins ne supporte pas les températures supérieures à 30° C qui entraineraient leur dégradation ou leur destruction... En conséquence, les données recueillies sont plus ou moins faussées(1) du fait de leur grand éloignement de la zone éruptive...
Comprendre l'éruption sous-marine de Capelinhos et ses conséquences.
Tout comme cela s'est produit, en 1957, au Capelinhos, à 800 mètres au large occidental de l'île portugaise de Faial, dans l'archipel des Açores, et en 1963, à 2 kilomètres au large Ouest-Sud-Ouest de l'île islandaise inhabitée de Geirfuglasker, dans l'archipel des îles Vestmann, une éruption volcanique sous-marine, à faible profondeur, modèle et modifie le paysage ennoyé, au large Sud-Ouest de la Restinga, du socle de l'île-volcan El Hierro.
Géologiquement, l'édifice volcanique Capelinhos, situé à Ponta Capelinhos, fait partie du complexe volcanique de Capelo, composé d'environ 20 cônes de scories, - et leurs déversements laviques -, sur un alignement de roches volcano-tectonique d'orientation générale Ouest-NordOuest/Est-Sud-Est. La bouche éruptive est restée active durant 13 mois, entre le 27 Septembre 1957 et le 24 Octobre 1958. Jalon important dans la compréhension de la volcanologie mondiale, l'éruption de type capelinhien(2) du Capelinhos « fut une éruption sous-marine correctement observée, documentée et étudiée, du début à la fin.(3) » Elle fut précédée d'une crise sismique débutant dès le début du mois de Mai 1957 et atteignant son paroxysme du 16 au 27 Septembre avec plus de 200 tremblements de terre de magnitude comprise entre 3.5 et 4.9 sur l'échelle ouverte de Richter et d'intensité maximum de niveau V/VI sur l'échelle de Mercalli.
C'est un chasseur de baleine qui observe, le 23 Septembre, la première manifestation de l'activité volcanique : apparition d'une zone de remous, - « l'eau commence à mijoter » -, à la surface de l'océan, à environ 800 mètres du rivage en direction de l'Ouest. Ce jacuzzi est du à la remontée de bulles libérant des gaz. Le 26 Septembre, l'activité s'accroit avec une première explosion et des émissions de cendres volcaniques noir de jais s'élevant à 1.000 mètres d'altitude, - altitude maximale de 1400 mètres -, et le 27 Septembre la colonne volcanique dépasse quatre kilomètres d'altitude.
Les différents produits pyroclastiques éjectés par les fortes explosions s'accumulent et forment, dès le 10 Octobre, une petite île en forme de fer à cheval ouverte sur son sud-ouest, « l'Ilha Nova », - ou « Ilha dos Capelinhos », ou « Ilha do Espírito Santo(4) » -, atteignant rapidement 600 mètres de diamètre et 30 mètres d'altitude. L'éruption, violente, génère une pluie constante de cendres et de bombes volcaniques, sur l'île de Faial, qui détruit les récoltes, les maisons et les infrastructures îliennes et force à l'évacuation des habitants vivant à proximité de la nouvelle bouche éruptive. Cette première petite île s'écroule, dans le cratère, le 29 Octobre.
Après une légère accalmie, le 4 Novembre, l'éruption se réactive et forme, rapidement, une nouvelle île et, le 12 Novembre, un isthme la rattachant à l'île de Faial. L'activité éruptive, lors, augmente progressivement et atteint son paroxysme au cours de la première moitié du mois de Décembre, le nouveau cône volcanique, approchant les 800 mètres de diamètre et les 99 mètres d'altitude. Le 16 Décembre, consécutivement à une nuit de pluie torrentielle et d'une abondante chute de cendres, l'activité explosive cesse. Des coulées de lave basaltique apparaissent. Concomitamment, ponctué par des explosions avec jets de cendres, blocs de pierre et bombes volcaniques, le sol vibre continuellement sous l'effet du trémor harmonique.
Ponctuée par des affaissements et des rehaussements du cône volcanique, de Janvier à Avril 1958, l'activité sous-marine se poursuit et produit, en de nombreuses occasions, des panaches cypressoïdes typiques des éruption capelinhiennes, des nuées ardentes et des plumes blanches ou marron. Le manteau de cendres et de téphras recouvre, sous plusieurs mètres d'épaisseur, la presqu'île Capelhinos et les zones adjacentes enterrant et ruinant les maisons et les infrastructures agricoles. Après une violente crise sismique, dans la nuit du 12 au 13 mai(5), plus de 450 tremblements de terre étant recensés et enregistrés, des réajustements profonds se produisent dans le corps de l'édifice volcanique et tectonique et, l'émission de lapillis augmentant sensiblement et un lac de lave faisant son apparition, l'éruption devient strombolienne à partir du 14 Mai. Parallèlement, des fumerolles sont détectées au niveau basal de la « chaudière », volcan central de l'île de Faial, émettant une vapeur d'eau a forte odeur de soufre et de la boue bouillante.
L'éruption strombolienne se poursuit, jusqu'au 24 Octobre 1958, essentiellement, avec l'émission de coulées de lave pahoehoe et aa(6) qui construisent peu à peu le cône volcanique toujours visible. Depuis lors, le dégazage, le refroidissement et l'érosion ont pour effet de faire perdre la moitié de sa superficie à l'édifice volcanique de 2,4 kilomètres carrés de superficie, un agrandissement de l'île consécutif au déversement de 24 millions de mètres cubes de basalte.
Comprendre l'éruption de type capelinhien.
L'unique éruption connue de Capelinhos, tout comme il en a été le cas pour le Surtsey, - l'une et l'autre s'étant produites en milieu marin à faible profondeur, moins de 200 mètres -, faisant ainsi d'eux, des volcans monogéniques, se caractérise par trois phases : une sous-marine, une hydromagmatique et une aérienne.
Les éruptions sous-marines sont le type le plus commun sur Terre. Elles présentent des caractéristiques qui diffèrent de leurs équivalents sur terre. Les coulées de lave sont mis en place par extrusion progressive des lobes qui sont rapidement refroidis en contact avec l'eau, formant des structures connues comme laves en coussins, - ou pillow lava -, et leur fragmentation explosive forme d'épais dépôts connu comme hyaloclastites. Elles produisent souvent de grandes quantités de pierre ponce, véritables radeaux flottants pouvant être entrainés sur de longues distances du volcan par les courants océaniques. En outre, les coulées de lave peuvent provoquer des explosions qui créent des cônes de cendres et de débris ressemblant à des cônes de scories, même si elles ont été émises à partir d'évents non raccordés à un conduit volcanique.
Dans la phase éruptive hydromagmatique, le magma, - ou la lave -, interagit de façon explosive avec l'eau. Dans la plupart des cas, les éruptions capelinhiennes, - ou surtseyennes -, se produisent lorsque le sommet d'un volcan sous-marin affleure à la surface de l'eau. L'eau, - quelques degrés Celsius -, se dilate et se transforme en vapeur. Entrant en contact avec de la lave chaude, - plus de 1.000° Celsius -, elle explose et crée des panaches volcaniques essentiellement composés de vapeur d'eau, de gaz et de cendres pouvant s'élever à plusieurs kilomètres d'altitude. Les gerbes de lave fragmentée percent la surface de l'eau et donnent naissance à des panaches dits « cypressoïdes. » Par accumulation des téphras, le cône volcanique grandit et émerge peu à peu puis complètement au point que la cheminée volcanique débouche au-dessus du niveau de l'eau.
L'éruption entre alors dans sa phase aérienne. L'eau jouant un rôle moindre, l'éruption se déroule de manière classique suivant le type de lave émis par le volcan, de type hawaïen, - lac, fontaines et coulées de lave basaltique se jetant dans l'océan -, dans le cas de Surtsey, ou strombolien, - alternance de phases explosives et de phases effusives et éjection rythmique de produits en fusion propulsés par les gaz volcaniques -, dans celui de Capelinhos.
L'évent éruptif sous marin de El Hierro, apparition imminente du panache cyprissoïde.
Même si les autorités ont annoncé que le jaccuzi n'était plus en activité depuis le 27 Octobre 2011, simple désinformation basée sur une baisse du tremor harmonique, celui-ci a continué « à travailler » bien plus, de petits geysers de gaz annonçant le stade 2 d'une éruption capelinhienne, ont, parallèlement, fait leur apparition à la surface de la Mer de Las Calmas depuis. Quant au tremor harmonique, l'évent éruptif étant des plus actifs, le cône sous-marin grandissant et les déversements basaltiques entrainant une légère déflation du sol, il est dans la normalalité volcanique, les tremblements de terre se déplaçant vers El Julan et El Golfo, avec des hypocentres de profondeur approchant les 20/22 kilomètres, montrent que le magma migre et afflue vers l'évent/fissure éruptif-actif localisé à moins de 2 kilomètres au large de La Restinga et de Puerto Naos.
Depuis le 1 Novembre, le sommet du nouvel édifice sous-marin se situant à moins de 70 mètres de profondeur, la phase 3 de l'éruption surtseyenne est enclenchée et l'apparition du panache « cypressoïde » est imminente, de quelques heures à 24/36 heures d'autant que le nombre, - plus d'une centaine par jour -, et la magnitude, - plus d'une trentaine par jour comprise entre 2.8 et 3.9 - des séismes est en constante augmentation, et que deux nouveaux remous type « jaccuzi » ont, de même fait leur apparition en surplomb de la bouche sous-marine éruptive. En toute logique, les autorités devraient prendre toutes les précautions qui s'imposent et décréter l'évacuation, du moins de la Restinga si ce n'est celle de toute la zone située au-dessous d'une ligne Frontera-El Pinar.
Notes.
(1) Certes, l'équipement de mesures topographiques, embarqué à bord su « Ramon Margalef », a permis de cartographier des fonds marins, au large de La Restinga, mais le supposé cône en voie de formation est un « seamount » déjà existant depuis des décennies, culminant à -300 mètres de profondeur, affecté par un état éruptif peu conséquent. D'après les documents photographiques communiqués par l'Instituto Geográfico Nacional, un deuxième évent connait, de même, une activité similaire. Au différent, le nouveau cône, hyper actif, localisé à moins de 2 kilomètres de Puerto Naos, à moins de 150 mètres de profondeur, n'apparait pas. Et... difficilement compréhensible, de grandes taches noires, - normalement des épanchements basaltiques en pillow lava-, et une tache bleue, bizarrement géométriques et surtout sans relief, sont inopportunes et interdisent toute interprétation sous ces zones ainsi masquées.
(2) L'éruption volcanique de type capelinhien est un type d'éruption volcanique caractérisé par l'émission d'une lave à fleur d'eau, maritime ou lacustre, à faible profondeur. Le contact de l'eau et de la lave engendre un choc thermique qui provoque la vaporisation de l'eau et la fragmentation de la lave au cours d'explosions qualifiées de « cypressoïdes » pour la ressemblance des panaches volcaniques avec des cyprès. Frederico Machado, directeur de Travaux publics, assisté de João do Nascimento et de l'arpenteur Antonio Denis, eurent en charge les recherches scientifiques mais, ne pouvant publier dans des revues scientifiques patentées exclusivement réservées aux hommes de l'art, ne purent en pérenniser la terminologie. Au différent, suite à l'éruption similaire de l'île-volcan Surtsey, en 1963, les vulcanologues britanniques firent adopter la terminologie « type surtseyen » au détriment de « type capelinhien. » (3) « Foi uma erupção submarina devidamente observada, documentada e estudada, desde do início até ao fim », Victor Hugo Forjaz, professeur et vulcanologue portugais. (4) l'île neuve ou île de Capelinhos ou île du Saint Esprit. (5) Au cours de la nuit du 12 au 13 Mai 1958, un séisme plus puissant que les autres, de magnitude estimée supérieure à 5.5 sur l'échelle ouverte de Richter et d'intensité VI/VII sur l'échelle de Mercalli, secoue fortement l'île de Faial, notamment les villes de Praia do Norte, Capelo et Norte Pequeno où de nombreuses maisons s'effondrent en raison de l'activité de nombreuses failles dont certaines montrent un escarpement de 1,5 mètre et une ouverture de deux mètres. Ce séisme ne fera aucune victime en raison de l'évacuation préventive de 2.000 foyers de ce secteur de l'île. (6) La lave pahoehoe ou lave cordée est un type de lave, généralement basaltique, parfois carbonatique, très pauvre en silice et à très haute température ce qui lui confère une très grande fluidité. Sa grande plasticité modèle fréquemment sa surface en fusion sous forme de boudins parallèles de plus ou moins grande dimension, lui donnant alors l'aspect d'un amas de cordes ou d'un amoncèlement de coussins. La lave aa est un type de lave, généralement basaltique, pauvre en silice et à très haute température, ce qui lui confère une grande fluidité. Toutefois, sa surface se solidifie relativement rapidement et prend un aspect croûté, très rugueux, acéré et coupant.2011 © Raymond Matabosch
Sur le même sujet, articles précédents :
El Hierro, Îles Canaries : Intense activité séismo-volcanique.
El Hierro, Îles Canaries : Risque imminent d'éruption volcanique ?
El Hierro, Îles Canaries : Le volcanisme intra-plaque aux Iles Canaries.
El Hierro, Îles Canaries : Le processus éruptif est engagé.
L'île volcan El Hierro : Considérations sur l’éruption sous-marine et nouveaux évents probables.
L'île volcan El Hierro, îles Canaries : Une éruption volcanique sous-marine annoncée.
L'île volcan El Hierro : Naissance imminente d'une île surtseyenne.
Une éruption surtseyenne : Quels risques pour El Hierro ?
L'île volcan El Hierro : Si outre l’éruption sous-marine, le rift El Julan se réactivait ?