Vladimir Velickovic « les versants du silence » aux Abattoirs | Toulouse

Publié le 06 novembre 2011 par Philippe Cadu

Du 18 novembre 2011 au 29 janvier 2012
Vernissage le 17 novembre à 18h

http://www.lesabattoirs.org/

Rares sont les œuvres de Vladimir Velickovic que le regard oublie après s’y être confronté. Rares sont celles qui laissent indifférentes. Chargées d’une densité émotionnelle très forte, c’est de l’homme dont elles parlent. De nos destins misérables, de la mort et de la cruauté humaine, de la dualité des nuits humaines. Ce sont majoritairement des corps en souffrance que l’artiste représente dans des visions toujours singulières. Visions qui toutes témoignent d’une qualité plastique puissante, source d’un métier parfaitement maîtrisé que le peintre a su réinventer en renouvelant et iconographie et techniques.

Parfois ces corps sont frappés d’inertie. Crucifiés, cloués au poteau, au tombeau, la face contre terre, ils sont les images déchirantes de nos silences noirs, irréversibles. Lorsque plus rien ne bouge. Si ce n’est parfois, qui hantent, chiens errants affamés, cortège strident de rats ou corbeaux à l’œil noir où l’impossible luit.  Là sont les séries où l’artiste réinvente de manière singulière les motifs traditionnels de la crucifixion et du gisant, réactivés à la lumière des drames contemporains : des Grands épouvantails (1968) à l’Homme (1976), des Crucifixions et Blessures (1990) au dialogue amorcé avec Grünewald (2000). Et si la majorité des tableaux témoigne d’un attachement à la figure, d’autres explorent la puissance expressive de cette sombre immobilité par des voies très différentes, de manière tout aussi persuasive. Il en est ainsi de la force suggestive de l’espace frappé par le vide et l’absence de présence humaine, d’où sourd une angoisse vertigineuse, comme dans les Lieux inhabités (1975-1986) ou les vastes paysages déserts et désolés réalisés dans les années 1990 (tels ceux appartenant à la série 1992).

Parfois ce sont au contraire des corps animés d’une rage désespérée qui s’agitent contre le poids fatal des gravités et la gueule impassible du temps. Ecorchés, décapités, déboussolés, solitaires ou à deux, ils préfèrent, et marcher, et courir, et chuter, et sauter, plutôt que de crever de n’avoir jamais su où ils vont, qui ils sont. Là sont des magnifiques séries de dessins réalisés entre les années 1970 et 1990 : les Cris, les Crochets, les Descentes, les sauts, les chutes, les Mouvements. Mais d’autres plus récentes encore, comme la série des Corps (2000) où se mêlent figure humaine et bestiaire, témoignent de la richesse de cette enivrante expression de la démesure. Expression qui toujours écorche à vif le regard.

Cette production graphique, qui s’étend sur plusieurs décennies, constitue du reste la part fondamentale de la création de l’artiste. Sa diversité en témoigne : depuis les notes rapides de carnet et études préparatoires aux collages et dessins plus ambitieux qui acquièrent le statut d’œuvre indépendante. Ici, comme en peinture, Vladimir Velickovic s’est toujours refusé à la facilité. Outre l’évidence d’un don exemplaire, sa maîtrise de la technique et la rigueur de son trait s’inscrivant avec force dans l’héritage des plus grands maîtres – de Dürer à Callot, l’artiste n’a cessé de se remettre en cause et de chercher à renouveler sa pratique. Une production extrêmement féconde dont il est passionnant de mesurer aujourd’hui l’ampleur.