Été 2006 :
Il y a cinq semaines, j’étais encore à Séville où je suis resté quelques mois. Je suis de retour sur Angers depuis peu, que déjà j’ai la tête ailleurs. Je me dis que peut être je pourrai aller en Espagne, encore et encore (c’est que le début comme dit Francis!). J’aime ce pays, sa légèreté, son soleil et ses foutus tapas ! Je suis attiré par ce pays comme une abeille l’est par une fleur, un ballon par une cage, une voiture par un parking et comme toi par la connerie ! C’est décidé, je pars pour Barcelone.
Je vais y faire ce que j’ai fait à Séville et dans les autres villes. Je vais m’y installer. Pour moi rien ne vaut un voyage de ce type. Tu te pointes, tu trouves un logement, un boulot, des copains et surtout, des copines ! (en fait, pour dire vrai, je rencontre souvent Solitude. Elle est partout. Elle me suis ou quoi ! Elle est amoureuse ou quoi! Elle parle pas beaucoup, elle est un peu froide, c’est vrai. Mais, avec le temps (tout va tout…), j’ai appris à la connaître. L’habit ne fait pas le moine (la none en l’occurrence). Aujourd’hui, je lui rend grâce car elle m’a tout appris. Elle est divine, si belle, si riche et si généreuse! Je te souhaite de la rencontrer un jour. Elle remplira tes poches d’un or qui ne se vend pas !) Dans ces villes, je reste le temps qui me semble suffisant pour avoir envie d’une autre ville, d’un autre pays, d’une autre vie, sans pour autant détester ce que je quitte. Aujourd’hui, je laisse donc Angers, ma belle, pour la énième fois. Je pars mais je reviendrai. Je pars serein car je sais qu’elle m’attendra, elle, qu’elle sera toujours là, elle. Ne m’a t’on (de prison) pas dit un jour, qu’un voyageur part pour seulement mieux revenir ! (Ce jour là je me suis dis que je devais absolument me souvenir de cette phrase pour la ressortir un jour et tu sais quoi, j’y suis parvenu (des champs Élysées), et ce jour est arrivé).
Il y a quelques temps je me suis acheté une vieille Pigeot 405 break à 1500 boules. J’ai viré les sièges à l’arrière et j’ai mis un matelas mousse, coupé aux mesures, de 15 cm d’épaisseur. J’ai collé aux vitres un plastique pour masquer l’intérieur et pour m’offrir un peu d’intimité (plastique que je me suis fait suer à recoller tout le temps, pendant des mois, et pour ce qui est de l’intimité, la fois où j’aurais dû (ou plutôt, où nous aurions dû) en avoir besoin, le coffre était grand ouvert ! Autant dire que j’aurais pu me passer de ce foutu plastique!)
Greffe ! Heu… bref, je prépare mon départ. L’arrière de la bagnole est plein de mes affaires (guitare, ampli, fringues, enceintes, un fil, punaises, livres, etc), tout un bintz, à même le matelas. J’ai fait en sorte de laisser un espace suffisamment large pour y ranger mon corps et y trouver facilement du sommeil, si besoin était.
Musique à fond, je démarre. J’enclenche la première et calmement je prends la route (j’aurais pu partir en faisant crisser les pneus et faire un max de poussière, mais j’avais pas envie!).
Je roule depuis déjà 3 bonnes heures quand, telle une star de la route, je me fais flasher non pas mon meilleur profil, mais ma plaque d’immatriculation. Je rage. Avec ma veille caisse je ne dépasse jamais le 110 km/h ! Je suis l’exact opposé du chauffard type ! Je ne bois pas, fais des pauses, ne fume pas, fais les contrôles intérieurs sur les ronds-points, prends bien le début des voies de sortie, laisse passer les piétons, respecte les distances de sécurité et, donne environ 200 boules au trésor public, par an, pour ce genre d’infractions : 101 km/h effectifs, retenu 94 km/h au lieu de 90, pour quelques dizaines d’euros à chaque fois. Plein le dos ! Surtout que je risque de payer des indemnités de retard, vu que je pars pour l’étranger et que j’ai pas envie de m’occuper de ça, poils aux doigts ! Qui vivra verra !
Ma drid est derrière moi (cherche pas drid dans le dico, pas la peine!) et j’encourage ma Titine, à coups de tatane (pas mal hein ! J’donne des cours le mercredi matin. Inscris-toi, ta vie changera!). Je l’encourage car elle a tellement enfilé de bornes ces derniers mois que, vu son grand âge, elle serait en droit de dire stop ! Elle a vu du pays et comme c’est moi qui conduisais, j’ai vu tout ce qu’elle a vu. Quand j’ai quitté Séville, il y a quelques mois (j’ai hésité à te le rappeler mais au regard de la taille de ton cerveau, j’ai pas le choix.), J’ai mis le cap sur le Portugal en suivant la côte Espagnole et ensuite, j’ai longé celle du Portugal et ce, jusqu’à Lisbonne (qui l’est, je le confirme!). On a roulé notre bosse Titine et moi. Au démarrage, parfois, elle trésaille. Elle me montre des signes de fatigue. Elle oublie des trucs, elle a des fuites, elle ne me reconnaît plus (ça s’est le plus dur !). Tout ça pour te dire que j’ai hâte d’arriver a Barcelone.
J’arrive à Barcelone.
Il est tard, à peu près 3h du matin. Nous sommes début Juillet et déjà les nuits sont chaudes, très chaudes. Je choisi un petit parking sur le bord de mer, à quelques encablures du centre ville. Je suis crevé. Je m’allonge dans l’espace prévu à cet effet à l’arrière et tente (igloo) de dormir un peu. Impossible, trop chaud. C’est intenable. Après 3 heures de non-sommeil, dépité, je change de stratégie et sors de Titine. Le front mouillé de sueur, je prends rapidement ce qui me semble utile pour partir à la recherche d’un logement en ville. Je longe la plage pendant une petite demie heure. J’arrive en ville, à l’heure du réveil. Barcelone baille, s’étire, ses yeux sont gonflés de sommeil. Je la regarde se réveiller (comme toi, elle refoule du bec au saut du lit). Elle n’est pas très souriante. Je lui pardonne, après tout je suis comme elle.
Je prends mes premiers repères. Je marche et me perds dans les rues Barcelonaises. C’est une sensation plaisante que de se promener en des lieux inconnus qui le seront moins dans quelques temps. Je flâne, je plane, je crâne et je prends le tram !
Je trouve un banc et je m’y installe pour y manger sur l’annuaire, heu…l’annulaire, heu…le pouce (pardon). Sur ce banc une dame d’un certain âge. Elle a dû voir mourir tous ses amis car aujourd’hui, elle nourrit les pigeons du parc et on sent, à l’observer quelque peu, que s’est une spécialiste, une artiste de la miette ! Cette femme transpire de solitude. Cette solitude qu’elle porte en elle est terrible car, elle est de ces solitudes qui ne se choisissent pas. J’interromps son monologue qu’elle croit être un échange, une conversation, peut être même un partage avec les oiseaux. On discutaille le bout de gras. Elle se moque de mon accent à couper au couteau et elle a bien raison, elle ne rira peut être pas une deuxième fois aujourd’hui. Au moment de la quitter, elle me dit que le quartier où j’ai garé ma voiture n’est pas sans danger, elle me dit de me méfier des gens, elle me dit que Barcelone est pourrie de voleurs, elle me dit….Je la salue et je m’éloigne.
Je me réveille. Je cherche l’heure. Un monsieur là-bas. Je marche. Je le questionne. Il est 18h. J’ai dormi plus d’une heure sur la plage (pas très belle soit dit en passant). Il est temps de retourner au parking. Je vais faire quelques kilomètres pour m’éloigner de la ville et tâcher de trouver un coin plus sympa pour y poser ma voiture, mon corps et mon âme.
Tous les parking le long de la plage se ressemblent. Je pensais que j’avais garé Titine à droite de ce resto. J’ai dû me tromper. Je file au parking suivant. Pas de Titine. Ça doit être le parking suivant. J’y vais. J’y suis. Toujours pas de Titine. J’ai dû aller trop loin. Je reviens. Je laisse le resto sur ma droite et je fais tous les parking, tous ! Rien. Où est donc cette foutue bagnole! Je commence à pester sévère. Je me suis trompé de resto. Je questionne. Non je ne me suis pas trompé de resto. Mon front perle, les bras m’en tombent et mes jambes sont inutilisables car pas utilisables! Je ne veux pas le croire. Pas encore m…e! C’est pas possible ! J’me suis fais piquer ma caisse! C’est pas possible ! Ils me l’ont tiré les s…..s (un point si tu trouve le mot manquant. Un indice, c’est pas nazis!) C’est pas possible ! C’est pas possible ! Pas encore ! (pour info, on m’a, à cet instant de ma vie, piqué mes deux premières voitures et dévalisé mon combi Volkswagen, sans compter mon vélo et tout le reste !) C’est pas la poisse, c’est une malédiction ! C’est pas un événement, c’est devenu un mode de vie ! Normalement, dans une vie, on peut, je dis bien on peut, être victime du vol de sa voiture. On le raconte le lundi au boulot devant la machine à café, on rigole,on fait des oh, on fait des ah, on fronce les sourcils, on s’agite bref, on fait son petit numéro et le petit moment de gloire est passé. On passe à autre chose. Normalement.
Je suis assis par terre et s’est sûrement pas la faute à Voltaire. Pendant un certain temps, environ mille ans, je reste comme un curé à qui ont annoncerait que le bon dieu n’existe pas. Je suis sans voix, sans voie, sans foi et cent fois je maudis ces bandits!
Tout. J’avais tout dans ma voiture. Je suis partis si vite que j’y ai même laissé ma besace avec tous mes papiers. Quel C..! Quelle tête creuse! Quel toi! Quelle gonzesse! (je sais, j’y vais fort là ! Tu vas me dire que je vais trop loin, que l’on ne peut pas, que l’on ne doit pas, que ça ne se dit pas, en un mot: que je cherche les histoires. Moi je te réponds que pour ce qui est des filles, y’a pas de lézard, elles ne se fâcheront pas, t’inquiètes, la vanne est déjà quatre lignes plus haut, elle l’ont déjà oublié!)
Je suis fou de colère. Je fais des allées et des venues de parking en parking. Je suis intenable car la rage m’emporte. Je suis dans une Moïse euh…mouise pas possible. Ça craint un max! J’ai juste ma carte bleu, ma carte d’identité et quelques euros sur moi! Dieu soit vendu! (oui, la location ne me rapporterai pas assez, c’est sûr!)
Ce soir là, j’ai pleuré (Sur les 3 histoires, souvenirs de voyage, y’en a déjà deux où tu me vois chialer. Je fume heu…J ’assume le côté féminin de ma personnalité, comme dirait l’autre, mais attention, faut pas pousser, cette moitié ne moufte pas quand l’autre moitié, la masculine (t’avais compris n’est-ce pas patate !), lui colle une soufflante et la renvoie en cuisine me préparer des nouilles ! Oh ! Hey ! Hein ! Bon ! J’ai pas gagné tous ces concours de celui qui pisse le plus loin pour que la première venue me les coince! Parenthèse fermée (sûr que t’avais oublié qu’elle était ouverte, hey banane !)).
Ce soir là donc, j’étais mal (ou femelle, comme tu veux). Si j’avais pu, j’aurais appelé Dieu en personne, mais j’avais pas le forfait pour (trop cher). Alors, j’ai appelé son bras droit, mon ex(cuse) (là, je suis obligé de mettre une connerie, non pas pour te faire marrer (car ça fait un moment que je sais que tu n’as pas d’humour) mais plutôt, pour travestir ce mot ex, que je trouve franchement lait heu…laid (là tu dois te marrer ! Souris au moins ! Allez quoi, t’es pas un monstre!)). Et c’est elle qui a fait le boulot ! C’est auprès d’elle que j’ai trouvé le réconfort.
Après une petite conversation téléphonique de 5 minutes à 8,92 $, je me sens mieux…Je raccroche. Je retrouve Solitude, je lui souris, elle me sourit. Je refais surface.
Je retourne dans le centre, tout pneu, heu… tout penaud. Il faut que je me trouve un endroit pour dormir. Je dois me poser un peu et réfléchir. J’ai besoin de mettre les choses à plat, de visualiser mon avenir proche, de trouver la première étape pour régler tout ce micmac (un double s’il vous plaît! Avec mayo !)! Il paraît que la nuit porte conseil.
Je trouve une auberge de jeunesse qui me servira de QG pour les jours à venir.
J’ai bien l’intention de rester à Barcelone et de m’y installer quelques temps. C’est pour ça que je suis venu ici. Le début de mon aventure Catalane est différent de celui que j’avais imaginé…Plus épique certes, mais pas tragique. Disons que je pars de rien. Pourquoi pas, après tout ! Je me débrouillerai. La pente est seulement un peu plus raide que je ne le pensais avant mon départ mais elle ne masque pas pour autant le soleil.
Avant de me coucher, je lave, dans l’évier du dortoir, avec un bout de savon qui traîne, mon caleçon, mes chaussettes et mon tee shirt. Je pends mes effets sur le montant du lit, en espérant que le tout sera sec au réveil. J’accepte de ne rien avoir mais pas question de puer ! Il manquerait plus que je vicie (Léonard de) l’air de la chambre alors que d’autres s’en chargent déjà ! Je me couche pauvre mais propre !
Fin.