Quelques conséquences possibles de la tragi-comédie autour de la dette grecque: non seulement les États ont visiblement perdu le contrôle de l’évolution de la crise financière, mais nos dirigeants viennent de franchir les bornes de l’incurie.
Par Vincent Benard
Bon, cela n’aura pas trainé. Le premier plan de sauvetage de la Grèce (celui de mai 2010) nous avait permis de « tenir » un an, le second (Juillet 2011) un mois, et le troisième aura rassuré les marchés pendant moins d’une semaine, avant que l’on ne s’aperçoive que, peut être, une mise sous-tutelle de la Grèce par une sorte de traité de Versailles version 2.0 n’avait qu’une chance de survie politique limitée, à tort ou à raison. La durée de crédibilité des plans de « sauvetage » décroît suivant une loi hyperbolique. Nous sommes comme les poissons dont le lac est asphyxié par des nénuphars à croissance exponentielle : après avoir ignoré la croissance du phénomène à ses débuts, jusqu’à la veille de l’asphyxie complète, nous croyons encore pouvoir nous en sortir.« Out Of Control »
Je pourrais m’offrir quinze seconde d’autosatisfaction en évoquant quelques prémonitions, en 2004, rappelées ici même en juin 2011. Mais je ne trouve même plus cela drôle.
Non seulement les États ont visiblement perdu le contrôle de la situation qu’ils nous affirment encore avoir bien en mains, mais là, nos dirigeants viennent de franchir les bornes de l’incurie, chaque décision qu’ils prennent ne pouvant qu’entrainer des conséquences « inattendues » (ou plutôt, qu’ils ne veulent pas voir) de plus en plus dévastatrices….
Voici quelques unes des conséquences possibles de la tragi-comédie autour de la dette grecque. Non, en fait, plus ça va, et plus je les juges probables. Mais je ne désespère pas de me tromper. Ce serait le bon moment.
Conséquences de « l’accord » européen de Bruxelles, le jeudi 27 octobre à l’aube
Ce qui est en train de se produire risque d’entrainer un gel de la demande privée pour les obligations d’État des BIGPIFS (les PIIGS plus la France et la Belgique), entrainant une monétisation à outrance de la dette souveraine par la BCE. Le pire n’est jamais sûr, mais :
– D’une part, les dirigeants européens ont vidé de leur substance le marché des CDS souverains (répétez après moi : « un renoncement VO-LON-TAI-RE à 50% de la dette grecque n’est pas un défaut ! »), montrant le peu de cas qu’ils faisaient du respect des engagements contractuels. Une dette émise par des politiciens aux abois, qui ne respectent pas leurs engagements, et sur laquelle vous ne pouvez plus acheter d’assurance contre le défaut puisque les États trouveront un prétexte pour qu’elle ne puisse pas être exercée, est une dette beaucoup plus difficile à vendre. Pigeon échaudé craint la douche froide, ou quelque chose comme ça.
– D’autre part, après les indignés grecs, ce sont les indignés italiens, portugais, espagnols, et pourquoi pas français qui vont battre le pavé et réclamer leur « haircut ». Après tout, pourquoi les populations accepteraient-elles de rembourser leur dette publique devenue insupportable en rognant sur leur État providence sans que les créanciers ne prennent leur part de l’effort ? Certes, les contribuables sont aussi détenteurs de comptes bancaires, et leur intérêt dans une faillite de ces établissements n’est pas évident. Mais en ces temps de grand foutoir, peut-on faire confiance à l’infaillibilité du jugement de masses dont la principale source d’information économiques est le journal de Claire Chazal ?
Dans ces conditions, qui achètera un papier des BIGPIFS ? Méfiance, méfiance. Au point que la BCE a d’ores et déjà dû intervenir massivement pour acheter en direct de la dette italienne, sans parvenir à en contenir la hausse des taux.
Et une faillite d’un gros État souverain sans mécanisme de gestion ordonnée des faillites bancaires, vous savez ce que cela veut dire : le grand plongeon. Donc : la BCE va être priée de monétiser, les gouvernements dussent-ils menacer Mario Draghi – qui vient de déclarer que la monétisation ne serait que « temporaire », la bonne blague – des pires avanies en cas de résistance. Vous aviez peur de la déflation ? Attendez le retour de la stagflation à deux chiffres…
Conséquence du référendum / Pas référendum / Peut-être référendum Grec
George Papandreou, G-Pap pour les intimes, va donc soumettre au référendum soit le plan d’austérité négocié à Bruxelles, soit la sortie de l’Euro, la question est encore à déterminer.
Ah non, finalement, il ne va peut être pas le faire. Il va peut être démissionner. Ou peut être pas.
Enfin bref, à la confusion économique s’ajoute la confusion politique la plus totale. Et si d’aventure, après s’être vu promettre un référendum, le peuple grec s’en voit privé, cela ne devrait pas calmer l’ardeur des manifestants.
Chez G-Pap, visiblement, la situation politique, de violences croissantes en rumeurs de retours des colonels (cf cet article de C. Sannat), est devenue intenable. Peut-être inspiré par Charles De Gaulle en Mai 68, G-Pap voudrait jouer son va-tout sur un référendum à tenir en décembre. Et peu importe que, pour les grecs, l’alternative au plan européen soit le désordre grec : en cas de défaut pur et simple, du jour au lendemain, l’État grec ne pourra payer que ce qu’il aura en caisse. Dans un pays ou la générosité de l’État providence est inversement proportionnelle à la capacité à prélever le moindre impôt, voilà qui promet des lendemains très, très frugaux. Il n’y a pas plus de faillite sans douleur que de repas gratuit.
Comment les grecs vont ils réagir ?
En se protégeant massivement contre une « possible / peut-être / on ne sait pas » sortie de l’Euro et la potentielle conversion forcée de leurs avoirs en Drachmes.
Ils vont donc sortir encore plus désespérément ce qu’ils ont de leurs comptes bancaires, soit en cash, soit en achetant à n’importe quel prix des actifs non-grecs : bunds, or, actions d’entreprises hors zone drachme, etc. Les banques grecques n’étaient pas au mieux, leur situation ne va pas aller en s’améliorant….
Comme le rappelait il y a quelques mois Alain Madelin sur BFM, je résume, « il est très difficile de sortir d’une monnaie par le bas, car, comme le secret est impossible à tenir, les agents économiques fuient la future monnaie faible et mettent à l’abri leurs avoirs en monnaie supposée plus forte. Cela s’est vu, par exemple, lorsque le Mali a voulu quitter le Franc CFA ».
Bref, la peur et l’incertitude vont amplifier l’hémorragie financière qui secoue la Grèce. Avec des conséquences sur les marchés qui déborderont assez largement des côtes du Péloponnèse et des banques de ce pays.
Adopter le plan B, d’urgence
Pour les autres pays, je maintiens l’obligation absolue de dégager les États de toutes les « cautions solidaires » qu’ils ont souscrites, vis-à-vis de leurs banques, du FESF et du MES, selon le plan exposé ici, sous peine de crash.
Et j’ajouterai : RAPIDEMENT. Sinon… Plouf.
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