- Que veux-tu d’eux ?
- Ton Harry pourrait faire quelque chose pour moi…me recommander à ses oncles…
- Il ne le voudra pas.
- Crois-tu ? Pourquoi ? Je ne leur demanderai pas de me verser une rente, mais de me prendre chez eux, de me faire une place, la plus petite possible, et je te le dis, Ada, ils m’accepteront.
- Encore tes chimères, murmura-t-elle avec colère et pitié.
- Non, je connais ces gens. Européanisés, civilisés, autant que tu le voudras, ils gardent au fond du cœur un faible pour ceux qui, comme eux, ont commencé péniblement, durement, petitement. Car, enfin, ces Sinner, avec leur écurie de courses et leurs collections fameuses, leurs pères étaient dans l’enfance des gamins comme moi, affamés, battus, humiliés, et cela crée une solidarité qui ne s’oublie pas, non pas celle de la race, non pas celle du sang, mais des larmes versées, tu comprends ? Pourquoi ne veux-tu pas me laisser ma chance, Ada ?...Que veux-tu que j’espère d’autre que l’argent sur cette terre ? Toi, je t’ai perdue.
Chassés par les pogroms ukrainiens, Ada et Ben, deux enfants du ghetto, trouvent refuge dans la ville haute, chez leurs riches cousins les Sinner. Là, brièvement, ils font la connaissance d’Harry, petit garçon de leur âge, chouchouté comme un prince par sa mère et ses tantes. Ada restera sous le charme, Ben n’éprouvera que mépris et envie.
Des années plus tard, à Paris, nos trois personnages rentreront à nouveau en collision.
Dans Les loups et les chiens, Irène Némirosky évoque l’exil, la différence, la nostalgie de l’enfance mais aussi, comme à son habitude, le vice de l’argent et son accumulation.
Seul l’amour semble, à ses yeux, légitime…
Un roman poignant, incisif, finement observé dont j’ai avalé les pages avec une gourmandise presque coupable.
La note de L'Ogresse: